L’Afrique a un nouveau leader de l’exportation de café


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Des grains de café
Des grains de café

Berceau du café, l’Afrique vit une révolution dans sa géographie caféière. L’Ouganda, spécialisé dans le robusta, a détrôné l’Éthiopie pour devenir le premier exportateur continental en 2024, avec des recettes record de 1,14 milliard de dollars et une croissance de 35,3%. Ce changement de leadership témoigne d’une transformation profonde de l’industrie africaine, entre tradition éthiopienne et modernisation ougandaise, sur fond de défis climatiques et d’enjeux géopolitiques mondiaux.

Le café trouve ses racines au VIIIème siècle en Éthiopie. Selon la légende, c’est un berger nommé Kaldi qui découvrit les propriétés stimulantes du café en observant ses chèvres qui était dans une forme olympique après avoir consommé les baies rouges du caféier.

Cette origine éthiopienne du café rend d’autant plus symbolique l’évolution actuelle de la production continentale. En effet, si l’Éthiopie reste le premier producteur africain avec 492 000 tonnes ( 8,2 millions de sacs) devançant l’Ouganda 384 000 tonnes (6,4 millions de sacs). Mais en valeur financière des exportation c’est désormais l’ouganda qui fait la course en tête.

L’ascension fulgurante de l’Ouganda

Avec des recettes atteignant 1,14 milliard de dollars pour l’exercice fiscal 2023-2024, l’ouganda affiche une croissance vertigineuse de 35,3% par rapport à l’année précédente. Cette performance s’accompagne d’une exportation record de 6,13 millions de sacs (367 800 tonnes), en faisant le nouveau leader africain.

Cette réussite s’explique par la convergence de plusieurs facteurs favorables. D’une part, l’augmentation substantielle des volumes d’exportation, et d’autre part, la flambée des cours mondiaux du robusta, variété dans laquelle l’Ouganda excelle particulièrement alors que l’Ethiopie produit surtout de l’Arabica.

La spécialisation dans le robusta, un atout stratégique

L’Ouganda s’est imposé comme le premier producteur africain de café robusta, une variété qui représente plus de 80% de sa production nationale. Cette spécialisation constitue un avantage concurrentiel majeur, notamment face à la demande croissante des marchés européens et asiatiques. Le café robusta ougandais est particulièrement apprécié en Italie pour la confection d’expressos, témoignant de sa qualité reconnue.

Les principales zones de production se concentrent dans les régions de Gulu, Masaka, Kabala et Kabarole, bénéficiant de conditions climatiques idéales et d’un savoir-faire ancestral transmis de génération en génération.

L’Éthiopie, reconnue comme le lieu de naissance du café arabica, conserve néanmoins une position importante avec une production estimée à 8,2 millions de sacs en 2024. Le pays continue de se distinguer par ses variétés endémiques comme le Sidamo et le Yirgacheffe, prisées par les amateurs de cafés de spécialité pour leurs arômes floraux et fruités uniques. Mais en valeur, le pays perd du terrain.

En outre, l’Éthiopie fait face à des défis croissants liés aux changements climatiques, à la pression sur les terres agricoles et aux fluctuations des prix mondiaux. Ces contraintes impactent directement la capacité du pays à maintenir sa production traditionnelle.

Enfin, contrairement à l’Ouganda qui développe des exploitations plus structurées et industrialisées, l’Éthiopie maintient un modèle de production principalement basé sur de petits producteurs (90% de la production provient de petites exploitations). Ce système, bien qu’authentique et respectueux des traditions, limite parfois la capacité d’adaptation aux exigences modernes du marché international.

Les autres acteurs africains dans la course

La Côte d’Ivoire, leader mondial dans la production de cacao, reste également un acteur important sur le marché du café robusta africain. Cependant, le pays a connu des fluctuations importantes, avec une chute de production de 64,7% en 2022-2023, passant de 108 000 à 36 000 tonnes, principalement due aux conditions climatiques défavorables.

La Tanzanie, avec ses célèbres cafés Peaberry du Kilimandjaro, et le Kenya, reconnu pour son arabica AA de haute qualité, complètent le paysage des producteurs africains d’excellence. Ces pays se concentrent sur des créneaux haut de gamme, valorisant la qualité plutôt que la quantité.

La durabilité comme nouveau défi

L’Ouganda développe également sa production de café biologique avec cinq types de cafés certifiés (deux arabica et trois robusta). Cette orientation vers la durabilité répond aux exigences croissantes des consommateurs occidentaux et aux nouvelles réglementations européennes sur la déforestation.

Malgré ses succès actuels, l’Ouganda doit faire face aux défis du changement climatique. Selon l’OXFAM, une augmentation de 2°C des températures pourrait compromettre la viabilité des plantations de café dans le pays, mettant en péril les moyens de subsistance de près de cinq millions de personnes.

C’est pourquoi, pour consolider sa position de leader, l’Ouganda mise sur l’amélioration de la qualité et le développement de cafés de spécialité. L’objectif est de réduire la dépendance aux intermédiaires et d’augmenter la part de valeur ajoutée captée par les producteurs locaux mais aussi d’aller sur des variétés plus résistante aux changements climatiques.

Idriss K. Sow Illustration d'après photo
Journaliste-essayiste mauritano-guinéen, il parcourt depuis une décennie les capitales et les villages d’Afrique pour chroniquer, en français, les réalités politiques, culturelles et sociales de l'Afrique
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