Guinée : six policiers français « molestés » pour avoir reconduit des sans-papiers


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Six policiers chargés de reconduire dans leur pays deux Guinéens en situation irrégulière en France ont été molestés par la population, le 16 août, à leur descente de l’avion à Conakry (Guinée). Des policiers locaux auraient également participé aux échauffourées, ce que dément la Guinée.

La scène se passe à Conakry (Guinée), le 16 août. Six policiers français sont chargés de reconduire dans leur pays deux Guinéens sans-papiers grévistes de la faim, arrêtés le 1er août à Lille. Avant de monter dans l’avion, la tension est déjà perceptible, selon le procès-verbal de la Police aux Frontières : dès l’embarquement à l’aéroport de Roissy (France), les deux Guinéens expulsés sont « agressifs » et bénéficient du soutien de plusieurs passagers, qui préparent un « comité d’accueil hostile » à Conakry en passant des appels avec leur téléphone portable. Les deux expulsés se mettent à « hurler et à vociférer », à « rallier les passagers à leur cause ». Des passagers du vol accusent les policiers d’être « inhumains ».

Accueil musclé

Jusque-là, la situation est plutôt banale, les reconduites à la frontière se déroulant rarement dans le plus grand calme. Les choses se corsent à l’arrivée à Conakry. « En arrivant sur place, les deux hommes se sont rebellés et les six fonctionnaires qui les reconduisaient ont été pris à partie par les deux reconduits mais également par la population », a expliqué Paul Le Guennic secrétaire national du syndicat UNSA-Police. Bilan, les six policiers français « molestés », « légèrement blessés », ont reçu des incapacités temporaires de travail allant de 3 à 8 jours.

La colère est vive chez les policiers car les forces de l’ordre guinéennes auraient également tourmenté leurs homologues français. « La colonisation est finie », aurait notamment lancé une policière guinéenne. Ce vendredi matin, le secrétaire général de l’UNSA, Joachim Masanet, s’indignait au micro de RFI : « Je trouve déplorable le comportement de certains fonctionnaires de police de l’Etat guinéen puisque les collègues ont fait un rapport. Dans ce rapport, était mentionné qu’ils ont été très mal accueillis par des fonctionnaires de police de la Guinée ! Ils ont été frappés au visage, [ont reçu] des coups de poing sur les côtes, dans le dos, des coups de pieds ». La police guinéenne donne une autre version : elle reconnaît « l’incident » mais « dément que des policiers guinéens aient porté la main sur des policiers français ».

La Guinée regrette, mais ne s’excuse pas

Jeudi, la ministre française de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie a déclaré à Paris que le gouvernement guinéen avait « présenté ses excuses à la France ». Déclaration démentie par la Conakry, qui a clarifié sa position via un proche conseiller du ministre guinéen de l’Intérieur et de la Sécurité. « Des regrets ont été formulés à l’endroit de la France mais pas d’excuses, car la France est le seul pays au monde qui rapatrie les ressortissants d’autres pays sans en avertir les autorités », a précisé Boh Keita.

La situation ne serait pas aussi claire si l’on en croit Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat français chargé de la Coopération et de la Francophonie. « Quand je vois la réponse des autorités guinéennes qui s’excusent et qui disent : « A l’avenir, on va mieux s’organiser avec les autorités françaises », je considère que l’incident est clos », a-t-il affirmé sur les ondes de RTL.

« Violences regrettables, mais prévisibles »

Reste que David Martinon, porte-parole de l’Elysée, a dénoncé les événements de Conakry et confirmé que les expulsions ne vont pas cesser. Quant au porte-parole du Comité des sans-papiers du Nord (CSP 59), s’il regrette les violences, elles ne le surprennent pas. « Il est déplorable que des policiers non responsables des politiques scandaleuses du président de la République et du préfet du Nord soient molestés mais c’était aussi à prévoir dans la mesure où ce genre de politiques ne peut que faire naître l’impression qu’on les traite comme des sous-hommes », a indiqué Saïd Bouamama.

Cette affaire intervient alors que Brice Hortefeux, Ministre de l’Immigration, a rappelé les objectifs de son ministère en matière d’expulsion des étrangers en situation irrégulière. L’objectif affiché de 25 000 reconduites pour 2007 n’étant pas encore atteint, le ministre a récemment demandé de « redoubler d’efforts ». Demande entendue par Daniel Canepa, Préfet du Nord-Pas-de-Calais, qui a récemment ordonné l’arrestation de 42 sans-papiers lillois en grève de la faim. Ils sont actuellement en rétention au centre du Mesnil-Amelot et leur expulsion pourrait être imminente.

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