Dipoula, le super héros albinos


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Dipoula raconte avec fraîcheur et bonne humeur les tribulations d’un orphelin albinos gabonais. Mais si cette bande dessinée évoque la maladie du petit Dipoula, elle n’insiste jamais sur sa différence. Parce qu’il demeure avant tout un enfant comme les autres : il fait des bêtises, joue des tours, tombe amoureux… Pahé raconte ce qui l’a amené à créer ce héros inattendu, mais pas si hors-norme.

Couverture« Malédiction ! », s’écrit le père de Dipoula à la naissance de son fils. Son bébé souffre d’albinisme, une maladie dont la manifestation la plus flagrante est l’absence de pigmentation. Dans plusieurs communautés d’Afrique, les albinos sont rejetés, stigmatisés, quand ils ne sont pas assassinés pour des objectifs mystiques. Dipoula, lui, a été déposé dans un orphelinat. Il est le seul albinos de la bande mais, entre deux bêtises, il en rit ou se laisse taquiner sur le sujet. Tant et si bien qu’on oublie que ce petit Africain a une couleur de peau plus proche du « professeur Toubab » que de ses compatriotes gabonais. C’est ce concept engagé de la bande dessinée Dipoula qui a séduit Sti. « Au fur et à mesure de l’écriture des gags, la magie a opéré et je me suis vraiment très attaché à ce petit bonhomme albinos et à l’image de tolérance qu’il véhicule », confie le scénariste de « Mbolo », le premier tome. Envie d’avoir le son de cloche du dessinateur gabonais Pahé ? Ça tombe bien, l’auteur de La vie de Pahé a accepté de se prêter au jeu des questions-réponses, avec beaucoup d’humour et de spontanéité…

PahéAfrik.com : Pourquoi avoir créé un personnage de BD albinos ?

Pahé : Vous en connaissez des héros de BD albinos ? Les aveugles avaient Daredevil, les arachnides Spiderman, il fallait un super héros albinos : Dipoula a débarqué ! Dipoula est une partie de moi. Lors de mon arrivée en France dans les années 76, dans l’école de Tours où j’étais le seul petit Noir, tous mes petits copains blancs me montraient du doigt à cause de ma couleur de peau. Pire, à mon retour au Gabon, j’ai été confronté à la même situation mais avec mes petits copains gabonais qui m’appelaient « le Blanc » à cause de mon accent francisé. J’étais donc une espèce de « Dipoula ».

Afrik.com : Comment est né le personnage de Dipoula ?

Pahé : Le Dipoula qui paraissait dans les années 80 dans le journal L’éclair du lycée d’Etat de l’Estuaire, où j’étais, était plus « pompeur » : il passait son temps à tricher en classe à l’aide d’antisèches. Il n’avait pas le même âge et il était plus longiligne. Il portait un pantalon, une paire de baskets mais avait déjà son petit gilet. Dipoula est devenu albinos plus tard et j’ai dû effectuer plusieurs retouches. Je préfère le Dipoula actuel : il fait plus petit africain, enfant de la rue. Le premier était trop européanisé. Au départ, les scénarios étaient plus axés pour un public gabonais. En rencontrant mon éditeur, on a décidé d’internationaliser Dipoula afin qu’il puisse être accessible à tous. Et c’est là que le Sti est entré en scène pour le scénario.

Afrik.com : Le nom « Dipoula » signifie-t-il quelque chose ?

Pahé : Dipoula ne veut rien dire, en principe. Je voulais un nom qui sonne bien. Dans mon lycée, j’avais un pote qui s’appelait Difouta. Dans mon école de quartier, il y avait un maître super méchant : maître Dipoula. Entre Difouta et Dipoula, j’ai donc fait mon choix ! Mais je ne sais pas si dans les nombreuses langues du Gabon Dipoula veut dire quelque chose.

Afrik.com : Dipoula est conscient de sa différence, mais elle ne l’empoisonne pas vraiment…

Pahé : La première page de Dipoula est terrible, dure. Elle présente au public que la vie de Dipoula ne va pas être facile. Mais passé cette page, on se lance dans l’humour avec des gags jusqu’à la fin de l’album. Avec mon pote Sti au scénario, on avait jugé utile de faire passer le message par le rire. Quoi de plus efficace pour aborder un problème aussi sensible ?

Afrik.com : Globalement, la couleur de peau des uns et des autres est à peine évoquée. Est-ce une façon de souligner qu’elle ne résume pas à elle seule un être humain ?

Pahé : Comme disent Cissoko et Blazé Blazé, les meilleurs potes de Dipoula : « Qu’importe qu’on soit blanc, jaune, gris, ou noir… l’essentiel c’est d’être ensemble ! ». Les différences ne sont pas un obstacle à la vie, mais une richesse pour la vie.

Afrik.com : Comment la sortie de la BD a-t-elle été accueillie ?
Dipoula2.jpg_ Pahé :
La BD est sortie en avant-première au dernier festival de BD de Blois, en France, en novembre 2008. Elle a été bien accueillie par les parents et leurs enfants. Il a bien fallu, dès le départ, que j’explique à certains ce qu’était un albinos et les problèmes auxquels ils étaient confrontés. Un bon stock des exemplaires amenés que je dédicaçais sur les stands de Paquet, mon éditeur, et de La Caisse d’Epargne a été écoulé en peu de temps. Dipoula s’est trouvé un public : les enfants ! Idem sur le Net, où la critique est plutôt favorable. Il n’y a qu’à lire le nombre d’article positifs parus dans les journaux sur Dipoula. Je suis ravi de l’accueil réservé à mon super héros albinos. Pour la sortie au Gabon, j’ai fait une séance de dédicaces au centre culturel français : tous les Dipoula se sont vendus comme des petits bouts de manioc !

Afrik.com : Où Dipoula est-il distribué ?

Pahé : Pour le moment, dans toute la France, en Belgique et en Suisse. En général, dans les bonnes librairies spécialisées.

Afrik.com : Prévoyez-vous de le distribuer dans les écoles africaines pour sensibiliser à l’albinisme dès le plus jeune âge ?

Pahé : Il se pose un problème au niveau de la distribution. Mon éditeur, Pierre Paquet, ne maitrisant pas la distribution au niveau de l’Afrique, il serait plutôt souhaitable que les libraires au niveau du continent puissent commander l’album via les Editions Paquet. C’est ce qu’ont fait des librairies et maisons de la presse du côté de Libreville, où Dipoula est disponible.

Afrik.com : Pensez-vous que votre BD va participer à ce que les gens comprennent mieux qui sont les albinos ?

Pahé : J’espère apporter un petit quelque chose avec cette BD. Peut-être que les gens verront maintenant les albinos d’un bon œil après avoir lu Dipoula.

Afrik.com : Diriez-vous que Dipoula est une BD militante ?

Pahé : Dipoula est une bande dessinée engagée, car je prends fait et cause pour les albinos. Il est inacceptable que des êtres humains puissent êtres massacrés de la sorte. Malheureusement, je constate le silence pesant de la communauté internationale et des pays où sévissent ces drames. Personne ne bouge vraiment son petit doigt pour mettre fin à ces tueries.

Afrik.com : Quand est prévu le prochain numéro des aventures de Dipoula ?

Pahé : Le tome 2 doit sortir, si tout va bien, pour septembre 2009.

Visiter le blog de Pahé

Commander Dipoula, une BD de Sti et Pahé, Editions Paquet

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