
L’Angola, riche en pétrole mais miné par de profondes inégalités sociales, est à nouveau secoué par une flambée de violences. Une vague de manifestations contre la hausse des prix du carburant a tourné au drame : 22 personnes ont trouvé la mort, dont un policier, et 197 ont été blessées, selon un bilan présenté mercredi par le ministre de l’Intérieur, Manuel Homem.
Alors que le gouvernement angolais tente depuis 2023 de réduire progressivement les subventions sur les carburants, la population, déjà éprouvée par la crise économique, est descendue dans la rue pour exprimer son ras-le-bol. Conséquence : des manifestations qui dégénèrent en émeutes. Tout a commencé avec une grève de trois jours déclenchée par les associations de minibus et de taxis, qui avaient augmenté leurs tarifs de 50% pour compenser la hausse des prix du carburant. Rapidement, les tensions ont débordé : des affrontements violents ont éclaté, notamment à Luanda, la capitale.
Un pays producteur de pétrole… aux citoyens asphyxiés par les prix
Selon la police, ces mouvements n’étaient « pas des manifestations » mais bien des « actes de violence, de pillage et d’attaques contre les forces de sécurité ». Au total, 1 214 personnes ont été arrêtées. Le gouvernement, par la voix du sous-commissaire Mateus Rodrigues, porte-parole de la police, a fermement condamné ces actes, insistant sur leur caractère criminel. Mais au-delà de cette réponse sécuritaire, c’est une crise sociale plus profonde qui semble se cristalliser.
L’ironie est amère : l’Angola est le deuxième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne, derrière le Nigeria. Pourtant, la richesse tirée de l’or noir ne se traduit que très peu dans la vie quotidienne de la majorité des Angolais. La fin progressive des subventions sur le carburant, entamée en 2023 dans un contexte de réformes économiques dictées en partie par le Fonds monétaire international (FMI), a eu un effet domino : hausse des transports, augmentation du coût de la vie, et frustration généralisée.
Suppression des subventions sur les carburants
Ces subventions représentaient une aide indirecte essentielle pour des millions d’Angolais vivant sous le seuil de pauvreté. Leur suppression, même partielle, a un impact direct et brutal sur les classes populaires. Pour ces dernières, se déplacer, travailler, ou même faire leurs courses devient de plus en plus difficile. Un peu partout en Afrique, la suppression des subventions sur les carburants, souvent imposée dans le cadre de politiques d’ajustement économique, provoque des tensions sociales d’envergures.
En 2023, le Nigeria a connu des manifestations massives suite à la suppression des subventions décidée par le Président Bola Tinubu. Là aussi, les tarifs de transport ont explosé, entraînant des grèves générales et des protestations dans plusieurs grandes villes. Au Sénégal, au Ghana ou encore au Kenya, la hausse du coût de la vie, souvent alimentée par les prix de l’énergie, reste une source importante d’instabilité sociale. La libéralisation des marchés de carburant, sans accompagnement social suffisant, est perçue comme une injustice dans des pays où les écarts de richesse sont criants.
Entre réformes économiques et impératif social : un équilibre difficile
Les autorités angolaises justifient leur politique de réduction des subventions par la nécessité de redresser les finances publiques, assainir l’économie et lutter contre les détournements de fonds. Sur le papier, ces arguments tiennent. Mais sur le terrain, le manque de mesures compensatoires aggrave les inégalités.
Les analystes s’accordent à dire que sans politiques sociales ciblées, telles que des aides directes aux ménages, des tarifs sociaux sur les transports ou des programmes alimentaires, les réformes risquent de provoquer plus d’instabilité que de prospérité. En Angola comme ailleurs, les populations n’acceptent plus de payer seules le prix des ajustements économiques.