Jusqu’où ira le bras de fer entre le Mali et la France ?


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Le colonel Assimi Goita du Mali
Le colonel Assimi Goita, président de la Transition du Mali

La tension ne baisse pas entre la France et le Mali. Bien au contraire ! Cette semaine a été chaude en échanges pimentés entre les autorités des deux pays. Véritable jeu de la réponse du berger à la bergère. Retour sur les grandes lignes de cette actualité.

Les échanges de ces derniers jours ont été tout sauf tendres entre autorités françaises et maliennes. Mercredi, le porte-parole du gouvernement malien, le colonel Abdoulaye Maïga, à l’occasion de son intervention pour exiger le départ du contingent danois, a adressé quelques mots à la ministre française des Armées, Florence Parly. « Nous invitons également Mme Parly à plus de retenue et également à respecter le principe élémentaire de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État », a déclaré le colonel Maïga. Puis, il a poursuivi, sarcastique : « Nous l’invitons également, c’est un conseil, à faire sienne cette phrase d’Alfred de Vigny sur la grandeur du silence : “Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse” ».

La veille, Florence Parly avait accusé les autorités maliennes de multiplier des actes de provocations, alors que le Mali réclamait avec insistance le retrait des troupes danoises. Et pour lui répondre, le porte-parole du gouvernement malien s’est interrogé en ces termes : « Lorsqu’on tente désespérément d’isoler le Mali en instrumentalisant les organisations sous-régionales, on se demande enfin qui est dans la provocation ». Jeudi, c’est au tour du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian de s’en prendre vertement à la junte malienne qu’il a qualifiée d’« illégitime » ajoutant qu’elle prend des « mesures irresponsables ». Pour M. Le Drian, la junte « porte l’entière responsabilité du retrait des forces danoises et s’isole davantage encore de ses partenaires internationaux ».

Suffisant pour que son homologue malien, Abdoulaye Diop, lui remonte les bretelles, depuis Bruxelles où il a été interviewé par France 24 et RFI. « Ma réaction d’abord, c’est surprenant de la part d’un diplomate de la trempe de M. Le Drian qui parle au nom d’un grand pays, la France. Ce sont des propos empreints de mépris, ce sont des propos que je condamne, qui sont inacceptables. Et je crois que les insultes ne sont pas une preuve de grandeur ». Pour le chef de la diplomatie malienne, il n’est pas question que son pays sacrifie sa dignité, il s’agit-là d’une question non négociable : « Que Paris nous respecte ! », a-t-il martelé. Allant plus loin, au sujet des relations avec la France, Abdoulaye Diop a soutenu que « le Mali n’exclut rien par rapport à ces questions, si ça ne prend pas en compte [ses] intérêts ». Et d’ajouter : « Si une présence à un moment donné est jugée contraire aux intérêts du Mali, nous n’hésiterons pas à nous assumer, mais nous n’en sommes pas là ».

Par ailleurs, le ministre malien n’a pas manqué de dénoncer ce qui, pour lui, constitue une politique de « deux poids deux mesures » de la part de la France qui réagit différemment face aux coups d’État en Afrique en fonction de ses intérêts. Comme pour apporter une repartie à la partie malienne, la ministre française des Armées, Florence Parly, s’est confiée à la presse, ce samedi. « Nous devons constater que les conditions de notre intervention, qu’elle soit militaire, économique et politique sont rendues de plus en plus difficiles, bref, on ne peut pas rester au Mali à n’importe quel prix », a-t-elle laissé entendre. Puis elle a poursuivi : « Nous voulons tous poursuivre ce combat (contre le terrorisme, ndlr), nous sommes unis par rapport à cet objectif, il nous faut donc désormais en déterminer les nouvelles conditions ».

Cette sortie médiatique de Florence Parly intervient au lendemain de la décision prise par Paris et ses alliés de s’accorder deux semaines afin de décider de la suite de leur engagement militaire au Mali où la relecture des accords de coopération militaire est une préoccupation de premier ordre depuis des semaines. La présence militaire française va-t-elle se poursuivre au Mali ? Et sous quelle forme ? Le feuilleton franco-malien qui se joue depuis des mois est loin d’avoir livré son dernier épisode. Attendons de voir.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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