Denis Kadima : l’instrument utilisé par Félix Tshisekedi pour garantir sa réélection ?


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Denis Kadima, président CENI en RDC
Denis Kadima, président CENI en RDC

Il polarise la colère de toute l’opposition congolaise après le chaos électoral du 20 décembre et jours suivants. Lui, c’est Denis Kadima, le président de la CENI. Un homme qui a passé tout le temps à rassurer ses compatriotes sur la bonne tenue des élections, le 20 décembre 2023. À l’arrivée, la désillusion est grande, et la colère à son point culminant. Certains réclament sa démission immédiate, d’autres demandent même que des poursuites judiciaires soient enclenchées contre lui.

Denis Kadima apparaît comme le principal responsable du chaos électoral organisé en RDC cette semaine. Un chaos unanimement reconnu et dont les conséquences risquent d’être dramatiques pour le pays. Difficile, en effet, de présager de ce qui adviendra dans ce pays après la proclamation des résultats définitifs de la Présidentielle. Si la tension était vive dans le pays avant la tenue du scrutin, elle a atteint des proportions plus importantes après le vote qui était caractérisé par de sérieux manquements observés dans l’organisation.

Une désignation mal reçue par les Congolais…

Dès sa désignation à la tête de la CENI, au terme d’une séance plénière tendue à l’Assemblée nationale, en octobre 2021, la classe politique congolaise, notamment l’opposition, s’est soulevée contre un tel choix. « Ça (la désignation de Denis Kadima, ndlr), c’est la pensée unique qui continue. Nous ne pouvons pas comprendre que dans une séance plénière qu’on ait identifié 145 députés et qu’on tienne une séance d’entérinement du bureau de la CENI… Nous invitons le peuple congolais à se prendre en charge, car si c’est dans ce climat que se dérouleront les élections de 2023, nous pouvons y mettre une croix. Nous appelons à un large consensus national », avait déclaré le député Kabange Numbi, membre de la coalition pro-Kabila, face à la presse.

Position similaire chez la CENCO dont le secrétaire général, l’abbé Donatien Nshole (il sera fait évêque deux mois plus tard), affirma : « C’est la toute première fois que la contestation d’un candidat président de la CENI atteint les proportions du cas de Denis Kadima. Ce sont des signes qui ne trompent pas. Nous voulons des élections apaisées, crédibles et nous sommes convaincus qu’avec Kadima, on ne les obtiendra pas ».

Même son de cloche au sein de la coalition Lamuka de Martin Fayulu et même le parti Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, pourtant à l’époque membre de l’Union sacrée. Ainsi, l’appréhension était totale au sein de la classe politique. Seule la mouvance présidentielle se réjouissait de cette désignation.

… mais confirmée par Félix Tshisekedi

Quelques jours après la désignation de Denis Kadima par l’Assemblée nationale, le Président Félix Tshisekedi a cautionné ce choix. En dépit de toutes les réactions que la désignation de Denis Kadima avait suscitées dans la classe politique. Et en dépit de la lettre à lui adressée par son allié de l’époque, Moïse Katumbi, pour l’inviter à ne pas entériner ce choix. « Cautionner les irrégularités qui ont émaillé le processus d’entérinement des membres de la CENI conduira inévitablement le pays vers un nouveau cycle de désordres », avait souligné Moïse Katumbi dans son courrier.

Après la validation du choix de Denis Kadima par Félix Tshisekedi, Dieudonné Bolengetenge, secrétaire général du parti Ensemble pour la République, avait donné le ton : « Nous allons nous assumer, comme tous ceux qui ne sont pas d’accord. La CENI est constituée dans un cafouillage constaté par plusieurs composantes de la nation congolaise. Il y a lieu de craindre que les élections soient organisées dans le même cafouillage et que les résultats soient programmés de la même manière ».

Aujourd’hui, deux ans plus tard, ces propos sonnent comme des prophéties dont la réalisation ne souffre d’aucune ambiguïté. Tout se passe comme la classe politique l’avait annoncé. C’est à se demander si le pouvoir avait réellement un calendrier qu’il voulait tout simplement exécuter pour se perpétuer, comme le martelait l’opposition.

La politique de l’autruche

Depuis son installation, Denis Kadima s’est évertué à rassurer ses compatriotes sur la capacité de la CENI à tenir le pari des élections dans les délais légaux. Même s’il n’a pas toujours réussi à convaincre tout le monde, il est resté droit dans ses bottes, comme si tout allait bien. Jusqu’aux dernières semaines où les difficultés logistiques auxquelles la CENI faisait face commencèrent à se faire voir de tous. Et Denis Kadima se vit obligé de solliciter un soutien fort du gouvernement pour l’acheminement du matériel électoral dans les 26 provinces de ce vaste pays souffrant d’une insuffisance criante d’infrastructures routières et dans une période marquée par de fortes pluies.

Aux derniers jours qui séparaient du scrutin, le désarroi de la CENI n’était plus un secret pour personne. Tous les Congolais voyaient l’impréparation de l’institution et son incapacité à tenir de bonnes élections, le 20 décembre. En ce moment, n’aurait-il pas été plus indiqué de solliciter un report pur et simple du scrutin ? La CENI a foncé, tête baissée, vers une catastrophe électorale devenue un match avec prolongation.

Tous à nouveau contre Kadima

De nouveau, on assiste à une levée de boucliers contre le président de la CENI. L’opposition réclame sa démission, l’annulation de ces élections et l’organisation d’un nouveau scrutin avec une autre équipe à la CENI. C’est la position soutenue par des candidats comme Martin Fayulu, Denis Mukwege et autres, désormais rejoints par le camp Katumbi. Mais, c’est de la part du mouvement citoyen Lutte pour le changement (Lucha) que vient la position la plus dure.

En effet, non seulement les responsables de ce mouvement demandent la démission immédiate de Denis Kadima, mais ils exigent qu’il soit poursuivi pour « amateurisme, incompétence et entrave au processus électoral ». De même, ils veulent « un audit sérieux des comptes de la CENI » afin de « déterminer l’utilisation du financement des élections ». En plus de tout ceci, la Lucha est pour une annulation des élections « s’il est établi que les irrégularités, fraudes et désordres enregistrés lors du scrutin ont porté atteinte à l’intégrité des élections dans la circonscription électorale concernée ».

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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