
Un rapport analytique produit par l’ONG panafricaine AfricTivistes en partenariat avec l’International Institute for Democracy and Electoral Assistance (International IDEA), vient de révéler l’étendue et la sophistication des opérations de manipulation et d’ingérence étrangères par l’information (FIMI) au Sénégal. Couvrant la période cruciale entre les élections présidentielles de 2019 et 2024 , l’étude identifie quatre axes principaux d’interférence qui exploitent les vulnérabilités structurelles du pays, menaçant l’intégrité de son espace démocratique.
Malgré sa position de leader régional en Afrique de l’Ouest en matière de résilience aux opérations de manipulation et d’ingérence étrangères par l’information, avec un score de 60/100 , le Sénégal est loin d’être à l’abri des menaces. Le rapport publié par AfricTivistes pointe trois grandes failles exploitées par les acteurs étrangers:
- Vulnérabilités technologiques : L’absence de régulation stricte des plateformes numériques permet l’exploitation des données personnelles et la diffusion massive de désinformation ciblée, particulièrement lors des périodes électorales. L’étude cite notamment le recours au microciblage et l’usage de plateformes comme Facebook lors des scrutins de 2019.
- Vulnérabilités médiatiques : La dépendance économique des médias traditionnels les rend perméables aux influences étrangères, contribuant à la polarisation de l’espace public.
- Vulnérabilités institutionnelles : Le cadre juridique présente des lacunes notables dans l’encadrement de l’information et de la publicité étrangères, créant un vide réglementaire exploité par les acteurs d’ingérence.
Le Soft Power des puissances étrangères en jeu
L’ingérence étrangère est multiforme et ne se limite pas à la désinformation électorale. Elle est également déployée à travers le Soft Power de la diplomatie, impliquant notamment la Russie, la France et la Chine. Ces puissances agissent par des relais locaux, des accords éducatifs et culturels, ainsi que des campagnes médiatiques.
Le rapport dresse une cartographie des acteurs impliqués. Outre les stratégies d’influence par StarTimes (Chine) ou les médias russes PARADE/RT/Sputnik, des firmes étrangères sont citées pour leur rôle présumé dans des opérations d’information, comme Archimedes Group (Israël) pour de la désinformation massive en mai 2019, StateCraft Inc. (Nigeria) pour des stratégies d’influence, ou Spallian (France) pour du Data-mining en 2019.
Appel à l’action pour une résilience nationale
En conclusion, l’étude souligne que la sophistication des techniques d’ingérence exige une mobilisation coordonnée. AfricTivistes et International IDEA formulent des recommandations concrètes:
- Pour les institutions : Renforcer la régulation et la transparence des contenus politiques et électoraux.
- Pour les médias : Garantir l’indépendance éditoriale et la viabilité économique, tout en étiquetant clairement les contenus sponsorisés ou financés par des États étrangers.
- Pour la société civile : Développer la littératie numérique et l’analyse des risques informationnels.
Ce rapport constitue un appel pressant à l’ensemble des acteurs nationaux pour consolider la souveraineté informationnelle du Sénégal face aux menaces croissantes.



