
Le processus de décolonisation de l’archipel des Chagos, que l’on croyait sur des rails, se heurte à un obstacle inattendu venu de Londres. Alors que la rétrocession à l’île Maurice doit être finalisée en février 2026, une partie de la communauté chagossienne établie au Royaume-Uni a annoncé, ce mercredi 17 décembre 2025, la création d’un « gouvernement en exil ».
Cette initiative, qui vise à contrecarrer l’accord signé entre Port-Louis et le gouvernement de Keir Starmer, a provoqué une réaction immédiate et ferme des autorités mauriciennes, déterminées à ne pas laisser ce dossier historique s’enliser à nouveau.
La naissance d’une opposition politique à Londres
L’annonce a fait l’effet d’une bombe dans les colonnes du journal britannique The Telegraph. Un groupe de 1 233 Chagossiens vivant en Grande-Bretagne a procédé à l’élection d’un Premier ministre intérimaire, Misley Mandarin. Leur objectif est de bloquer le traité de rétrocession devant la Chambre des Lords. Ces « Chagossiens britanniques » rejettent la souveraineté mauricienne et revendiquent leur droit à l’autodétermination sous la bannière de l’Union Jack. Ils craignent qu’un transfert de souveraineté ne menace leur statut de citoyens britanniques et invoquent également des enjeux de sécurité régionale liés à la base militaire de Diego Garcia.
La riposte juridique et diplomatique de Maurice
Face à cette proclamation, le gouvernement mauricien a promptement réagi par la voix de son Attorney General, Gavin Glover. Dans un communiqué officiel publié ce jeudi 18 décembre, le ministre de la Justice a contesté la légitimité de ce mouvement londonien. Port-Louis rappelle avec insistance que les Chagossiens font partie intégrante du peuple mauricien et que l’archipel a toujours été une portion indivisible du territoire national. Pour les autorités mauriciennes, cette tentative de créer une entité politique dissidente est juridiquement infondée et ne saurait remettre en cause des décennies de lutte diplomatique devant les instances internationales.
Le rôle trouble de la Chambre des Lords
Cette fronde trouve un écho particulier au sein du Parlement britannique. Un rapport du Comité des relations internationales et de la défense de la Chambre des Lords a récemment critiqué l’accord de mai 2025. Il estime que les populations concernées n’avaient pas été assez consultées. Ce document donne du poids aux revendications du « gouvernement en exil » au moment même où les Lords doivent se prononcer sur le texte de loi entérinant le transfert de souveraineté. Maurice se voit ainsi obligée de mener une double bataille : rassurer la communauté internationale sur le respect des droits des déplacés tout en maintenant la pression sur Londres pour que le calendrier de février 2026 soit respecté.
Un peuple divisé entre deux nations
Au-delà de la bataille juridique, ce conflit révèle la déchirure profonde au sein de la communauté chagossienne. Si une partie des déportés et de leurs descendants soutient le retour sous souveraineté mauricienne avec l’espoir d’une réinstallation sur leurs terres ancestrales, une autre frange, installée au Royaume-Uni depuis des décennies, privilégie le lien avec l’ancienne puissance coloniale. Le gouvernement mauricien assure vouloir poursuivre le dialogue avec toutes les composantes de la diaspora, mais le temps presse. L’issue de ce bras de fer à Londres déterminera si Maurice récupérera enfin son archipel ou si les Chagos resteront, pour encore longtemps, une terre de contentieux.




