L’arrestation de Boukhari est injuste


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Drapeau du Maroc
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Les défenseurs des droits marocains s’inquiètent du sort de Ahmed Boukhari, l’ancien espion marocain qui a révélé au grand jour la responsabilité des autorités chérifiennes dans la disparition et l’assassinat de l’opposant Mehdi Ben Barka. Interview de Benabdesslam Abdelalih, membre de l’association marocaine des droits humains (AMDH).

L’espion par qui le scandale est arrivé. Ahmed Boukhari a révélé, au début du mois de juillet dernier, l’implication des hautes autorités marocaines dans l’assassinat de l’opposant Mehdi Ben Barka en 1965. Depuis, il est poursuivi par le Parquet général de Rabat pour une sombre affaire de chèques sans provision remontant à 1992. Arrêté, l’ancien espion n’a même pas droit à l’accès à son propre dossier.

Afrik : Comment se déroule le procès d’Ahmed Boukhari ?

Benabdesslam Abdelalih : Ce procès est injuste et injustifié ! Même son arrestation est illégale. Il a été arrêté dans la rue sans mandat d’arrêt, ni convocation. C’est un acte hors-la-loi. On veut l’intimider et le faire taire. Son avocat n’a pas accès à son dossier !

Afrik : Il est poursuivi pour une affaire de chèques sans provision…

Benabdesslam Abdelalih : C’est une affaire réglée. Ahmed Boukhari a passé un an de prison en 1998 pour cette affaire. La défense ne peut malheureusement pas le prouver car le dossier de l’instruction est entre les mains du procureur et ce dernier en interdit l’accès à la défense ! Le président du tribunal demande des preuves à la défense alors que c’est lui-même qui l’a informée que tous les documents sont entre les mains du procureur. Nous sommes très inquiets pour Ahmed Boukhari.

Afrik : Vous sous-entendez que les autorités sont complices de ce procès ?

Benabdesslam Abdelalih : Cette arrestation est liée à l’affaire Ben Barka. Il y a des gens qui ne veulent pas que la vérité éclate…

Afrik : Qui sont ces gens-là ?

Benabdesslam Abdelalih : Tous les tortionnaires et les assassins qui ont tué et fait disparaître les opposants et les militants des droits de l’Homme pendant 40 ans.

Afrik : Mais aujourd’hui, c’est les opposants, et à leur tête Abderahmane Youssoufi qui sont au pouvoir. Pour quelles raisons auront-ils peur de la vérité ?

Benabdesslam Abdelalih : L’USFP (parti du Premier ministre, ndlr) ne contrôle pas les ministères de souveraineté. Le ministère de la Justice et celui de l’intérieur sont hors de ses compétences (ils sont sous l’autorité du Roi, ndlr). L’USFP a même déposé une plainte contre les tortionnaires.

Afrik : Ces  » tortionnaires  » sont-ils encore puissants ?

Benabdesslam Abdelalih : Ecoutez, comble de l’ironie, c’est le chef de la tristement célèbre Brigade spéciale nationale qui s’occupe de l’arrestation et de la disparition des opposants, Youcef Haddour, qui a représenté le Maroc à Genève au sommet sur les droits de l’Homme ! C’est vous dire que ces gens-là occupent encore de très hauts postes.

Afrik : Quelles actions allez-vous entreprendre pour la libération Ahmed Boukhari ?

Benabdesslam Abdelalih : Nous allons continuer notre travail et faire en sorte que les tortionnaires et les assassins de ces 40 dernières années passent devant les tribunaux. Il faut bannir la culture de l’impunité.

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