
Condamné à cinq ans de prison, l’ex-patron de la cellule antidrogue du port d’Abidjan se retrouve au cœur d’un scandale retentissant. Avec lui, deux autres officiers ont été reconnus coupables d’avoir détourné une partie d’une saisie record de cocaïne. L’affaire, révélée en 2022 par un simple indic, met en lumière les failles inquiétantes des dispositifs de lutte antidrogue.
Un verdict qui relance le débat sur la corruption dans les rangs des forces de sécurité ivoiriennes.
Une enquête déclenchée par une arrestation inattendue
L’affaire débute en juillet 2022 avec l’interpellation d’un petit dealer d’Abidjan, surnommé « Abou ». Chez lui, les enquêteurs découvrent 37 grammes de cocaïne. Mais ce qui aurait pu rester une affaire mineure prend une tournure explosive lorsque le suspect se présente comme un indicateur de la cellule antidrogue du port autonome d’Abidjan. Il accuse ouvertement plusieurs gendarmes de revendre une partie des saisies officielles. Plus grave encore, il affirme que la drogue retrouvée chez lui provient d’une cargaison interceptée quelques semaines plus tôt.
Les soupçons s’orientent alors vers le commandant Armand Agnin Angbonon, chef de cette unité. Une enquête est ouverte, mettant au jour un vaste système de détournement impliquant également son frère et un autre officier de gendarmerie.
Une saisie record au cœur du scandale
L’affaire porte sur une saisie massive datant de février 2021 : 1,56 tonne de cocaïne, estimée à 25 milliards de francs CFA. Selon la justice, au moins dix sacs, soit 220 kg, ont été subtilisés par le commandant Angbonon et ses complices, puis revendus dans un circuit parallèle.
L’opération, menée sous couvert de légalité, permettait aux trafiquants en uniforme de tirer des millions d’euros de profits illicites, tout en restant officiellement du côté de la loi.
Une source proche du dossier dénonce une pratique facilitée par le fait que le chef de la saisie était également en charge de l’enquête et des procès-verbaux, lui laissant une marge de manœuvre inquiétante.
Des complicités dénoncées, mais pas retenues
Six autres gendarmes, également poursuivis pour complicité, ont finalement été relaxés. Leur avocat a soutenu qu’ils n’avaient fait qu’exécuter les ordres de leurs supérieurs, sans savoir que les opérations étaient frauduleuses. Ils ont passé deux années en détention provisoire avant d’être blanchis, une issue qualifiée de « prévisible » par la défense, qui regrette le manque de discernement initial de l’accusation.
Un mal plus profond ?
Ce scandale en rappelle un autre, survenu en 2022, lorsque plus de 2 tonnes de cocaïne ont été saisies à Abidjan et San Pedro. Treize personnes, dont des hauts responsables des forces de l’ordre, ont été condamnées à dix ans de prison pour trafic international. La multiplication de ces affaires interroge : les forces de sécurité sont-elles en train de devenir un maillon faible dans la lutte contre le narcotrafic en Afrique de l’Ouest ?
Alors que la Côte d’Ivoire se positionne comme un point stratégique sur les routes de la cocaïne entre l’Amérique latine et l’Europe, cette affaire met en lumière l’urgence d’une réforme en profondeur des dispositifs de contrôle et de lutte contre les trafics dans les rangs mêmes des institutions.