La peine de mort pour Mengistu : une punition trop sévère ?


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Mengistu
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Mengistu Hailé Mariam a été condamné à mort lundi pour le génocide perpétré entre 1977 et 1978 en Ethiopie, période de la « Terreur rouge ». Un verdict de la Cour suprême d’Ethiopie accueilli dans l’indifférence ou dans l’indignation par certains Ethiopiens opposés à la peine de mort.

Mengistu Hailé Mariam, surnommé le « Négus rouge » a été condamné à mort lundi par contumace par la Cour suprême éthiopienne. Une peine qu’il partage avec dix-sept de ses anciens compagnons. En 1974, il est l’un des officiers du futur Comité militaire d’administration provisoire (Derg) qui est à l’origine de la chute de l’empereur Hailé Sélassié, mais il prend officiellement le pouvoir le 3 février 1977. Entre 1977 et 1978, période surnommée la « Terreur rouge », environ 150 000 personnes, parmi lesquelles des étudiants, des intellectuels et des leaders politiques sont massacrés. Plusieurs autres prennent le chemin de l’exil pour fuir le sanglant régime marxiste de Mengistu Hailé Mariam.

« Ils recevront la punition la plus sévère de la loi éthiopienne »

Le 12 décembre 2006, la justice éthiopienne le reconnaît coupable de génocide à l’issue d’un procès qui a commencé douze ans plus tôt. En janvier 2007, la Haute cour fédérale d’Ethiopie prononce son verdict : la réclusion criminelle à perpétuité par contumace. Indifférente aux appels à la clémence, la Cour suprême éthiopienne a suivi l’accusation à l’origine de l’appel en prononçant la condamnation à mort de l’ancien dictateur. « Tous les accusés sont coupables de génocide, meurtres, confiscations illégales de biens et arrestations illégales d’innocents. En conséquence, ils recevront la punition la plus sévère de la loi éthiopienne », a déclaré le président de la Cour, le juge Desta Gebru. « Les crimes commis par Mengistu et ses co-prévenus, qui ont assassiné un empereur et l’ont enterré sous des toilettes, a poursuivi la Cour, sont sans précédent dans l’histoire humaine. »

 » La justice a été rendue », a confié à l’AFP Mulugeta Asarate, petit cousin d’Haïlé Sélassié dont le père a été exécuté pendant la période de la « Terreur rouge ». « La mort des responsables du (conseil militaire du) Derg ne ramènera pas à la vie les milliers de morts provoquées par le régime passé durant son règne. Mais merci à Dieu, nous avons vécu assez longtemps pour voir ce jour ». Pourtant en Ethiopie, la population semble avoir accueilli la nouvelle dans une certaine indifférence, selon Ismaël B., joint au téléphone. Il vit et travaille à Addis Abeba, la capitale. « Les gens sont tellement préoccupés par le quotidien qu’ils n’ont pas vraiment réagi à cette sentence. Les prix des denrées alimentaires, du pétrole, ne cessent de s’envoler dans un pays qui est très fragile en matière de sécurité alimentaire. »

Robert Mugabe ne compte pas l’extrader

Tout en soulignant sa méconnaissance du dossier dans ses moindres détails, Jonas Guebray, le patron du restaurant éthiopien « Godjo », situé à Paris, se dit contre cette condamnation à mort. « Chacun doit payer pour ce qu’on lui reproche mais la peine de mort doit être supprimée. Il ne faut pas être aussi bête en tombant dans la barbarie, en faisant les mêmes erreurs que lui. C’est comme pour Saddam Hussein en Irak. Il faut que ça s’arrête. La perpétuité aurait été de loin préférable à une condamnation à mort. » C’est aussi l’avis d’un autre Ethiopien de la diaspora qui a souhaité gardé l’anonymat. Egalement opposé à la peine de mort, il s’interroge quant au bien-fondé d’un verdict quand la justice de son pays n’est pas indépendante. « Qui peut juger un autre homme ? Je ne nie pas les crimes que Mengistu a perpétrés. Mais est-ce que les gens qui sont au pouvoir actuellement n’ont pas commis les mêmes erreurs ? La question se pose dans un pays où l’indépendance de la justice n’est pas une réalité. »

Depuis le renversement de son régime en 1991 par les hommes Meles Zenawi, l’actuel Premier ministre éthiopien, Mengistu Hailé Mariam a trouvé refuge en terre zimbabwéenne auprès de son « camarade », le président Robert Mugabe. Ce dernier refuse de l’extrader. Beaucoup d’Ethiopiens estiment qu’il y finira paisiblement ses jours, sans être inquiété par la justice de éthiopienne. La sentence doit être encore confirmée par le président Girma Woldegiorgis, puis la date de son exécution devrait être fixée. Néanmoins, depuis août 2007, aucune condamnation à mort n’a été exécutée en Ethiopie.

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