
Les inondations qui ont frappé la ville de Mokwa dans l’État du Niger les 28 et 29 mai 2025 constituent l’une des catastrophes naturelles les plus meurtrières de l’histoire récente du Nigeria. Le bilan officiel s’établit désormais à plus de 200 victimes confirmées, avec environ 500 personnes toujours portées disparues selon les autorités locales. Plus de 3 000 résidents ont été déplacés et 265 maisons complètement détruites.
Dans la nuit du 28 au 29 mai, des pluies torrentielles ont submergé Mokwa, ville-carrefour stratégique de l’État du Niger. En moins de cinq heures, les eaux ont envahi les quartiers de Tiffin Maza et Anguwan Hausawa, provoquant l’effondrement de ponts et détruisant les infrastructures essentielles. Les témoins décrivent des scènes d’apocalypse, avec des corps emportés par les flots du fleuve Niger.
Des dégâts considérables
Au-delà du bilan humain tragique, les dégâts matériels sont considérables :
- 45 écoles détruites
- 44 centres de santé endommagés
- Rizières de plaine ravagées en pleine période de transplantation
- Pertes économiques estimées en milliards de naira
Cette catastrophe pourrait avoir des répercusions plus larges. En effet, Mokwa est le centre névralgique du commerce alimentaire entre le nord agricole et le sud du Nigeria, faisant craindre une flambée des prix des denrées de base.
Réaction gouvernementale renforcée
Face à l’ampleur de la catastrophe, le président Bola Ahmed Tinubu a immédiatement activé le Centre national de réponse d’urgence. Son vice-président Kashim Shettima s’est rendu sur place le 4 juin avec une enveloppe de secours substantielle de 2 milliards de naira (environ 4 millions d’euros) alloués à la reconstruction. Par ailleurs 20 camions de vivres distribués aux sinistrés sont arrivés, la réparation du pont sur le fleuve Niger est prioritaire et l’Etat a décrété la réhabilitation immédiate des systèmes de drainage.
Cependant, les victimes déplacées expriment leur mécontentement face à la qualité des abris temporaires et à l’insuffisance de l’aide alimentaire fournie.
L’opposition et les ONG dénoncent une préparation défaillante. Le rapport Flood Outlook 2025 publié en avril classait déjà Mokwa parmi les 176 zones « à risque très élevé« . Des enquêtes révèlent que 250 millions de naira destinés au contrôle de l’érosion dans l’État voisin de Kwara n’ont jamais été dépensés.
Les résidents soupçonnent qu’un effondrement de barrage en amont a aggravé la situation, mais les autorités n’ont pas confirmé cette hypothèse. L’État du Niger compte trois barrages majeurs (Kainji, Jebba et Shiroro), soulevant des questions sur leur maintenance et leur gestion.
Un défi climatique croissant
Cette catastrophe s’inscrit dans un contexte plus large de dérèglement climatique. Les experts soulignent que la fréquence et l’intensité des inondations au Nigeria augmentent en raison du changement climatique, de l’urbanisation non réglementée et des infrastructures de drainage défaillantes.
En 2024, les inondations au Nigeria ont fait plus de 1 200 morts et déplacé 1,2 million de personnes. L’Agence météorologique nigériane prévoit que 80% des États du pays pourraient être touchés par des inondations dans les mois à venir, mettant 15 millions de Nigérians en situation de risque élevé.
Répercussions politiques
Cette tragédie survient à un moment symbolique pour le président Tinubu, qui venait de célébrer son deuxième anniversaire au pouvoir. L’opposition critique l’échec de la réforme du Fonds écologique et du projet de 10 000 logements résilients promis après les inondations de 2022.
Plusieurs sénateurs réclament une commission d’enquête parlementaire sur la gouvernance du risque climatique, tandis que les gouverneurs des États affectés exigent une décentralisation des secours.
La pression politique est forte sur Abuja pour l’adoption d’un Climate Adaptation Act et l’intégration du contrôle des constructions dans le code fédéral d’urbanisme. La question du barrage de Lagdo à la frontière camerounaise, déjà pointée du doigt en 2024, revient également sur le devant de la scène. Sans réformes structurelles, les experts et ONG préviennent que les prévisions de la NEMA pour septembre – des crues dans 31 États – annoncent d’autres catastrophes similaires à Mokwa.