Femmes africaines et TIC : une lutte de tous les clics


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Les femmes africaines, à l’image de leur continent, connaissent des difficultés pour s’approprier les Technologies de l’information et de la communication. Ce constat n’est pourtant pas une fatalité. A compter de ce lundi et au travers d’un dossier réalisé conjointement par Afrik.com et l’émission Reines d’Afrique de Radio France International (RFI), nous avons décidé d’explorer les usages que les femmes font du mobile, de l’ordinateur et du Net. Auparavant, Afrik dresse un succinct état des lieux.

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Pas un pas sans son portable, hésitante sur le clavier mais intéressée par ce qu’elle trouve sur le Net et les possibilités que lui offre la Toile. Ce portrait-robot est celui de la femme face aux Technologies de l’information et de la communication (TIC), notamment dans les pays africains francophones. « Intuitivement personne ne peut nier l’existence d’inégalités du genre dans le domaine des technologies de l’information et de la communication », soulignait dans un entretien publié en 2006 Marie-Hélène Mottin-Sylla, responsable de l’Equipe Synergie Genre et Développement (Synfev) au sein de l’ONG ENDA Tiers-Monde (Environnement et Développement du Tiers-Monde). Elle revenait ainsi sur les origines d’une étude inédite qui a donné lieu en 2005 à un ouvrage intitulé Fracture numérique de genre en Afrique francophone : une inquiétante réalité.

Championnes du téléphone mobile

Le livre, dont Marie-Hélène Mottin Sylla a assuré la coordination et qui a été traduit en anglais en 2006, s’appuie sur des enquêtes réalisées notamment au Bénin, au Burkina-Faso, au Cameroun, au Mali, en Mauritanie et au Sénégal. La situation décrite est suffisamment alarmante pour susciter des initiatives en faveur de la réduction de «la fracture numérique de genre » (la fracture numérique envisagée sous l’angle du genre, ndlr). Un indice synthétique, qui s’articule autour des « « 4 C » : le Contrôle, la pertinence des Contenus, les Capacités et la Connectivité » et qui a permis de « mesurer les disparités de genre dans l’accès, l’usage et la maîtrise de trois technologies de l’information et de la communication : l’ordinateur, Internet et le téléphone portable ».

Il ressort de cette étude que « les femmes d’Afrique francophone entrent dans la société de l’information avec un handicap de près de 40% par rapport aux hommes. » Cette fracture numérique ne serait que « le reflet des réelles et générales disparités de genre ». Ces inégalités relevant moins de la consommation de contenus que de leur création. Un constat qui vaut également à l’échelle du continent africain. « La tendance est à l’instauration d’une société comportant quasiment d’aussi bonnes consommatrices que de bons consommateurs, plutôt que vers une société citoyenne, y compris en termes de genre », constate le rapport. Outre la faible représentativité des femmes à des postes de responsabilité dans les programmes de développement en matière de TIC, l’analphabétisme et la pauvreté sont des facteurs aggravants en matière d’accès. Si des dispositions idoines ne sont pas prises, « les femmes d’Afrique francophone risquent de continuer à occuper, dans la société de l’information, une place de second rang : celle de « petites mains » de la société africaine de l’information », conclut l’étude.

Une simple affaire de connexion

Un retournement de tendance reste cependant possible et le secteur de la téléphonie mobile donne des raisons de faire des plans sur la comète. L’usage du portable, que les hommes africains considèrent comme une menace dans leurs relations avec l’autre sexe, est le seul domaine relatif aux TIC où la fracture numérique du genre est en faveur des femmes. Il permet aux femmes « d’être libérées de leur traditionnel manque de liberté dans les sphères privées et domestiques, de communiquer et d’avoir accès à l’information, à la vie publique et civile », explique Marie-Hélène Mottin-Sylla. Une révolution d’autant que la marginalisation des femmes en termes de communication a toujours été un moyen de les maintenir dans un statut social inférieur aux hommes.

Communiquer et surtout veiller à ce que « les contributions et les principales informations utiles aux femmes du monde francophone, notamment en Afrique, soient disponibles en français sur les inforoutes », c’est l’un des objectifs du site Famafrique créé en 1999 par l’équipe Synfev. Cette plate-forme contribue ainsi, par le biais du réseau Réseau genre et TIC (Regentic), à fixer l’intérêt des décideurs sur le développement prioritaire des TIC en faveur du genre et à informer toutes les parties qui mènent des actions dans ce sens sur le terrain. Nouvelle venue dans ce paysage, l’ONG ivoirienne Femmes et TIC. Elle appartient au réseau de Linux Chix Africa qui milite pour l’appropriation des logiciels libres sur le continent. A l’origine de la création de cette ONG, une trentenaire ivoirienne, Christelle N’Cho, directeur associé d’une SS2I (Société de services en ingénierie informatique) et cofondatrice du chapitre ivoirien de l’Internet Society (Isoc-CI). La structure souhaite initier, entres autres, des projets de developpement communautaire pour inciter les jeunes filles à s’interesser aux metiers de l’informatique. Car quand la femme africaine rencontre le Net, le succès est souvent au rendez-vous à l’instar de ces productrices burkinabés de karité réunies au sein de l’association Songtaab-Yalgre. Grâce à la toile, leur production s’offre au monde.

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