Comfort Emmanson vs KWAM 1 : polémique sur la justice au Nigeria


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Ibom Air

Une passagère emprisonnée pour avoir agressé un équipage d’avion déclenche un tollé sur les réseaux sociaux, où les Nigérians dénoncent un traitement inéquitable comparé à l’impunité du musicien KWAM 1 dans une affaire similaire.

L’incident s’est déroulé dimanche dernier à bord d’un vol Ibom Air reliant Uyo à Lagos. Comfort Emmanson refuse d’éteindre son téléphone portable malgré les consignes répétées de l’équipage avant le décollage. La situation dégénère rapidement : des vidéos devenues virales la montrent giflant et frappant à coups de pied une hôtesse de l’air et des agents de sécurité.

Selon la compagnie aérienne, la passagère aurait même tenté de s’emparer d’un extincteur pour s’en servir comme arme avant d’être maîtrisée et évacuée de l’appareil sous escorte.
La réaction des autorités ne s’est pas fait attendre : Comfort Emmanson a été inculpée et écroue à la prison de Kirikiri, l’une des plus redoutées du pays. Ibom Air lui a également infligé une interdiction de vol à vie sur l’ensemble de sa flotte.

L’ombre de KWAM 1 plane sur l’affaire

Mais c’est la comparaison avec un autre incident récent qui enflamme les réseaux sociaux nigérians. Une semaine plus tôt, le célèbre musicien Fuji Wasiu Ayinde, surnommé KWAM 1, avait créé un incident encore plus grave à l’aéroport d’Abuja.

Le chanteur, proche des cercles du pouvoir, avait non seulement agressé physiquement une hôtesse de l’air et un pilote, mais également bloqué un avion de la compagnie ValueJet sur le tarmac et versé de l’alcool sur le pilote.

Pourtant, KWAM 1 n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire et a même donné un concert public le week-end suivant son forfait, comme si de rien n’était.

Les réseaux sociaux s’embrasent

Cette différence de traitement a provoqué une vague d’indignation sur les plateformes numériques. Sur X (ex-Twitter), les hashtags #JusticeSélective et #DeuxPoidesDeuxMesures se multiplient.

« Le niveau de punition sélective dans ce pays est écrasant », s’insurge l’utilisateur @EmmyPromise71. « Certains animaux sont plus égaux que d’autres au Nigeria. »
L’internaute @Ronaldnziroma pousse l’analyse : « La fille d’Ibom Air n’a pas bloqué d’avion, elle s’est juste battue avec une hôtesse, mais elle est en prison. KWAM 1 a agressé une hôtesse et le pilote, bloqué un avion – ce qui est du terrorisme – et il se détend tranquillement chez lui. »

« Les lois nigérianes ne sont écrites que pour les pauvres »

Cette phrase, répétée en boucle sur les réseaux sociaux, cristallise le sentiment d’injustice. Pour de nombreux Nigérians, l’affaire Emmanson illustre parfaitement les dysfonctionnements d’un système judiciaire qui applique la loi selon le statut social et les connexions politiques des accusés.

Paul Ibe, conseiller en communication, pose la question qui fâche : « Pourquoi KWAM 1 n’a-t-il pas été évacué du tarmac de la même manière ? Peut-être parce que Comfort Emmanson n’est pas une amie du président. »

Sur Facebook, les commentaires se multiplient dans le même sens. « Si cette femme peut être emprisonnée, qu’en est-il de K1 ?« , interroge Simeon Owomorinle, tandis qu’Oma Kantaga résume avec amertume : « Quand K1 a fait sa chose, c’était l’affaire d’un homme riche. Le fils du pauvre qui copie échoue à l’examen. »

Dans un pays où 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté, la justice semble avoir deux vitesses : une pour les élites politiques et économiques, une autre pour les citoyens ordinaires.

Face à la polémique grandissante, l’Autorité fédérale des aéroports du Nigeria a publié un rappel général invitant tous les passagers à respecter les lois et règlements de l’aviation. Un communiqué qui sonne comme un aveu d’impuissance face aux critiques.

Masque Africamaat
Spécialiste de l'actualité d'Afrique Centrale, mais pas uniquement ! Et ne dédaigne pas travailler sur la culture et l'histoire de temps en temps.
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