En Guinée-Conakry, les investisseurs étrangers sont-ils toujours les bienvenus ?


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Illustration investissements mines Guinée

Les derniers scandales miniers mettent en lumière le haut niveau de mauvaise gouvernance qui gangrène la Guinée – un paradoxe alors que le secteur minier fait vivre tout le reste, déjà fragile, de l’économie. Tandis que la junte au pouvoir s’emploie à présenter un visage rassurant aux investisseurs, la réalité de terrain est bien plus contrastée.

La junte promet d’assainir les finances publiques, mais les financements étrangers et les aides bilatérales pourraient se tarir. Dans les faits, elle impose des mesures coercitives et arbitraires aux entreprises étrangères, en particulier dans un secteur minier pourtant vital. À cela s’ajoute une corruption endémique : d’après une étude de Bpifrance (2024), « la faiblesse du cadre juridique, les lourdeurs administratives et la corruption continuent de peser sur le climat des affaires » – autant d’éléments propres à décourager les investisseurs.

Un secteur minier vérolé

La Guinée recèle de très grands gisements de bauxite et de fer. Ce pilier structurel de l’économie nationale attire d’importants capitaux étrangers. Doté d’un cadre légal solide depuis 2013, le secteur souffre pourtant de plus en plus de la mauvaise gouvernance. L’arrivée de la junte au pouvoir, en 2021, n’a rien changé.

Le cas emblématique reste le méga-gisement de fer de Simandou. Les contrats y ont été renégociés de façon opaque, sans réelle consultation des communautés locales, alors que la mine pourrait générer environ un milliard de dollars par an (un quart des recettes publiques actuelles, inférieures à quatre milliards). De quoi inquiéter le FMI, dont la Guinée sollicite pourtant le soutien.

Lorsque les discussions patinent, le gouvernement n’hésite pas à « tordre le bras » des investisseurs. La société State Power Investment Corp (SPIC) en a fait les frais : sous la menace de se voir retirer son permis, elle a dû lancer en mars 2025 la construction d’une raffinerie. Objectif affiché : maximiser la valeur ajoutée locale. Louable sur le papier – mais moins de la moitié de la population a accès à l’électricité, malgré le potentiel hydroélectrique le plus élevé de la région. Les entreprises se retrouvent donc souvent prises en otage de leurs propres investissements.

Une région en berne

Ces dérives provoquent la fuite des capitaux, accentuent l’isolement régional et accroissent le risque de crise. La junte s’était engagée à rétablir l’ordre constitutionnel en janvier 2025 ; ce retard la place sous la menace de sanctions de la CEDEAO. Si la situation diffère de celle des États de l’Alliance des États du Sahel (AES), la même pratique de mauvaise gouvernance inquiète les bailleurs : la CNUCED estime que les flux d’IDE vers les pays de l’AES ont plongé de 87 % en 2024.

Les perspectives régionales s’assombrissent donc à court et moyen terme, au grand dam de l’Europe qui devra en gérer les retombées migratoires, sécuritaires et géostratégiques. Cet effritement s’accompagne d’un retrait politique des Européens, illustré par celui de la France, contrainte d’observer le chaos gagner son voisinage stratégique.

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Baudouin d'Amayé est diplômé du master Sécurité-Défense de l'Université Paris II Panthéon-Assas. Spécialiste de la veille stratégique, il cumule cinq années d'expérience sur les zones Afrique et Moyen-Orient, à l'intersection des enjeux économiques et sécuritaires. Après deux années comme consultant en intelligence économique dans un cabinet spécialisé sur les infrastructures au Moyen-Orient, il a rejoint un cabinet international de conseil en affaires publiques. Il y accompagne aujourd'hui de grands comptes opérationnels en Afrique et dans la région MENA.
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