
Alors que les villes autonomes de Ceuta et Melilla demeurent un point de friction entre l’Espagne et le Maroc, les tensions s’intensifient sur fond de revendications territoriales persistantes. Tandis que Madrid multiplie les opérations militaires de surveillance et de dissuasion, Rabat renforce ses capacités défensives près de la frontière. Malgré une normalisation diplomatique en 2022, les désaccords latents, notamment sur la souveraineté des enclaves, fragilisent une relation déjà marquée par la méfiance et les tensions politiques.
Les unités du groupe tactique du Commandement opérationnel terrestre (MOT) de Ceuta mènent régulièrement des missions de surveillance, de présence et de dissuasion près de la frontière marocaine. Ces opérations ont pour but de garantir la sécurité de la zone et de démontrer l’engagement de l’armée espagnole pour la défense du territoire. Des photos diffusées par l’état-major espagnol montrent les manœuvres militaires dans divers endroits stratégiques de la ville autonome.
Opérations régulières dans les enclaves espagnoles
Ces actions visent à prévenir toute tentative de déstabilisation et à assurer une réaction rapide en cas de menace. Leur objectif principal est de sécuriser des zones revendiquées par le Maroc, telles que Ceuta, Melilla et plusieurs îlots voisins. Ces exercices deviennent de plus en plus fréquents dans un contexte de tensions persistantes. Début mars, les troupes espagnoles ont mené une mission de contrôle dans les zones sensibles, incluant Ceuta, Melilla, les îles Chafarinas et les rochers d’Al Hoceima.
À la mi-avril, une mission de reconnaissance a également été réalisée par le GREG 52, une unité d’infanterie légère, dans les zones frontalières de Melilla. L’opération s’inscrit dans un plan d’alerte précoce visant à renforcer la connaissance du terrain et la capacité de réaction face à d’éventuelles incursions. Ce type de mission permet de préserver l’intégrité du territoire espagnol tout en affirmant sa souveraineté. L’armée espagnole entend ainsi maintenir une posture dissuasive et opérationnelle dans ces territoires enclavés, face à des revendications marocaines persistantes.
Le Maroc muscle aussi sa présence militaire
En parallèle, le Maroc prévoit le déploiement de bataillons spécialisés dans la guerre électronique dans le nord du pays, à proximité de Ceuta, Melilla et Al Hoceima. Cette stratégie vise à renforcer les capacités défensives du royaume en utilisant des systèmes capables de brouiller les communications et de neutraliser les systèmes ennemis.
Déjà présents au Sahara, ces dispositifs technologiques témoignent d’une volonté marocaine de moderniser ses forces armées. Grâce à ces systèmes, les FAR (Forces armées royales) marocaines peuvent affaiblir les capacités adverses en cas de confrontation, ce qui constitue un message clair à l’adresse de l’Espagne.
Relations bilatérales sous tension malgré la normalisation
En avril 2022, le Maroc et l’Espagne ont signé une déclaration conjointe pour inaugurer une nouvelle ère de relations bilatérales après un revirement espagnol sur la question du Sahara. Toutefois, malgré cette normalisation apparente, les tensions restent vives, notamment autour des enclaves de Ceuta et Melilla que le Maroc considère toujours comme faisant partie de son territoire.
Un point de discorde important concerne la réouverture des douanes commerciales à Melilla et l’installation d’une douane à Ceuta, prévue dans l’accord de Rabat. Or, leur mise en place serait perçue comme une reconnaissance implicite par le Maroc de la souveraineté espagnole sur ces villes, ce qui freine toute coopération effective de la part du royaume.
Revendications territoriales et incidents diplomatiques
La question de Ceuta et Melilla reste au cœur des revendications marocaines. Le ministère marocain des Affaires étrangères a récemment adressé une lettre aux autorités européennes qualifiant ces villes de « marocaines ». En réponse, l’Espagne a déposé une note de protestation formelle auprès de l’ambassade du Maroc à Madrid. Pour de nombreux observateurs, ces revendications sont constantes et ne dépendent d’aucun accord ponctuel.
Des déclarations publiques de responsables marocains, comme celle du président du Sénat affirmant que le royaume « récupérera » les deux villes sans recourir aux armes, ravivent régulièrement les tensions. Le récent renvoi de deux avocates espagnoles venues au Sahara pour observer la situation des droits de l’homme illustre aussi l’instabilité latente dans les relations bilatérales.
Une diplomatie prudente en attente des élections espagnoles
Face à cette situation délicate, le Maroc reste attentif aux évolutions politiques en Espagne. Le sort de la feuille de route bilatérale pourrait dépendre des résultats des élections anticipées. Bien que les grands partis espagnols, le Parti populaire (PP) et le Parti socialiste (PSOE), souhaitent éviter une détérioration des relations, les enjeux territoriaux compliquent le maintien d’un climat apaisé.
Le leader du PP, Alberto Núñez Feijóo, a déjà annoncé vouloir renforcer les liens avec le Maroc tout en rétablissant ceux avec l’Algérie. Néanmoins, la question de la souveraineté sur Ceuta et Melilla reste un sujet explosif qui pourrait mettre en péril toute tentative de rapprochement durable entre les deux voisins.