Au Malawi, une mixture à l’origine d’une révolution nutritionnelle


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Au Malawi, un mixeur et un pot de pâte à tartiner au chocolat ont révolutionné les méthodes de traitement de la malnutrition permettant de sauver les vies des enfants qui meurent de faim.

Frustré d’avoir passé plusieurs années à créer des recettes qui ne marchaient pas, et notamment la recette des beignets ou des crêpes enrichis, le pédiatre nutritionniste André Briend a été inspiré par un pot de pâte à tartiner au chocolat Nutella.

Après avoir emprunté le mixeur d’un restaurant du coin, il a concocté son premier cocktail à base de lait en poudre, de sucre, de pâte d’arachides, d’huile et d’un peu de vitamines et de sels minéraux, il y a dix ans, au Malawi.

Le docteur Briend était convaincu d’avoir trouvé une formule susceptible d’aider les enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition sévère à s’en remettre, souvent à la maison, sans devoir être admis dans un centre nutritionnel

Depuis lors, sa recette de cuisine a été améliorée pour créer un produit communément commercialisé sous le nom de Plumpy’Nut.

Le Plumpy’Nut et le concept d’Aliment thérapeutique prêt à l’emploi (RUTF) ont déjà provoqué un changement radical dans la façon dont la malnutrition sévère est traitée dans plusieurs pays sujets à la faim, et ont été approuvés par de grandes agences des Nations Unies et d’importantes organisations non gouvernementales (ONG).

Au début, le docteur Briend, qui travaille aujourd’hui à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a trouvé peu de preneurs pour sa recette.

« Seuls deux [médecins] ont réagi de manière positive et étaient prêts à tester [le nouveau produit] : l’un était Mark Manary [professeur de pédiatrie à l’école de médecine de l’université Washington, à St-Louis, aux Etats-Unis] qui travaillait au Malawi, l’autre était Steve Collins [aujourd’hui directeur de Valid International, une ONG de recherche] qui travaillait principalement dans les contextes d’urgence », a expliqué à IRIN le docteur Briend, alors qu’il se trouvait à Genève.

Le docteur Manary a réalisé un important travail de préparation, puisqu’il a été le premier à fournir des preuves de l’efficacité du RUTF sur le terrain, selon le docteur Briend.

« Cela a grandement contribué à l’introduction et à l’acceptation du RUTF au Malawi. Steve [Collins] a fait la même chose au cours d’une crise d’urgence en Ethiopie, et a progressivement convaincu les ONG d’urgence de changer leur méthode de traitement de la malnutrition sévère », a expliqué le docteur Briend.

Le développement de la production a pris un an de plus, mais recueillir les preuves, convaincre les collègues et leur permettre de se faire leurs propres expériences a demandé encore davantage de temps.

« J’ai eu l’idée d’utiliser une pâte à tartiner à la fin de l’année 1996, cela a donc pris environ 10 ans pour concrétiser l’idée, et la faire accepter », a-t-il dit.

Un produit pratique

Ce qui fait du RUTF une solution révolutionnaire, c’est que ce produit apporte les nutriments requis pour traiter à domicile un enfant souffrant de malnutrition sévère, sans avoir besoin d’être réfrigéré, et même dans des conditions d’hygiène imparfaites. Il existe sous forme de barres emballées dans du papier aluminium ou dans des récipients en plastique disponibles localement, et peut être conservé dans des conditions tropicales pendant trois à quatre mois.

Cet aliment savoureux, mou et broyable, riche en nutriments et énergétique peut être consommé par des enfants dès l’âge de six mois sans ajouter d’eau, ce qui réduit le risque d’infection.

« Le RUTF a aussi l’avantage d’avoir bon goût ; ce qui explique pourquoi la plupart des enfants le préfèrent », a commenté le docteur Briend.

Avant le RUTF, on aiguillait généralement les enfants souffrant de malnutrition aiguë vers les hôpitaux ou les unités de traitement spécialisées, avec hospitalisation du patient, où on leur faisait suivre des régimes spéciaux à base de lait. Si ces régimes étaient efficaces, dans certains pays les plus pauvres du monde, les familles n’avaient toutefois pas toujours facilement accès à des centres de santé susceptibles de leur fournir de tels soins, selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, UNICEF.

En outre, le traitement avec hospitalisation est souvent une solution difficile pour les parents qui n’ont pas les moyens de quitter leur domicile pendant plusieurs semaines ; de même, l’affaiblissement du système immunitaire des enfants souffrant de malnutrition sévère peut les rendre plus vulnérables aux infections, un risque considérable dans les services bondés des hôpitaux ou dans les centres nutritionnel.

La technologie requise pour produire le RUTF est relativement simple : il suffit de se procurer un appareil pour préparer la pâte d’arachides. La plupart des ingrédients sont disponibles sur place dans de nombreux pays, mais le lait en poudre, une des principales composantes de la pâte, peut coûter cher.

Toutefois, les coûts peuvent être maîtrisés, et au Malawi, l’usine qui produit cette mixture les a maintenus à un minimum : les ingrédients sont fournis gratuitement et l’usine fonctionne avec seulement huit employés. Hors du Malawi et du Niger, des usines existent également au Kenya et en République démocratique du Congo, et la Zambie offre elle aussi une bonne capacité de transformation, de même que la société Nutriset, basée en France.

Généralisation du produit

Le 7 juin 2006, la Comité permanent sur la nutrition, qui élabore les politiques des Nations Unies dans ce domaine, a formellement approuvé la méthode du RUTF, affirmant qu’elle pouvait être utilisée pour traiter les trois quarts des enfants souffrant de malnutrition aiguë.

L’UNICEF, l’un des deux plus gros acheteurs de RUTF dans le monde – l’autre étant Médecins sans frontières (MSF), l’organisation non gouvernementale médicale – est désormais prêt à distribuer ces aliments dans beaucoup d’autres pays dès le début de l’année prochaine.

Steve Jarrett, conseiller principal de la division approvisionnement de l’UNICEF, a expliqué à IRIN que le RUTF avait considérablement augmenté le taux de survie des enfants souffrant de malnutrition sévère pendant les crises d’urgence, en Ethiopie, au Malawi, au Niger et au Soudan.

La malnutrition aiguë tuerait environ un million d’enfants chaque année, selon l’UNICEF.

Le RUTF n’est pas un traitement miracle, cependant. Les causes de la malnutrition sont nombreuses, et certains enfants souffrant de complications auront toujours besoin d’être hospitalisés, selon un communiqué du Comité permanent.

« Les résultats obtenus au Niger, où MSF distribuait du RUTF [en 2004/05], ont fait pencher la balance en faveur de la distribution [de ce produit] ; le taux de mortalité chez les enfants atteints de malnutrition grave a chuté, passant de 30-35 pour cent à cinq pour cent ».

Au Niger, MSF affichait un taux de réussite phénoménal de 90 pour cent, sur plus de 60 000 enfants souffrant de malnutrition grave et traités au RUTF.

Grâce à la méthode du RUFT, l’UNICEF devrait être en mesure de traiter un grand nombre d’enfants qui, tout en appartenant à des communautés épargnées par les crises d’urgence classiques, souffrent malgré tout de malnutrition aiguë.

« Plus de la moitié des pays d’Afrique comptent un grand nombre d’enfants atteints de malnutrition sévère », a expliqué M. Jarrett.

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Crédit photo : Nicholas Reader/IRIN

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