
À quatre mois de l’élection présidentielle ivoirienne, la tension monte d’un cran. Radié des listes électorales par décision judiciaire, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), Tidjane Thiam, a annoncé samedi 14 juin qu’il s’apprêtait à rentrer à Abidjan « pour mener le combat ».
La déclaration du leader du plus vieux parti ivoirien intervient après que des milliers de militants ont battu le macadam dans la capitale économique, Abidjan, pour exiger sa réinscription ainsi que celle d’autres figures de l’opposition.
« Je serai avec vous bientôt »
Dans un message vidéo diffusé à la suite de la manifestation organisée par son parti, Tidjane Thiam a salué la mobilisation et réaffirmé sa détermination à défendre sa candidature : « Je serai avec vous bientôt pour continuer le combat. Ce combat pour libérer notre pays, que les Ivoiriens attendent de nous voir mener ». L’ancien patron du Crédit Suisse, investi candidat du PDCI-RDA en avril dernier, a vu son nom écarté de la liste électorale définitive publiée le 4 juin, à la suite d’une décision judiciaire estimant qu’il avait perdu sa nationalité ivoirienne au moment de son inscription sur la liste électorale en 2022.
Le tribunal s’est appuyé sur l’article 48 du Code de la nationalité, estimant que l’acquisition de la nationalité française en 1987 entraînait la perte automatique de la nationalité ivoirienne. Un argument contesté par les avocats du candidat et ses partisans, qui soulignent qu’il a renoncé à sa nationalité française en février dernier.
Une mobilisation massive malgré la pluie
Samedi matin, sous une pluie battante, des milliers de militants vêtus de blanc et de vert, aux couleurs du PDCI-RDA, ont défilé pacifiquement du rond-point SOCOCE jusqu’au siège de la Commission électorale indépendante (CEI), à Cocody. « Non à l’exclusion ! », « Thiam Président ! », « 2025 ne sera pas 2020 ! » scandaient les manifestants. Cette marche, reportée à plusieurs reprises, s’est transformée en démonstration de force. Aucun incident n’a été signalé, et les responsables du parti ont salué une mobilisation « historique ».
Le cas Thiam s’inscrit dans un contexte politique marqué par la contestation plus large du processus électoral. Plusieurs figures majeures de l’opposition, dont Laurent Gbagbo (PPA-CI), Guillaume Soro, Charles Blé Goudé (COJEP) ou encore Noël Akossi Bendjo, ont également été exclues de la liste électorale pour des raisons judiciaires ou administratives.
La Coalition pour l’alternance pacifique en Côte d’Ivoire (CAP-CI), regroupant plusieurs partis de l’opposition, a dénoncé une manœuvre politique et exigé la « réinscription sans conditions » de tous les candidats écartés. Dans une déclaration lue par sa porte-parole, Simone Gbagbo, la coalition a qualifié les radiations d’« injustifiées » et a exhorté le gouvernement à garantir des élections inclusives et équitables.
Vers une épreuve de force ?
Le PDCI-RDA combine désormais pression populaire et action institutionnelle. Une délégation conduite par le député-maire Sylvestre Emmou a officiellement déposé une requête auprès de la CEI à l’issue de la marche. Le parti a également saisi l’Organisation des nations unies pour dénoncer l’invalidation de la candidature de son leader. Face aux accusations de partialité, la CEI a réaffirmé qu’elle ne fait qu’appliquer les décisions de justice et respecte le cadre légal en vigueur. Le gouvernement, de son côté, assure ne pas interférer dans le travail des juridictions.
Le Président Alassane Ouattara, qui achève son troisième mandat à la tête du pays, ne s’est pas encore prononcé officiellement sur sa candidature à un quatrième mandat. Sa décision est attendue lors du congrès du RHDP, prévu les 21 et 22 juin prochains à Abidjan. Ce silence contribue à entretenir le flou autour de l’échéance d’octobre, même si tout semble indiquer qu’il se portera candidat.
Alors que l’opposition s’organise et mobilise, le climat politique reste incertain. Si les revendications du PDCI-RDA n’aboutissent pas, le pays pourrait entrer dans une séquence tendue, à l’image de celle de 2020, marquée par des violences électorales. Surtout que, de l’autre côté, Laurent Gbagbo a déjà annoncé être prêt pour se battre.