Le Sénégal et l’homosexualité : une situation complexe et en constante évolution


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Un couple homosexuel
Couple homosexuel

Au Sénégal, le débat autour de l’homosexualité est de nouveau d’actualité à la suite de la visite de l’homme politique français, Jean-Luc Mélenchon. Le pays veut donner une image de tolérance, mais doit jongler avec la tradition, la religion et les aspirations à la modernité de la jeunesse. Entre discriminations légales et sociales et des voix s’élevant pour la défense des droits LGBTQI+, la situation reste incertaine et évolutive.

Au Sénégal, l’homosexualité demeure un sujet sensible et controversé. D’un point de vue juridique, l’homosexualité n’est pas explicitement mentionnée dans le code pénal sénégalais. Toutefois, l’article 319 punit les « rapports sexuels contre nature » d’une peine d’un à cinq ans d’emprisonnement. Bien que cette loi soit rarement appliquée avec rigueur, elle crée un climat d’incertitude juridique et favorise les discriminations envers les personnes LGBTQI+.

Discriminations légales et sociales

Sur le plan social, l’homosexualité est largement réprouvée, souvent perçue comme une déviance morale et religieuse liée au passé coloniale. En effet, avant la période de colonisation, l’homosexualité au Sénégal, comme dans la plupart des pays africains, étaient une situation ordinaire. Or, aujourd’hui les personnes LGBTQI+ sont confrontées à de nombreux obstacles, notamment la stigmatisation, le rejet familial et social, les violences physiques et verbales, ainsi que les discriminations dans l’accès à l’emploi, au logement et aux services de santé.

En 2023, un projet de loi visant à durcir les peines contre l’homosexualité a été rejeté par le Parlement, reflétant toutefois la persistance des courants homophobes au sein de la société sénégalaise. Malgré ce contexte difficile, des voix s’élèvent pour défendre les droits des personnes LGBTQI+. Des associations militent pour la dépénalisation de l’homosexualité et la lutte contre les discriminations. De plus en plus d’individus, y compris des personnalités publiques, osent briser le silence et affirmer leur orientation sexuelle.

Un débat relancé par la visite de Jean-Luc Mélenchon

Le débat sur l’homosexualité a resurgi au Sénégal après les propos d’Ousmane Sonko lors de la visite de l’opposant français Jean-Luc Mélenchon, le 16 mai. Sonko, défenseur du souverainisme et du panafricanisme, a critiqué les tentatives des pays occidentaux d’imposer leur mode de vie aux pays africains et de faire pression pour la légalisation de l’homosexualité, qualifiant cette pression de « casus belli ».

En effet, l’homosexualité est largement considérée comme une déviance au Sénégal, où la loi réprime d’un emprisonnement de un à cinq ans les actes dits « contre nature avec un individu de son sexe ». Ousmane Sonko réclame le respect des spécificités des sociétés africaines par les pays occidentaux, soulignant que la question des genres n’est pas nouvelle en Afrique et qu’elle a toujours été gérée à sa manière.

« Depuis l’aube des temps, les sociétés ont vécu avec ces phénomènes et il n’y a jamais eu de persécution, ni ici au Sénégal, ni nulle part en Afrique« , a-t-il déclaré. Selon lui, même si ces faits ne sont pas acceptés, ils sont tolérés. Certains cercles proches des religieux, des opposants et des militants ont reproché à Sonko d’avoir défendu la tolérance vis-à-vis de l’homosexualité et d’avoir offert à Mélenchon une tribune pour plaider la cause des minorités sexuelles.

Un débat ravivé par des figures publiques

Aujourd’hui, deux hommes, un activiste et un prêcheur, font l’objet d’investigations pour « diffusion de fausses nouvelles » et « offense » à l’encontre du chef du gouvernement. En effet, l’activiste Bah Diakhaté, interpellé le 20 mai par la Division des investigations criminelles (DIC), a attaqué, dans une vidéo, Ousmane Sonko après la déclaration de ce dernier, le 16 mai, expliquant qu’au Sénégal l’homosexualité était « tolérée ». Une notion particulièrement floue lorsque l’on se souvient qu’en octobre dernier une foule avait immolé un présumé homosexuel dans la région de Kaolack !

Une ouverture cependant déjà trop forte pour les homophobes. Ainsi, le prêcheur Cheikh Ahmed Tidiane Ndao, placé en garde à vue, le 21 mai, par les mêmes services, a reproché, dans une autre vidéo, au Premier ministre ce qu’il dénonce comme de la complaisance vis-à-vis de l’homosexualité.

La pression des mouvements religieux et conservateurs est forte, mais les aspirations à la démocratie et aux libertés individuelles progressent également. Le Sénégal se trouve à la croisée des chemins, tiraillé entre tradition et modernité.

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