
Depuis le samedi 2 août, les micros de Radio Oméga, l’une des stations les plus influentes du Burkina Faso, se sont tus. Le Conseil supérieur de la communication (CSC) a décidé de suspendre l’autorisation d’émettre de la radio privée pour une durée de trois mois. Cette mesure s’applique également à ses publications en ligne et sur les réseaux sociaux.
En cause, un article publié sur Facebook ayant employé le terme « junte burkinabè » pour désigner les autorités en place. Une expression jugée péjorative, injurieuse et contraire à l’éthique journalistique par l’organe de régulation des médias.
Une expression qui ne passe pas
Le contenu incriminé faisait référence à une marche populaire organisée à Ouagadougou pour réclamer justice après la mort d’Alino Faso, influenceur burkinabè décédé en détention en Côte d’Ivoire. Dans son article, Radio Oméga évoquait les accusations portées par les autorités burkinabè contre la Côte d’Ivoire, soupçonnée d’abriter des opposants. C’est dans ce contexte que la radio a qualifié les autorités de « junte ». Ce terme a immédiatement suscité la colère du CSC. Celui-ci y a vu une atteinte grave à la dignité du pouvoir de transition dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré.
Des excuses insuffisantes pour le CSC
La direction de Radio Oméga, alertée, a rapidement supprimé la publication et présenté des excuses. Elle a reconnu avoir utilisé des « expressions inappropriées » et précisé que la rédaction n’avait pas validé l’article. Malgré ce mea culpa, le CSC a estimé que la radio persistait dans ses manquements. Il a évoqué une négligence répétée et le non-respect de la déontologie. L’organe de régulation de la communication a aussi exigé des excuses publiques plus explicites envers les autorités, les auditeurs et les partenaires institutionnels.
Un précédent lourd de sens
Ce n’est pas la première fois que Radio Oméga est sanctionnée. En août 2023, elle avait déjà été suspendue pendant un mois pour avoir diffusé une interview jugée hostile aux nouvelles autorités nigériennes, suite au renversement de Mohamed Bazoum. Cette nouvelle suspension intervient dans un climat tendu pour les médias au Burkina Faso. Plusieurs organes de presse étrangers ont déjà été interdits. Certains journalistes locaux sont contraints à l’exil ou enrôlés d’office dans la lutte contre les groupes jihadistes.
La liberté d’informer, une ligne rouge de plus en plus floue
Pour les défenseurs de la liberté d’expression, cette sanction démontre une volonté croissante du pouvoir de transition de contrôler le discours médiatique. Des voix s’élèvent pour dénoncer un climat de censure et de répression. À mesure que le pouvoir militaire consolide son autorité, la ligne entre rigueur éditoriale et musellement des médias devient de plus en plus floue.
Malgré la suspension, Radio Oméga continue de bénéficier d’un large soutien populaire. Sur les réseaux sociaux, de nombreux Burkinabè dénoncent une décision arbitraire et expriment leur solidarité envers les journalistes de la station.