Élection présidentielle aux Seychelles : un scrutin sous haute tension dans un paradis en crise


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Drapeau des Seychelles
Drapeau des Seychelles

Du 25 au 27 septembre 2025, les Seychellois se rendront aux urnes pour élire leur président. Derrière les paysages de carte postale, l’archipel fait face à des défis majeurs : trafic de drogue, coût de la vie et questions de souveraineté. Une élection qui s’annonce particulièrement disputée entre le président sortant Wavel Ramkalawan et son principal challenger Patrick Herminie.

Du 25 au 27 septembre 2025, les Seychellois se rendront aux urnes pour élire leur prochain président parmi les huit candidats validés par la Commission électorale. Alors que la campagne a officiellement débuté le 21 août dernier, cette élection s’annonce particulièrement disputée face aux défis multiples de ce pays aux allures paradisiaques.

Un archipel prospère mais fragile

La République des Seychelles est un archipel de 115 îles situé dans l’océan Indien occidental, au nord-est de Madagascar, avec une population estimée à 122 000 habitants dont les trois quarts sont installés sur l’île principale de Mahé. Avec un produit intérieur brut (PIB) par habitant le plus élevé d’Afrique, soit 16,7 milliards de dollars estimés en 2023, son économie dépend majoritairement du tourisme et de la pêche.

Indépendante depuis 1976, l’archipel a connu un coup d’État en 1977 mené par Albert René. Son parti, United Seychelles, et son prédécesseur, le Front Progressiste Populaire des Seychelles, ont dominé les institutions politiques pendant des décennies. La première élection présidentielle multipartite a eu lieu en 1993 après l’adoption d’une nouvelle constitution.

Une alternance historique en 2020

Les dernières élections présidentielles et législatives ont eu lieu en octobre 2020, marquant un tournant historique : pour la première fois depuis l’introduction d’élections démocratiques, un candidat de l’opposition a remporté l’élection présidentielle, remportant également le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale.

Le président Wavel Ramkalawan, ancien prêtre anglican du parti Linyon Demokratik Seselwa (LDS), qui après six tentatives à la présidence a finalement accédé à la magistrature suprême lors des élections de 2020, briguera donc un second mandat lors de ces élections 2025. Face à lui, il aura pour principal challenger le docteur Patrick Herminie, qui a été président de l’Assemblée nationale de 2007 à 2016 et ancien directeur général des soins de santé primaires au ministère de la Santé. Ce dernier représente le Parti populaire uni seychellois, ancien parti unique de l’archipel qui fut aux commandes pendant 44 ans et qui, selon certains sondages, aurait la faveur de la population.

L’héritage controversé d’Albert René

Considérés comme un paradis tropical, du 25 au 27 septembre prochain, les Seychellois, confrontés à des réalités plutôt difficiles, vont scruter la vision d’avenir de chaque candidat. Entre la lutte contre la drogue, la gestion de l’économie dépendante du tourisme et les tensions autour de la souveraineté, les défis sont énormes.

Après la mort d’Albert René en 2019, les Seychelles n’ont cessé de se débattre avec les répercussions de sa longue mainmise sur le pouvoir. Le favoritisme et la torture commis sous sa présidence sont apparus au grand jour dans le cadre d’un processus de vérité et de réconciliation lancé en 2018. Ce processus a abouti à la publication d’un rapport final en 2023 où des réparations pour les victimes, des excuses et des compensations financières avaient été exigées.

Des arrestations pour des allégations de blanchiment d’argent impliquant un homme d’affaires seychellois et le gouvernement des Émirats arabes unis, l’arrestation d’un ancien officier supérieur des forces de défense des Seychelles et de Sarah Zarqhani René, épouse de l’ancien président, constituent autant d’affaires qui continuent de suivre leur cours dans le système judiciaire et représentent un sujet majeur pour ces élections de septembre 2025.

Un bilan contesté pour Ramkalawan

Le président sortant Wavel Ramkalawan, à la tête du pays depuis 2020, avait suscité l’espoir dans sa promesse de s’attaquer à la corruption et au trafic de drogue. Il fait face à un bilan assez contesté cinq ans plus tard. Malgré des opérations spectaculaires menées par les autorités, le coût de la vie, principalement dépendant des importations, asphyxie les habitants et le fléau de la drogue persiste.

Les Seychellois n’ont pas encore digéré le fait que l’île d’Assomption ait été cédée pour une période de 70 ans à des investisseurs qataris pour un projet hôtelier de luxe, considéré comme une atteinte à la souveraineté. C’est l’une des décisions les plus controversées prises par le gouvernement et elle a renforcé le mécontentement des Seychellois qui ont vu dans cet acte un favoritisme envers des intérêts étrangers au détriment des leurs. Cette décision place le président sortant dans une position fragile face à ses challengers, dont le plus apprécié est Patrick Herminie.

La stratégie de Patrick Herminie

Ce dernier, candidat de l’ancien parti unique qui a dominé la vie politique seychelloise pendant des décennies, mise sur son expérience et sur le mécontentement populaire pour séduire les électeurs. Son programme, pour le moment moins médiatisé, capitalise sur les failles du gouvernement actuel, notamment en matière de gestion économique et de lutte contre la criminalité.

Le candidat d’United Seychelles devra naviguer entre l’héritage de son parti, qui évoque à la fois une stabilité passée et un système critiqué pour son autoritarisme, afin de proposer une vision nouvelle dans le cadre de ce scrutin qui permet à son parti de faire un retour en force dans l’opinion des Seychellois.

Pour les scrutins du 25 au 27 septembre aux Seychelles, l’enjeu principal est sans doute le trafic de drogue, en particulier l’héroïne et les drogues de synthèse qui gangrènent l’archipel et alimentent la frustration des Seychellois. Selon l’Agence pour la prévention de l’abus de drogue et la réadaptation (APDAR), entre 5 000 et 6 000 personnes consomment de l’héroïne. Mais selon d’autres estimations plus alarmantes les héroinomanes seraient plus de 10 000 usagers, soit quasiment 10% de la population. Cette situation met en lumière la difficulté des efforts du gouvernement et des opérations antidrogue à produire des résultats durables contre ce fléau.

Le coût de la vie, un fardeau constant

Le sujet du coût de la vie dans l’archipel pourrait également être un enjeu déterminant dans le choix des électeurs, pour qui c’est un fardeau constant. Aux Seychelles, presque tout est importé : les produits de première nécessité, les denrées alimentaires et même le carburant. Cette situation pèse lourd sur le budget des ménages qui peinent à joindre les deux bouts.

Pourtant, dans un pays où le luxe touristique domine l’économie, le contraste entre les hôtels cinq étoiles et les habitants qui luttent pour subvenir à leurs besoins est saisissant. Cette fracture économique fait croître le sentiment d’injustice des habitants de l’archipel.

À l’approche du scrutin de la fin de ce mois de septembre, dans un archipel où la beauté des paysages cache des réalités complexes, le choix des électeurs seychellois sera un choix pour l’avenir d’un pays confronté à des défis sans précédent.

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Franck Biyidi est diplômé de l'IRIC (Institut des Relations Internationales du Cameroun) je suis spécialiste des relations internationales au sein de la Francophonie et de l'Union Africaine et de tout ce qui touche la diplomatie en Afrique francophone
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