
Alors que les résultats officiels ne seront proclamés que le 26 octobre, l’ancien ministre et porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary, a déjà revendiqué une probable victoire. Une proclamation audacieuse mais crédible, dans un contexte où la lassitude du peuple camerounais face à quatre décennies de pouvoir Biya est palpable.
Paul Biya : un président à bout de souffle
Dans un pays où Paul Biya règne sans partage depuis 1982, l’usure du pouvoir a fini par creuser un fossé profond entre l’État et ses citoyens. Les Camerounais, confrontés à la vie chère, à la corruption endémique et à la marginalisation politique de la jeunesse, ont à l’évidence exprimé leur exaspération dans les urnes.
Selon plusieurs observateurs indépendants, le taux de participation élevé dans les régions traditionnellement abstentionnistes traduit un véritable désir d’alternance. Et c’est ce vent du changement qu’Issa Tchiroma Bakary, figure connue pour son franc-parler et sa proximité avec les classes populaires, incarne aujourd’hui.
Le silence du pouvoir, un aveu de faiblesse ?
Le gouvernement avait pourtant averti : toute proclamation anticipée des résultats serait punie de sanctions sévères. Or, malgré l’annonce publique de Tchiroma Bakary affirmant sa probable victoire, aucune mesure coercitive n’a été prise. Certes, le candidat a également affirmé avec force sa confiance dans les opérations de dépouillement en cours : « Nous demandons à tous de respecter les résultats issus des urnes dans chaque bureau de vote… » et plus tard : « On ne peut pas prétendre gouverner le Cameroun et se garder d’en respecter les lois et réglements… Nous appelons le peuple camerounais à attendre sereinement la proclamation des résultats par le Conseil Constitutionnel ». Cette confiance dans le résultat attendu apparaît comme une marque de responsabilité, mais aussi d’une vraie assurance de la part du candidat que les premiers résultats enregistrés plaçaient largement en tête.
En regard de cette posture sereine, le silence du parti de Paul Biya, loin d’être anodin, trahit selon de nombreux analystes la fragilité d’un pouvoir conscient d’avoir perdu la bataille politique. Les forces de sécurité, fidèles au président sortant, n’ont pas bougé — preuve que le régime hésite à provoquer un embrasement populaire dans un contexte déjà explosif.
Une armée neutre, un peuple déterminé
Contrairement à d’autres pays de la région, l’armée camerounaise a toujours affiché une neutralité institutionnelle en matière politique. Les militaires, épuisés par des décennies d’engagement dans les zones anglophones, ne semblent pas disposés à réprimer une mobilisation populaire.
L’exemple récent de Madagascar, où les forces armées ont refusé d’obéir à des ordres jugés contraires à la volonté du peuple, hante désormais les esprits à Yaoundé. Si le scénario venait à se répéter au Cameroun, le rapport de force pourrait basculer très rapidement.
Une transition qui pourrait s’amorcer sans violence
Issa Tchiroma Bakary, qui fut lui-même un acteur du système avant d’en devenir l’un des critiques les plus sévères, semble avoir su rallier une large coalition de citoyens lassés du statu quo. Son discours, centré sur la réconciliation nationale, la justice sociale et la fin des privilèges d’État, séduit bien au-delà de ses bastions traditionnels. Dans les rues de Garoua, Douala ou Bafoussam, on accueille déjà avec espoir ce qui ressemble à un tournant historique.
De même les chancelleries occidentales paraissent prêtes à accueillir le changement et des informations confidentielle font état de pressions discrètes exercées par plusieurs pays européens, dont la France, sur le président sortant, afin que le cas échéant, il reconnaisse le résultat des urnes et ne tente pas de l’infléchir.
Le 26 octobre, la proclamation officielle des résultats dira peut-être ce que de nombreux observateurs et une bonne partie de la presse internationale affirment déjà : le Cameroun est prêt à écrire une nouvelle page de son histoire, et Issa Tchiroma Bakary pourrait bien en être l’incarnation.