
Alors que les relations franco-algériennes traversent une nouvelle zone de turbulences, la France dévoile une initiative inattendue : un programme de bourses généreuses destiné exclusivement aux étudiants et chercheurs algériens dans le domaine des sciences religieuses. Les montants, allant de 860 à 2055 euros mensuels, constituent une opportunité académique de premier plan pour les bénéficiaires. Cette annonce, faite par l’Institut français d’Algérie (IFA), intervient alors même que les tensions diplomatiques s’enveniment entre Paris et Alger. Difficile, dans ce contexte, de ne pas y voir un geste politique enveloppé dans une offre académique.
Le dispositif français vise les étudiants algériens souhaitant suivre des formations en théologie et sciences religieuses en France, à partir du niveau master jusqu’au Doctorat. Deux catégories sont proposées :
– Bourses d’études diplômantes (Master et Doctorat) : de 860 € à 1770 € par mois.
– Séjours scientifiques de haut niveau (SSHN) pour doctorants et chercheurs : rémunération entre 1 704 € et 2 055 € par mois selon l’expérience du candidat.
La durée des bourses varie selon le profil : de 10 à 36 mois pour les cursus complets, et 4 à 12 mois pour les séjours de recherche. L’un des critères d’éligibilité est la maîtrise suffisante de la langue française. Les binationaux sont, en revanche, exclus du dispositif.
Un geste diplomatique sous forme de « soft power »
L’annonce survient quelques jours après une série de mesures fortes prises par Alger, qui a expulsé 24 agents diplomatiques français en deux vagues successives. Le motif invoqué : non-respect des procédures consulaires et diplomatiques, notamment l’arrivée de personnels non déclarés, envoyés par le ministère de l’Intérieur français. Derrière cette apparente erreur administrative, Alger dénonce une provocation délibérée orchestrée par Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, en contradiction totale avec les efforts de décrispation engagés par Emmanuel Macron. Ce contexte confère à cette offre académique une lecture stratégique ambivalente : un clin d’œil bienveillant qui contraste avec les tensions provoquées par certaines figures politiques françaises.
Le double jeu reproché à Paris s’appuie sur un constat partagé de part et d’autre : la politique étrangère française manque de cohérence. Alors que le Président Macron semble vouloir réchauffer les liens avec Alger, notamment en saluant la souveraineté algérienne et en favorisant les échanges culturels et universitaires, son ministre de l’Intérieur adopte une posture jugée hostile. Le renvoi d’agents français « clonés » — identiques aux précédents expulsés — a été interprété comme une manœuvre électoraliste, visant à séduire l’aile droite de l’électorat français, souvent critique de l’Algérie.
Une fenêtre d’apaisement ou un écran de fumée ?
Alger, de son côté, a répondu avec fermeté et méthode, convoquant à plusieurs reprises le Chargé d’affaires français et rappelant que toute nouvelle infraction recevrait une réponse proportionnée, dans le respect des conventions diplomatiques. Dans ce climat de rapport de force diplomatique, le programme de bourses offert par la France peut-il réellement favoriser l’apaisement ? Ou s’agit-il plutôt d’une tentative de récupération symbolique, destinée à maintenir un minimum de coopération bilatérale tout en évitant l’isolement ? Le geste ne passe pas inaperçu du côté algérien, où certains voient un effort de distinction entre la société civile — étudiants, chercheurs, jeunes talents — et les querelles politiques.
Mais le message envoyé reste ambigu : la main tendue d’un côté, la provocation sécuritaire de l’autre. Une stratégie du « en même temps » typiquement macroniste, mais que les autorités algériennes accueillent avec prudence, voire scepticisme. Pour les jeunes Algériens francophones, cette offre constitue un tremplin académique intéressant mais elle pose aussi une question d’éthique : faut-il accepter cette main tendue dans un contexte où le respect mutuel est mis à mal ?