
Six jours après le coup d’État contesté en Guinée-Bissau, la CEDEAO a entamé un dialogue avec la junte dans un climat de suspicion et de confusion. Malgré des échanges jugés « productifs », l’organisation régionale exige le rétablissement de l’ordre constitutionnel et la reprise du processus électoral.
Six jours après le coup de force qui a interrompu le processus électoral, la Guinée-Bissau est au centre de l’attention régionale. Une délégation de haut niveau de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a foulé le sol de Bissau ce lundi 1er décembre. Objectif ? Engager un dialogue avec le Haut Commandement militaire, désormais aux rênes d’une transition annoncée d’un an. Si les deux parties qualifient leurs premiers échanges de « fructueux », la crise politique dans le pays est loin d’être résolue, entachée par des suspicions de manipulation.
Un putsch qui ne séduit pas
Contrairement à d’autres coups d’État récents en Afrique de l’Ouest, la prise de pouvoir par le général Horta N’Tam et ses compagnons en Guinée-Bissau peine à mobiliser l’opinion publique. Ce putsch, survenu peu avant l’annonce des résultats des élections présidentielle et législatives, a provoqué une réprobation large, tant à l’intérieur du pays, où des organisations prodémocratie dénoncent l’interruption du scrutin, qu’à l’étranger.
Plus qu’une simple prise de pouvoir militaire, l’éviction du président sortant Umaro Sissoco Embaló est perçue par de nombreux observateurs comme une « mise en scène » orchestrée pour assurer une transition contrôlée. Ce sentiment de manipulation, alimenté par une mise en scène jugée « laborieuse » et « pleine d’incohérences », a hérissé une grande partie de la population. L’attitude de l’ancien président, préféré remette le pouvoir à l’armée plutôt que d’accepter le choix des électeurs, a accentué le rejet populaire et privé la junte d’une légitimité d’entrée.
La Cédéao appelle au rétablissement de l’ordre constitutionnel
La mission de médiation de la CEDEAO, dirigée par son président en exercice, le Sierra-Léonais Julius Maada Bio, est donc intervenue dans un contexte de grande fragilité pour le nouveau pouvoir. Malgré des échanges qualifiés de « très productifs » par les deux parties, le chef de la diplomatie sierra-léonaise, Alhadji Timothy Kaba, a réaffirmé la condamnation de l’organisation face à la prise de pouvoir et a appelé au « rétablissement immédiat de l’ordre constitutionnel », insistant sur la reprise du processus électoral.
De leur côté, les militaires ont justifié leur action pour « préserver l’ordre et la sécurité ». Le Premier ministre du gouvernement de transition, João Bernardo Vieira, a indiqué que la durée de transition d’un an sera soumise à l’organisation lors du sommet du 14 décembre à Abuja, où la junte devrait présenter sa feuille de route.
Une marge de manœuvre pour la médiation régionale
L’authenticité même du coup d’État est ouvertement mise en doute, certains observateurs allant jusqu’à évoquer une « combine » ou un coup d’État « cérémoniel ». Cette situation particulière confère à la Cédéao une marge de manœuvre inhabituelle. La forte désapprobation populaire et la fragilité du pouvoir en place pourraient faciliter l’obtention de concessions sans nécessiter un recours immédiat aux menaces ou sanctions.
Toutefois, la mission de la Cédéao devra naviguer avec prudence face à une réalité sous-jacente : la méfiance profonde de l’armée bissau-guinéenne envers le PAIGC (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert), la principale formation d’opposition, qui semble être l’un des moteurs de ce coup de force. Les Bissau-Guinéens, quant à eux, restent dans l’attente de la suite du processus électoral, les résultats n’ayant toujours pas été annoncés.




