Koyo Kouoh : l’Afrique contemporaine perd une grande voix artistique


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Koyo Kouoh, icône de l’art contemporain africain et future commissaire de la Biennale de Venise 2026, est décédée le 10 mai 2025.
Koyo Kouoh Instagram : bozarbrussels

La scène artistique africaine et internationale est en deuil. Koyo Kouoh, figure emblématique de l’art contemporain africain, s’est éteinte brusquement samedi 10 mai 2025. Directrice exécutive du Zeitz Museum of Contemporary Art Africa (Zeitz MOCAA) au Cap depuis 2019, elle était aussi la première femme africaine désignée pour diriger la prestigieuse Biennale de Venise, prévue en 2026.

Une disparition qualifiée de « prématurée » par les institutions culturelles du monde entier, qui laisse un vide immense dans le paysage artistique mondial.

Un parcours visionnaire entre continents et cultures

Née en 1967 au Cameroun, Koyo Kouoh quitte le continent à l’âge de 13 ans pour s’installer en Suisse. D’abord formée à la finance, c’est pourtant la culture qui l’absorbe rapidement. Passionnée par la littérature, le cinéma et les arts visuels, elle s’ancre définitivement sur le continent africain à la fin des années 1990, en s’installant à Dakar. Elle y débute une carrière fulgurante, entre commissariats d’expositions majeures et engagements intellectuels, notamment lors des Rencontres africaines de la photographie de Bamako ou de la Biennale de Dakar.

En 2011, elle fonde la Raw Material Company, centre d’art contemporain et de réflexion sociale devenu incontournable. Son travail, à la croisée des luttes postcoloniales et des esthétiques panafricaines, lui vaut d’être sollicitée par les plus grandes scènes artistiques du monde, de Londres à Kassel.

Le Zeitz MOCAA, un tremplin africain vers l’universalité

En 2019, Kouoh prend la tête du Zeitz MOCAA, plus grand musée d’art contemporain du continent. Sous sa direction, l’institution devient un phare de l’avant-garde artistique africaine. Elle y défend une vision exigeante, ancrée dans les réalités du continent mais tournée vers le monde, ouverte aux diasporas comme aux dialogues globaux. Son engagement résolu pour une narration décoloniale de l’art, son œil affûté pour les talents émergents, et sa capacité à fédérer, font d’elle une actrice incontournable de l’art contemporain.

La Biennale de Venise, symbole d’un tournant historique

C’est en 2024 que la consécration internationale arrive : elle est nommée commissaire générale de la Biennale de Venise 2026. Une première pour une femme africaine dans cette fonction. Elle incarne l’entrée de l’Afrique dans le cœur des grandes institutions mondiales. Elle devait en dévoiler le thème le 20 mai prochain. Sa mort brutale met fin à une promesse immense et bouleverse le calendrier d’un événement artistique majeur.

Un héritage au-delà des frontières

Koyo Kouoh portait haut une pensée panafricaine assumée. Elle affirmait que « l’Afrique est une idée bien plus vaste que ses limites territoriales ». Ce credo, elle l’a incarné tout au long de sa vie professionnelle. Militante de la création libre, de la pensée critique et de l’émancipation culturelle, elle lègue une œuvre intellectuelle, artistique et institutionnelle monumentale.

Son décès soudain est pleuré aux quatre coins du globe. Mais son héritage vivra à travers les musées, les artistes, les idées et les combats qu’elle a inspirés. Koyo Kouoh restera à jamais la voix puissante et lumineuse d’une Afrique créative, ouverte et résolument contemporaine.

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