Le groupe A3+ : la voix unifiée de l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU


Lecture 5 min.
Drapeau de l'ONU
Drapeau de l'ONU

Né du « processus d’Oran » lancé en 2013, le groupe A3+ s’impose aujourd’hui comme un acteur incontournable de la diplomatie multilatérale. Cette alliance stratégique réunit les trois membres africains non permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et le Guyana, permettant au continent africain de faire entendre sa voix de manière coordonnée sur les grands enjeux internationaux de paix et de sécurité.

Le groupe A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana) constitue l’une des innovations diplomatiques les plus significatives de la dernière décennie au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Cette alliance transcende les frontières continentales pour créer un bloc d’influence cohérent, capable de peser sur les décisions cruciales en matière de paix et de sécurité internationales.

Genèse et fondements du groupe A3+

La création du groupe A3 constitue l’un des acquis majeurs du « processus d’Oran » lancé il y a plus de 10 ans. Cette initiative algérienne, concrétisée par le premier Séminaire de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique en décembre 2013, visait à renforcer la coordination entre les membres africains du Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine. Ce séminaire se déroule depuis chaque année afin de poursuivre la reflexion et le travail en commun.

Au fil des années, le séminaire d’Oran a permis de donner à la diplomatie africaine une vision claire de l’avenir et de doter les délégations africaines accréditées auprès de l’ONU d’une feuille de route qui fera de la diplomatie africaine un élément « accompli et influent, dans l’intérêt de la sécurité et de la stabilité en Afrique, dans le cadre du processus décisionnel du Conseil de sécurité de l’ONU (CSNU)« .

Le groupe s’est enrichi avec l’adhésion du Guyana, représentant l’Amérique du Sud et Latine, qui a des liens de solidarité historiques avec le continent africain, transformant ainsi l’initiative A3 en A3+. Cette évolution reflète la volonté d’élargir les solidarités Sud-Sud au-delà des frontières strictement continentales.

Composition et mécanisme de fonctionnement

Le groupe A3+ se compose actuellement de quatre membres, dont la participation dépend de leur mandat au Conseil de sécurité de l’ONU :

  • L’Algérie : membre non permanent du Conseil de sécurité pour la période 2024-2025, elle assure actuellement la coordination du groupe
  • La Sierra Leone : également membre pour 2024-2025, elle participe pleinement aux activités du groupe
  • La Somalie : nouveau membre élu pour 2025-2026, elle a succédé au Mozambique en janvier 2025
  • Le Guyana : membre pour 2024-2025, il représente l’Amérique latine et les Caraïbes au sein de cette alliance

Cette composition évolue donc en fonction des élections au Conseil de sécurité, les membres non permanents étant élus pour des mandats de deux ans renouvelés par moitié chaque année.

La Mission d’observation permanente de l’Union africaine auprès des Nations Unies à New York fait office de secrétariat pour le groupe A3+, assurant le soutien logistique et la coordination administrative. Cette structure institutionnelle garantit la continuité et la cohérence des actions du groupe malgré le renouvellement périodique de ses membres.

Défense de la souveraineté syrienne et engagement au Yémen

Le groupe A3+ s’est particulièrement illustré dans le dossier syrien, adoptant une position ferme contre les violations du droit international. Le groupe a également appelé à une paix durable en Syrie ne saurait être réalisée qu’à travers un processus politique sincère et inclusif, mené et porté par les Syriens, conformément aux principes consacrés par la résolution 2254 du Conseil de sécurité.

Sur la crise yéménite, le groupe Algérie, Somalie, Sierra Leone + Guyana a affiché sa préoccupation vis-à-vis de la recrudescence des ingérences militaires étrangères au Yémen, y compris les frappes aériennes israélienne et les répercussions de la guerre à Gaza, mettant en garde contre ces immixtions qui sapent les efforts de paix et déstabilise davantage la situation.

Sécurité régionale en Afrique

Les membres du groupe ont salué la réaction « rapide et unanime » du Conseil de sécurité condamnant les récentes attaques au Bénin, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, réaffirmant, à ce propos, « la nécessité pour le Conseil de faire bloc pour lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes ».

Le groupe a préconisé une stratégie régionale intégrée, axée sur le renforcement de la coopération transfrontalière et le partage de renseignements, démontrant une approche holistique des défis sécuritaires africains.

En Somalie, au nom des A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana), la Sierra Leone a expliqué que le groupe a voté en faveur du texte pour faire avancer le plan de sécurité du Gouvernement fédéral somalien qui a procédé à de nombreuses avancées au cours des dernières années.

Impact et rayonnement diplomatique

L’institutionnalisation du « processus d’Oran » témoigne de la maturité de cette initiative. Le Séminaire d’Oran, institutionnalisé, représente une plateforme stratégique en vue de renforcer l’action africaine commune et fournit une feuille de route pour les diplomaties africaines, à même d’appuyer les efforts du continent dans la réalisation de la sécurité et de la stabilité et de renforcer sa présence active dans le processus décisionnel international.

Malgré ses succès, le groupe A3+ fait face à des défis majeurs, notamment en s’attaquant aux facteurs à l’origine des conflits, tels que la pauvreté, le changement climatique, l’insécurité alimentaire et hydrique et les disparités économiques systémiques.

Le groupe A3+ illustre  comment les pays du Sud peuvent transcender leurs différences pour créer des mécanismes d’influence efficaces au sein des institutions multilatérales. En coordonnant leurs positions et en développant une vision commune, ces pays démontrent qu’une diplomatie unie peut peser significativement sur les grandes décisions internationales, ouvrant ainsi la voie à une gouvernance mondiale plus équilibrée et représentative.

Masque Africamaat
Kofi Ndale, un nom qui évoque la richesse des traditions africaines. Spécialiste de l'histoire et l'économie de l'Afrique sub-saharienne
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News