Bossobé Traoré, un élément de la garde rapprochée de Sankara trahi par son récit


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Thomas Sankara, ancien Président du Burkina Faso
Thomas Sankara, ancien Président du Burkina Faso

Ce mardi 2 novembre 2021, l’audience du procès de l’assassinat du capitaine Thomas Sankara s’est poursuivie. Suite et fin de l’interrogatoire de Nabonsseouindé Ouédraogo et passage à la barre du caporal Bossobé Traoré de la garde rapprochée de Thomas Sankara.

«Nous sommes encore plus confus, perdus»

Invité à la barre vendredi dernier, Nabonsseouindé Ouédraogo a encore été écouté ce mardi 2 novembre. Rien n’a changé dans sa stratégie : dénégation totale des faits à lui reprochés. Bien sûr, sur cette ligne de défense, l’accusé a tout le soutien de son avocat, Me Mamadou Sombié, dont les questions visaient à démontrer son innocence. Par exemple, lorsqu’il lui a demandé s’il était au courant d’une quelconque détérioration des relations entre Thomas Sankara et Blaise Compaoré, Nabonsseouindé Ouédraogo a répondu par la négative, tout comme il affirmé n’être au courant d’aucune réunion tenue par le Président du Faso (PF) au secrétariat général du Conseil de l’entente, le 15 octobre 1987.

De même, à la question de savoir s’il avait bénéficié de privilèges après les événements, le militaire à la retraite a répondu d’emblée : «Rien. C’était mon salaire seulement que j’utilisais. Pour même avoir une moto de 132 000 Francs, il fallait contracter un prêt de trois ans (…) La famille même est là. Si j’avais eu quelque chose, les gens même allaient remarquer».
Me Mamadou Sombié s’est appuyé sur cette réponse pour arguer que contrairement à son client, certaines personnes avaient manifestement bénéficié du coup d’État. Au nombre de ceux-ci, le fameux Hyacinthe Kafando.

Au regard de tous ces éléments, Nabonsseouindé Ouédraogo soutient avoir «la conscience tranquille», mais a un regret : «Mon regret ici à la barre, c’est le fait que les autres ne soient pas là pour répondre de certains faits. C’est pour cette raison que moi je suis ici. Si Kafando était là, je n’allais pas être à cette barre ou j’allais être ici en qualité de témoin».
Face au rôle-clé que semble avoir joué Hyacinthe Kafando dont le nom revient chaque fois, Me Mamadou Sombié reproche à l’État burkinabè d’avoir failli à sa mission en ne prenant pas en son temps les dispositions pour que cet homme soit mis sur écoute et comparaisse en personne à ce procès.

Au total, l’interrogatoire de Nabonsseouindé Ouédraogo n’a pratiquement rien apporté à une meilleure compréhension des événements qui ont endeuillé le Burkina Faso, le 15 octobre 1987. Et c’est ce qu’a souligné le procureur militaire : «Nous pensions qu’avec son passage, et après les deux premiers, nous allions être plus éclairés. Malheureusement, nous sommes encore plus confus, perdus ; parce que ses déclarations sont aussi contradictoires les unes que les autres».

Bossobé Traoré plaide non coupable, mais se plonge tout seul

Le quatrième accusé invité à la barre est l’ancien caporal Bossobé Traoré, un élément de la garde rapprochée de Thomas Sankara au moment des faits. Comme ses prédécesseurs, il est accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’État et d’assassinat. Selon ses propos, il se tenait devant le pied-à-terre de Thomas Sankara au Conseil de l’Entente en compagnie du chauffeur du PF, Der Somda, et d’un autre soldat, Abdoulaye Gouem.

Ils ont été ensuite rejoints par le sergent Arzouma Ouédraogo, alias «Otis», un élément de la garde rapprochée de Blaise Compaoré. Pendant que le Président Sankara était en réunion avec ses collaborateurs dans l’un des bâtiments du Conseil de l’Entente, un véhicule Peugeot 504 avec des hommes encagoulés à bord est venu s’immobiliser à quelques encablures des soldats. Une deuxième voiture est ensuite allée se positionner vers la porte du secrétariat où se tenaient Thomas Sankara et ses compagnons.

«Ils (les assaillants, ndlr) nous ont dit “haut les mains” et nous ont conduits un peu vers l’arrière en nous disant de jeter nos armes. Nous avons jeté les pistolets que nous avions et on nous a fait coucher à plat ventre. En ce moment, Otis a fait sortir une arme qu’il avait cachée dans les fleurs. Il a tiré d’abord sur Der Somda en premier, ensuite sur Abdoulaye Gouem et moi en troisième. Le premier coup a pris mon bras et je me suis enfui.
Il a tiré encore sur mon pied, il m’a raté. La troisième balle est tombée devant moi et je me suis échappé par la porte allant vers l’ENAM. La balle a pris la porte», a déclaré le militaire à la retraite.

Mais un élément du récit fait par Bossobé Traoré semble trahir son manque de sincérité. En effet, peu de temps après le drame, il a bénéficié d’une évacuation sanitaire en France, lui qui faisait partie de la garde rapprochée du Président assassiné. Au moment où les proches de Sankara étaient traqués. Le procureur militaire ainsi que les avocat de la partie civile n’ont pas manqué de relever cette contradiction flagrante qui vient mettre davantage en doute le récit déjà très peu convaincant du caporal, et qui semble apporter de l’eau au moulin de ceux qui soutiennent fermement que Bossobé Traoré a trahi celui qu’il était censé protéger.

A lire : Reprise du procès Thomas Sankara : un premier accusé passe à la barre

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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