
Après plusieurs semaines de détention, huit membres de l’ONG International NGO Safety Organisation (INSO), dont trois ressortissants européens, ont été libérés fin octobre par les autorités burkinabè. Leur arrestation, survenue début octobre en raison d’une accusation d’« espionnage » par Ouagadougou, avait soulevé des interrogations sur le climat politique et sécuritaire dans le pays. Une libération discrète. Voilà comment on peut qualifier la remise en liberté de huit employés de l’ONG INSO interpellés au Burkina Faso début octobre. En effet, l’annonce de cette libération n’a été faite que récemment.
Une libération annoncée tardivement
INSO, une organisation spécialisée dans l’analyse des risques sécuritaires pour les acteurs humanitaires, a confirmé à l’AFP la libération de ses huit employés : un Français, une Franco-sénégalaise, un Tchèque et cinq collaborateurs burkinabè. L’ONG, basée à La Haye, indique que l’opération s’est déroulée « en toute sécurité » et remercie les partenaires qui ont soutenu les démarches menant à leur remise en liberté. L’annonce publique, faite seulement début décembre, intervient plusieurs semaines après la fin de la détention. Ce délai témoigne, selon plusieurs observateurs, de la sensibilité du dossier dans un contexte politique marqué par la défiance de la junte à l’égard des acteurs internationaux.
Des accusations d’« espionnage » jugées infondées par l’ONG
Les huit employés avaient été interpellés début octobre par les services burkinabè, qui les soupçonnaient d’activités d’espionnage. Dès l’origine, INSO avait fermement rejeté ces accusations, rappelant sa mission : fournir aux organisations humanitaires des informations fiables sur les risques sécuritaires dans les zones de conflit, afin de permettre la poursuite des opérations d’assistance.
Selon des sources proches du secteur humanitaire, les arrestations avaient suscité une vague d’inquiétude parmi les ONG opérant au Burkina Faso, certaines craignant une remise en cause de leur présence dans un pays où le travail humanitaire est devenu à la fois indispensable et risqué.
Un climat politique tendu sous un régime souverainiste
Depuis le coup d’État de 2022, la junte dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré mène une politique axée sur la souveraineté nationale, marquée par le retrait progressif des partenaires traditionnels et par une méfiance accrue envers les institutions internationales et les ONG occidentales. Les autorités burkinabè entretiennent un discours dénonçant fréquemment les « ingérences étrangères ». Dans ce contexte, les arrestations d’octobre avaient été interprétées comme une nouvelle manifestation de cette orientation, et comme un signal adressé au secteur humanitaire, déjà soumis à un contrôle renforcé. Lire aussi : Burkina Faso, aides au développement : le gouvernement rejette les soutiens jugés « dégradants »
Un secteur humanitaire essentiel mais fragilisé
Le Burkina Faso traverse l’une des crises sécuritaires les plus graves de son histoire. Plus de 2 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, et des régions entières sont coupées de l’aide en raison de la présence de groupes armés. INSO joue, dans plusieurs pays du Sahel, un rôle crucial en fournissant aux ONG des informations sécuritaires permettant de planifier leurs opérations. Sa présence est souvent considérée comme un mécanisme clé de protection pour les travailleurs humanitaires. La détention de ses employés, suivie d’une libération discrète, met cependant en lumière les tensions persistantes entre les impératifs souverainistes de l’État burkinabè et la nécessité de maintenir un accès humanitaire dans les zones les plus vulnérables.



