« Il faut accompagner les artistes de la Caraïbe »


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La deuxième biennale Danse Caraïbes, initiée par CulturesFrance avec le conseil national des arts de Cuba, s’est achevée dimanche, à La Havane. Sophie Renaud, déléguée générale de la Biennale (et directrice du département Echanges et Coopérations artistiques de CulturesFrance) explique les objectifs de cette deuxième édition.

Le palmarès du concours de la biennale Danse Caraïbes (La Havane, 23-28 mars), initiée par CulturesFrance avec le conseil national des arts de Cuba, a sacré, pour le prix de la Meilleure oeuvre collective, MalSon, de Susana Pous, avec la compagnie Danza abierta. Le prix : 3 000 euros et le soutien à une tournée internationale en 2011. En revanche, face à la faiblesse des pièces en compétition dans la catégorie solo, le jury a choisi de ne pas remettre de prix mais souhaite accompagner le travail de quatre chorégraphes. Julie Adami (Guyane) bénéficie une invitation d’une semaine au festival de Montpellier danse. Quant à Abel Berenguer (Cuba), Janoski Suarez (Cuba) et Jean-Aurel Maurice (Haïti), ils seront invités en résidence ou dans un festival.

Afrik.com : Quel est le concept de la Biennale Danse Caraïbe ?

Sophie Renaud :
C’est une plate-forme qui a pour objectif de permettre le rassemblement d’artistes et d’oeuvres, en provenance des îles de la Caraïbe mais aussi des pays continentaux de la région, pour que les artistes confrontent leur regard. Les îles caraïbéennes sont proches géographiquement mais les artistes ne se croisent pas. Il y a des blocages à la circulation et à la rencontre des artistes. : des langues différentes, des barrières économiques, le prix élevé des voyages entre les pays… Nous voulons faire tomber ces barrières. La biennale, c’est aussi un rassemblement de professionnels (responsables de festivals, programmateurs, ndlr), notamment en provenance de France. La biennale leur donne accès à cette création qui ne bénéficie pas d’un festival à dimension régionale pour la mettre en valeur. C’est une formidable forme de visibilité pour les artistes caraïbéens. Pour résumer l’esprit de la biennale : générosité, ouverture, diversité.

Afrik.com : Pourquoi avoir choisi Cuba ?

Sophie Renaud :
La Havane a accueilli les deux premières éditions de la manifestations car Cuba est un pays où la danse incarne vraiment quelque chose d’important. C’est un vrai symbole. Il y a de bonnes infrastructures, d’excellentes écoles. La danse est partout ! Mais la biennale n’a pas pas vocation à rester à Cuba. D’ailleurs, nous avons organisé des ateliers, véritables laboratoires de création, dans d’autres pays : Haïti il y a deux ans, puis la Martinique il y a un an. L’objectif, c’est de dynamiser la culture dans la région et d’accompagner le développement et la professionnalisation du secteur chorégraphique.

Afrik.com : C’est justement à cause de cette faiblesse chorégraphique que le jury, dont vous faisiez partie, n’a pas décerné de prix pour les solos ?

Sophie Renaud :
Oui, les choses étaient intéressantes mais encore trop fragiles pour passer sur des scènes internationales. Il faut à présent accompagner les artistes pour développer leurs projets. Il n’y a rien de pire que d’être mal préparé : on est immédiatement sanctionné par le public et les critiques. Un artiste a besoin de se nourrir d’oeuvres et de regards différents, de travailler en étant entouré. Or, dans la région, beaucoup de danseurs et chorégraphes travaillent complètement seuls. C’est pourquoi nous leur proposons des résidences ou des invitations à des festivals, pour qu’ils participent à ce tissu d’effervescence.

Afrik.com : Cette année, dans les spectacles, le concept semble prendre le pas sur le mouvement. Vous êtes d’accord ?

Sophie Renaud :
Il y a une vraie conscience mondiale que la danse n’est pas qu’une forme jolie mais un vrai moyen de communication, pour dire ce que l’on pense du monde. Ce que ces artistes nous disent c’est qu’ils sont besoin de s’arrêter, de réfléchir, de ne pas être des machines à produire du mouvement.

Afrik.com : Il y a aussi eu une vraie tendance du nu. Comment l’expliquer ?

Sophie Renaud :
C’est vrai que cette édition a eu une couleur très dénudée ! Lorsque nous avons effectué la sélection, il faut savoir que 75% des propositions que nous avons reçues comportaient du nu. Je ne m’attendais pas à ça ! C’est une mise à nu, au sens propre. Mais les danseurs nous disent également, par ce biais, qu’ils veulent exister autrement que par la prouesse physique. Ils ne veulent pas être seulement des corps en mouvement. Au-delà de cette tendance, cette édition a été riche et variée. Et a témoigné de différentes réalités.

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