Le pouvoir tend un ballon d’oxygène aux islamistes, affirment les communistes algériens


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Drapeau de l'Algérie
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Pour le représentant du Mouvement démocratique et social (MDS, ex-PAGS et Ettahadi, parti communiste), Tewfik Bensalah, le président algérien est aussi coupable de la recrudescence de la violence que les islamistes. La concorde civile aurait permis, selon lui, la réorganisation des groupes armés.

Afrik.com : Comment analysez-vous la recrudescence de la violence en Algérie ?

Tewfik Bensalah : Malheureusement, cela nous ne surprend pas. Le projet islamique, théocratique est toujours vivant. Le pouvoir, avec sa loi sur la concorde civile, tend un ballon d’oxygène aux terroristes.

Afrik.com : C’est-à-dire ?

T.B. : Les terroristes ont profité de cette loi pour se reposer et se ressourcer. Le pouvoir réhabilite les terroristes. Il n’y a pas de repentis. Aucun terroriste n’a fait acte de repentance ! Les groupes armés étaient presque anéantis, il y a 18 mois. Aujourd’hui, ils se sont ressourcés. Ils sont devenus arrogants avec la bénédiction du président Bouteflika.

Afrik.com : Comment cela ?

T.B. : Il a osé comparé ces tueurs d’enfants à Che Guevara ! C’est la porte ouverte à une réhabilitation officielle. Les terroristes du GIA n’hésitent plus à afficher leur appartenance. Je me demande si le pouvoir ne veut pas que le peuple baisse sa vigilance par rapport les islamistes.

Afrik.com : Certains partis politiques comme El Nahda voient, au contraire, la concorde civile comme un moyen de réconciliation nationale ?

T.B. : Cela fait partie du partage des tâches des courants politiques islamistes. Ces partis, présents au gouvernement, portent les messages des groupes armés. Ils profitent de cette violence pour revendiquer plus de concessions. Il y a une interdépendance entre les groupes armés et ces partis.

Afrik.com : Que pensez-vous de la thèse qui circule, ces jours-ci, sur la  » démission  » de Bouteflika par les  » centres de décision  » ?

T.B. : On ne sait pas ce qui va se passer les semaines prochaines. Je ne veux pas rentrer dans la polémique sur des pouvoirs qui sont officiels et d’autres qui le sont moins. Il y a un président qui nomme et gomme les généraux. Pour moi, c’est lui le détenteur du pouvoir. Il a bien renvoyé le colonel Saddek, le chef de la sécurité de la présidence. D’ailleurs, on se demande pourquoi !

Afrik.com : Pourquoi ?

T.B. : Ce genre d’analyse ne m’intéresse pas. Les méandres de ce qui se passe au sommet de l’Etat ne m’intéressent pas. D’autant plus que ces informations parcellaires sont diffusées au compte gouttes. Elles ne changent rien sur notre analyse.

Afrik.com : Quelle est, justement, votre analyse sur la politique de Bouteflika ?

T.B. : Quelle politique? On ne comprend pas très bien ce qu’il veut. A son investiture, il disait qu’il était à l’aise aussi bien à côté de la mini-jupe de Khalida Messaoudi (féministe algérienne, ndlr) qu’avec la gandoura d’Abassi Madani (responsable du FIS en résidence surveillée, ndlr). Cette politique d’équidistance semble dépassée.

Afrik.com : Où en est-elle aujourd’hui ?

T.B. : Elle contribue à décourager les patriotes (citoyens armés par l’Etat pour se défendre contre les groupes armés, ndlr). Quand le ministre des Affaires étrangères dit qu’il a le moral parce que les journalistes ont découvert qu’il avait fait appel à l’Iran pour que ce pays aide les islamistes, par tous les moyens, à gouverner en Algérie, je me dis que quelque chose va de travers. C’est un acte  » d’intelligence avec l’ennemi  » !

Afrik.com : Comment voyez-vous la sortie de crise ?

T.B. : Il faut remettre en cause cette loi sur la concorde civile. Les criminels doivent être jugés. Jamais un pouvoir n’a été aussi loin du peuple. Nous n’avons toujours pas compris le départ de Zéroual, ni le choix de Bouteflika comme président.

Retrouvez les interviews de Lahabib Adami, secrétaire général du parti El Nahda (Renaissance, islamiste modéré, le 22 décembre), d’Abdelkrim Dhaman, premier secrétaire du MSP islamiste modéré (21 décembre), d’Ali Kerboua, secrétaire général du FFS socialiste (20 décembre) et d’Addi Lahouari, enseignant à l’Institut d’études politiques de Lyon (19 décembre).

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