Ces femmes qui font avancer l’Afrique


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Rabiatou Sera Diallo contre le régime de Lansana Conté, Ellen Johnson Sirleaf face au géant de l’acier Mittal Steel ou Yaye Bayam Diouf, qui sensibilise contre l’émigration clandestine au Sénégal… Les femmes africaines font avancer le continent dans de nombreux domaines d’activité. Afrik vous présente quelques unes d’entre elles et souhaite à toutes une belle Journée internationale de la femme.

Par la rédaction

 Rabiatou Sera Diallo, symbole de la contestation guinéenne

eeeeeeeeeeeeeeeeee.jpg« Quand j’allume le feu, c’est en dessous de la marmite, pour préparer à manger pour ma famille. Or, je n’allume plus le feu parce que la marmite est vide. » Accusée de « mettre le feu au pays », c’est en ces termes que Rabiatou Sera Diallo, Secrétaire générale de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG, fonctionnaires), a répondu aux députés qui l’avaient convoquée au début de l’année 2006 après des jours de mobilisation dans le pays. Un an et trois grèves générales plus tard, des accords non respectés et de centaines de manifestants tués, la syndicaliste guinéenne est toujours présente avec Ibrahima Fofana, directeur de l’Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), l’intersyndicale du privé. Les syndicats guinéens ont fait plier Lansana Conté, le 26 février dernier, lorsqu’il a nommé Lansana Kouyaté, un diplomate, au poste de Premier ministre. Ils auraient sans doute préféré la démission du président-général, malade, après 23 ans de règne sans partage, si ce n’est avec l’armée. « Rabi », comme ses amis l’appellent, a commencé sa carrière à la CNTG en 1969. Elle était alors secrétaire de direction mais avoue à l’AFP qu’elle « avais du mal dans ce métier parce qu’il (…) est synonyme de soumission ». Elle a donc suivi « des cours en parallèle » pour devenir greffière puis magistrate. « Il faut que la femme puisse défendre ses droits et revendiquer au même titre que les hommes », affirme-t-elle aujourd’hui. Alors à quand Hadja Rabiatou Diallo première magistrate du pays ?

 Fatiha Brahimi redonne des couleurs à la justice algérienne

fatiha-brahimi.jpg« En l’absence du golden boy Rafik Khalifa], réfugié à Londres, c’est la présidente du tribunal criminel de Blida qui, depuis deux mois, tient la vedette », assure le quotidien algérien El Watan. La présidente, c’est Fatiha Brahimi. Depuis deux mois, cette magistrate de 47 ans, mariée et mère de trois enfants, dirige d’une main de fer dans un gant de velours le plus important procès financier de l’histoire de l’Algérie indépendante : l’Affaire Khalifa. En jeu : près de trois milliards de dollars détournés, des dirigeants de grands groupes industriels, des ministres, généraux et proches du chef de l’Etat impliqués. Certes, « les poursuites sélectives du parquet et la forfaiture de la chambre d’accusation, qui a lessivé le dossier pour blanchir les barons du sérail », [ne trompent pas les avocats. Mais pendant deux mois, « grâce à vous, madame la présidente, on s’est cru dans un Etat de droit. Alors, profitons de cette exceptionnelle liberté d’expression ! » a lancé un avocat de la défense durant le procès de cette affaire de faillite frauduleuse, mise en délibéré ce jeudi. Tantôt tenace, tantôt pédagogue, toujours rigoureuse, selon Farid Alilat, de Jeune Afrique, Fatiha Brahimi, arrivée tous les matins sous bonne escorte, a poussé les accusés et témoins que la justice lui a livré dans leurs retranchements pour faire éclater une partie de la vérité.

 La présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf fait plier Mittal Steel

johnson_sirleaf.jpg« Les hommes ont tous ruiné ce pays, essayons une femme », avait proposé Ellen Johnson Sirleaf lors des présidentielles libériennes d’octobre 2005. Depuis qu’elle a été élue à la tête de ce pays ravagé par des années de guerre civile, elle n’a pas déçu. « Les femmes doivent lancer un message clair sur l’importance de leur présence dans la société », a-t-elle martelé cette semaine à Madrid, lors des IIe rencontres hispano-africaines « Femmes pour un monde meilleur », insistant sur « le domaine de la violence domestique, l’une des principales formes de violence envers les femmes ». En ce début d’année, ce n’est pourtant pas dans le domaine social qu’Ellen Johnson Sirleaf s’est faîte remarquer mais dans son secteur de prédilection : l’économie et les finances. Economiste diplômée d’Harvard, ex-fonctionnaire de la Banque Mondiale et ex-ministre des Finances, elle a fait plié le géant de l’acier Mittal Steel (devenu ArcelorMittal), accusé d’avoir floué le gouvernement libérien dans le cadre d’un accord de développement minier signé en août 2005. Après plus de six mois de négociations, l’accord a été révisé de façon plus équitable en décembre 2006.

 L’avocate camerounaise Alice Nkom plaide contre la pénalisation de l’homosexualité

oooooooooooooooooooo.jpgAlice Nkom soutient une cause que beaucoup pensaient perdue au Cameroun : la protection des gays et lesbiennes victimes d’injustices. Cette mère et grand-mère souriante et pleine d’énergie a réellement commencé ce combat en 2003, avec la création de l’Association pour la défense de l’homosexualité. Avec un certain succès. La Doualaise a participé, avec son confrère Michel Togue, à la libération d’Alexandre, le 16 février. Ce jeune homme était incarcéré à la prison centrale de Kondengui, depuis 2004, pour homosexualité supposée. Autre victoire : après un long combat judiciaire, Me Nkom est parvenue à faire libérer, le 21 avril dernier, onze homosexuels présumés arrêtés en mai 2005 et emprisonnés à Kondengui. De forums en cours de justice, la brillante soixantenaire tente de sensibiliser ses compatriotes aux injustices dont sont victimes les homosexuels. Avec cette fois-ci un succès bien plus timide, puisqu’elle dit recevoir des menaces tous les jours. Loin d’être découragée, Alice Nkom compte obtenir la dépénalisation de l’homosexualité, passible de cinq ans de prison. L’avocate, qui compte plusieurs détracteurs dans la communauté homo camerounaise, compte baser ses arguments sur le fait qu’aucun texte légal ne réprime l’homosexualité, mais juste une ordonnance de 1972.

 Yayi Bayam Diouf sensibilise contre l’émigration clandestine au Sénégal

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii.jpg Le fils de Yayi Bayam Diouf a péri dans les vagues cruelles de l’émigration clandestine. Il voulait quitter Thiaroye-sur-mer et rallier l’archipel espagnol des Canaries pour offrir à sa famille une vie meilleure. Il y a finalement laissé sa peau et un profond chagrin à ses proches. Battante, Yayi Bayam Diouf a refusé que la mort de son unique enfant ne serve à rien. Elle a fondé, en mars 2006, le Collectif des femmes pour la lutte contre l’immigration clandestine, qui rassemble plus de 370 femmes ayant perdu « un ou deux enfants. Parfois trois ». Le but de cette association est de pousser les jeunes à travailler au pays, plutôt que de risquer leur vie. Pour leur prouver que c’est possible, Yayi Bayam Diouf et les autres mères endeuillées ont monté des activités génératrices de revenus. Pour les convaincre de s’y mettre aussi, elles sensibilisent des salles de classes à la plage, avec l’appui du champion de lutte Madione Fall. Pour concrétiser leur envie de participer au développement du Sénégal, elles ont imaginé des « associations de non partance pour l’immigration clandestine ». Plus de soixante sont déjà formées, avec dans chacune 30 à 35 jeunes âgés en moyenne de 25 à 35 ans. L’idée est qu’ils prennent leur avenir en main. La seule ombre au tableau de cette initiative est le manque de moyens, qui ne permet pas aux mères courage d’en faire autant qu’elles le voudraient.

 Crédits photos :

Le Diplomate pour Rabiatou Sera Diallo

El Watan pour Fatiha Brahimi

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