Le maire d’Orléans s’oppose à l’inhumation d’un dignitaire rwandais impliqué dans le génocide


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Serge_GROUARD - Ville d'Orleans - Puyo 2020
Crédit : Ville d'Orleans - Puyo 2020

À Orléans, le maire Serge Grouard a interdit l’inhumation de Protais Zigiranyirazo, ancien dignitaire rwandais surnommé « Monsieur Z », mort le 3 août au Niger. Beau-frère de Juvénal Habyarimana, il est accusé d’avoir joué un rôle déterminant dans le génocide des Tutsi en 1994. Sa sépulture prévue en France a suscité l’indignation d’associations de rescapés, dénonçant une offense à la mémoire des victimes. La municipalité évoque aussi un risque grave de troubles à l’ordre public.

La décision du maire d’Orléans de refuser l’inhumation de Protais Zigiranyirazo, alias « Monsieur Z », relance le débat sur la mémoire du génocide des Tutsi au Rwanda. Mort au Niger le 3 août dernier, l’ancien dignitaire rwandais devait être enterré ce jeudi 28 août dans la ville française. Face aux protestations d’associations de rescapés et au risque de troubles, la municipalité a tranché.

Une figure centrale et controversée du régime Habyarimana

Protais Zigiranyirazo, 87 ans, n’était pas un inconnu dans l’histoire du Rwanda. Beau-frère de l’ex-président Juvénal Habyarimana, il faisait partie du cercle rapproché accusé d’avoir joué un rôle déterminant dans la préparation et l’exécution du génocide de 1994, au cours duquel environ 800 000 personnes, essentiellement des Tutsi et des Hutu modérés, ont été massacrées en l’espace de cent jours.

Préfet pendant plus d’une décennie, il avait déjà été soupçonné d’implication dans l’assassinat de la primatologue américaine Dian Fossey. Expulsé du Canada en 1993 pour menaces de mort contre des Tutsi, il fut longtemps considéré par des témoins et chercheurs comme l’un des stratèges du génocide.

Arrêté en 2001, Zigiranyirazo fut condamné en 2008 à vingt ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), avant d’être acquitté en appel en 2009 pour des « vices de procédure ». Un acquittement qui n’a jamais effacé les soupçons persistants à son égard.

Une inhumation qui fait polémique

Installé depuis quinze ans au Niger sous résidence surveillée, Protais Zigiranyirazo est décédé le 3 août à Niamey. Sa famille avait prévu des obsèques en grande pompe à Orléans, réunissant environ 400 personnes. Une décision qui a immédiatement suscité l’indignation d’associations mémorielles, dont Ibuka France et le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), dénonçant une « offense insoutenable à la mémoire des victimes ».

« Pourquoi la France, qui lui a toujours refusé l’asile, accepterait-elle aujourd’hui d’accueillir sa dépouille et d’offrir une sépulture de prestige ? », s’interroge le CPCR.

Face à la polémique, le maire d’Orléans, Serge Grouard, a pris un arrêté d’interdiction le 26 août. Selon lui, l’inhumation d’un homme « reconnu pour avoir joué un rôle direct et déterminant dans le génocide » est incompréhensible au regard de « la gravité des faits qui lui sont reprochés ».

La municipalité a également invoqué un « risque grave de troubles à l’ordre public » et la « possibilité sérieuse que la sépulture devienne un lieu de glorification pour les auteurs et complices du génocide ». La famille de l’ancien dignitaire dispose désormais de deux mois pour contester la décision devant le tribunal administratif.

Une mémoire toujours à vif

Trente et un ans après le génocide, la mémoire des victimes continue de peser lourd dans les débats publics. La tentative d’inhumer « Monsieur Z » à Orléans met en lumière la difficulté persistante de gérer l’héritage judiciaire, historique et moral d’hommes liés à l’un des crimes les plus atroces du XXe siècle.

Pour de nombreux rescapés et défenseurs de la mémoire, la décision du maire d’Orléans n’est pas seulement une mesure de maintien de l’ordre. Elle incarne aussi un signal : celui d’un refus catégorique de banaliser ou de relativiser le rôle de ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à l’un des pires massacres contemporains.

Maceo Ouitona
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Maceo Ouitona est journaliste et chargé de communication, passionné des enjeux politiques, économiques et culturels en Afrique. Il propose sur Afrik des analyses pointues et des articles approfondis mêlant rigueur journalistique et expertise digitale
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