
Le tribunal de première instance d’Abidjan a connu une journée tendue ce lundi, alors que le ministère public a requis une peine de vingt ans de réclusion à l’encontre du commandant Abdoulaye Fofana, ancien aide de camp de l’ex-président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro. Poursuivi aux côtés d’une quinzaine de co-accusés, l’ex-officier ivoirien est jugé pour des faits graves : complot contre l’autorité de l’État et constitution de bandes armées.
Arrêté en mai 2022 après avoir passé trois années en exil en France, Fofana a été interpellé à son retour en Côte d’Ivoire. Sa défense avance une motivation personnelle et familiale à son retour : « Je voulais voir mon père avant son décès », a déclaré l’accusé à la barre. Une justification qui n’a toutefois pas suffi à convaincre le procureur, qui a mis en lumière plusieurs zones d’ombre dans son itinéraire et ses intentions réelles.
Un retour semé d’interrogations
Ce procès soulève de nombreuses interrogations. Selon le procureur, Fofana serait passé par le Burkina Faso à l’aide de faux papiers avant de rejoindre Abidjan. L’enquête indique également que l’ancien militaire aurait pris contact avec plusieurs membres de l’armée. Une simple prise de nouvelles, selon lui. Mais pour l’accusation, ce comportement laisse entrevoir une volonté de reconstituer des réseaux dormants, voire de fomenter des actions subversives.
Les procès-verbaux d’audition lus par le président du tribunal mentionnent des déclarations de co-accusés, affirmant que Fofana aurait évoqué des projets de coup d’État. Ces propos ont depuis été rétractés, qualifiés de simples on-dit par l’accusé.
Des motivations politiques en toile de fond
Pour Me Kadidja Touré, avocate d’Abdoulaye Fofana, l’affaire est éminemment politique. Elle dénonce un dossier vide et un acharnement judiciaire orchestré pour atteindre son véritable objectif : affaiblir l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro. « C’est un complot contre le président Soro Kigbafori Guillaume. On arrête ses partisans çà et là, et on force la recherche d’infractions imaginaires », a-t-elle martelé.
L’avocate dénonce des accusations fondées uniquement sur des témoignages contradictoires, des soupçons infondés et une volonté manifeste de criminaliser l’entourage de Soro, en exil depuis plusieurs années et déjà condamné par contumace dans d’autres affaires.
Un procès sous haute tension
Le climat politique autour de cette affaire est électrique. Le nom de Guillaume Soro, figure de proue de la rébellion de 2002 et ex-président de l’Assemblée nationale, plane sur les débats comme une ombre persistante. Depuis sa rupture avec le président Alassane Ouattara en 2019, l’homme est devenu persona non grata en Côte d’Ivoire, et plusieurs de ses anciens collaborateurs ont été inquiétés par la justice.
Ce procès semble s’inscrire dans une logique de neutralisation de toute forme d’opposition structurée, notamment celle qui pourrait renaître de l’ancien appareil militaire loyal à Soro. Les observateurs notent que cette sévérité judiciaire contraste avec d’autres affaires impliquant des personnalités proches du pouvoir, souvent traitées avec plus de clémence.
Vers un verdict très attendu
Le procureur, visiblement décidé à faire un exemple, n’a pas hésité à qualifier Fofana d’habitué des tentatives déstabilisatrices. En retour, la défense a vigoureusement plaidé pour l’acquittement pur et simple de son client. Le délibéré a été fixé au 28 juillet 2025. D’ici là, les regards sont tournés vers le tribunal d’Abidjan, dans l’attente d’un verdict qui pourrait avoir des répercussions politiques majeures.
Si le commandant Fofana venait à être condamné à vingt ans de prison, cela renforcerait l’idée d’un durcissement du régime vis-à-vis de l’opposition historique. À l’inverse, une décision plus clémente ou un acquittement relancerait les débats sur l’indépendance de la justice et la nécessité d’une réconciliation nationale encore inachevée, quinze ans après la crise postélectorale de 2010-2011.