La démission de Humphrey Polepole secoue le pouvoir en Tanzanie


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humphrey Polepole

La démission fracassante d’Humphrey Polepole, ex-ambassadeur et figure historique du CCM, secoue la Tanzanie politique. Par sa lettre adressée à la présidente Suluhu, il dénonce un abandon des droits fondamentaux et révèle les fractures croissantes au sein du pouvoir à l’approche des élections générales.

En Tanzanie, la scène politique vient de connaître un tremblement de terre inédit. Humphrey Polepole, ancien fidèle du président défunt John Magufuli et jusqu’alors ambassadeur, a claqué la porte de ses fonctions diplomatiques le 13 juillet. Dans une lettre adressée à la présidente Samia Suluhu Hassan, il accuse la gouvernance actuelle d’avoir abandonné « les droits humains, la paix et la dignité ». Cette décision, la première de ce type depuis les années 1960, met en lumière un malaise profond au sein du Chama cha Mapinduzi (CCM), le parti historique au pouvoir depuis l’indépendance.

Un réquisitoire contre les dérives du régime

La lettre de démission d’Humphrey Polepole n’est pas un simple geste administratif : elle constitue un acte d’accusation direct contre la présidence actuelle et le parti qu’il a longtemps servi. L’ancien diplomate y dénonce une trahison des principes fondateurs du CCM, fustigeant un pouvoir devenu sourd aux droits fondamentaux. Dans un langage inhabituellement franc pour un haut fonctionnaire, il appelle implicitement à un sursaut démocratique, tout en pointant les dérives autoritaires du régime.

Cette sortie fracassante survient à un moment clé : le CCM s’apprête à organiser ses élections internes, pendant que l’opposant emblématique Tundu Lissu affronte une nouvelle audience dans une affaire de trahison. L’onde de choc provoquée par Polepole révèle les tensions qui agitent les coulisses du parti au pouvoir, autrefois perçu comme monolithique mais désormais fracturé entre réformateurs et conservateurs. La critique de Polepole semble s’inscrire dans une lutte de repositionnement, à la fois idéologique et stratégique.

Une manœuvre calculée ou un réveil politique sincère ?

Humphrey Polepole, mis sur la touche depuis plusieurs années, chercherait-il à redevenir une figure incontournable du paysage politique ? C’est ce que pensent certains observateurs, pour qui cette démission est aussi un calcul politique. Isolé des cercles d’influence, il miserait sur un retour au premier plan à travers une posture critique, dans un contexte où le régime de Samia Suluhu Hassan fait face à une érosion de confiance.

Cependant, d’autres estiment que ce geste pourrait marquer une rupture sincère, portée par une volonté de réveiller les consciences au sein d’un appareil politique sclérosé. Dans tous les cas, cette initiative ravive le débat sur la nature de l’autorité en Tanzanie et sur la place laissée à la critique dans les institutions.

Un avertissement pour la présidence Suluhu

Si le geste de Polepole est isolé, il n’en constitue pas moins un signal d’alarme. La présidente Samia Suluhu Hassan, saluée à ses débuts pour avoir desserré l’étau autoritaire de son prédécesseur, voit aujourd’hui son bilan contesté jusque dans son propre camp. L’accumulation des procès politiques, l’absence de réformes structurelles et l’étouffement des dissensions internes nourrissent un climat de défiance croissante.

À l’approche des prochaines élections générales, le CCM semble plus divisé que jamais. La rupture de Humphrey Polepole, loin d’être un simple épisode personnel, pourrait ouvrir une brèche dans le mur d’un parti au pouvoir depuis plus de soixante ans. La Tanzanie entre ainsi dans une séquence politique incertaine, où chaque geste de rupture pourrait faire vaciller l’équilibre fragile du régime.

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