Archéologie : les États-Unis remettent à la Tunisie près de 12 mille pièces, un geste fort dans le mouvement mondial de restitution du patrimoine


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Monnaie romaine
Monnaie romaine

La Tunisie a récupéré 11 795 pièces archéologiques, principalement romaines, restituées par l’université de Géorgie après plus de 30 ans. Issues de fouilles à Carthage, elles avaient été prêtées pour études. Cette restitution s’inscrit dans une dynamique mondiale : le Nigeria, l’Éthiopie et le Bénin ont également reçu des objets pillés. Il s’agit là d’un mouvement historique de réparation et de reconnaissance du patrimoine africain.

Le 21 avril 2025, un moment fort de coopération culturelle et diplomatique a eu lieu à Tunis : 11 795 pièces archéologiques ont été officiellement restituées à la Tunisie par l’université de Géorgie, aux États-Unis. Conservées depuis plus de trente ans hors de leur pays d’origine, ces œuvres avaient initialement été envoyées dans le cadre de projets de recherche scientifique. Leur retour marque une avancée majeure dans le processus international de restitution des biens culturels.

Un retour attendu depuis plus de trois décennies

Ce trésor archéologique, constitué principalement de pièces issues de l’époque romaine, avait été prêté aux institutions universitaires américaines dès 1990. En théorie, ces objets devaient revenir en Tunisie une fois les études terminées. Pourtant, ce n’est qu’en 2025 – après un an de démarches diplomatiques – que leur restitution est finalement actée.

Parmi les objets restitués :

  • 3 460 pièces de monnaie en bronze
  • 2 715 objets en ivoire
  • Divers bijoux, accessoires et outils de la vie quotidienne
  • 2 825 artefacts en verre, céramique et métal

Selon Tarek el Bakkouch, directeur général de l’Institut national du patrimoine (INP), une deuxième restitution est prévue pour le 25 avril, comprenant 3 852 pièces – majoritairement des monnaies conservées au Randolph College en Virginie.

Ces objets proviennent principalement de fouilles archéologiques menées à Carthage entre 1980 et 1990, avec la participation de douze missions scientifiques européennes et nord-américaines. À cette époque, de nombreuses pièces ont été exportées à l’étranger à des fins d’études, sous promesse de retour.

Héritage de Carthage et coopération internationale

Le ministère tunisien des Affaires culturelles a salué cette restitution comme une étape importante dans la reconquête du patrimoine national. Aujourd’hui, la Tunisie réaffirme sa volonté de rapatrier tous les objets prêtés temporairement, y compris ceux actuellement conservés en France, en Italie ou au Canada. La Tunisie n’est pas seule à réclamer le retour de son patrimoine. Cette restitution s’inscrit dans un mouvement mondial de restitution culturelle, dont l’Afrique est l’un des principaux acteurs.

En février 2025, les Pays-Bas ont annoncé le retour de 113 statuettes de bronze au Nigeria, volées en 1897 par les troupes britanniques lors du pillage des palais royaux du peuple Edo, dans l’ancien royaume du Bénin. Ces bronzes, fondus entre les XVIe et XVIIIe siècles, représentent des figures de cour et des événements historiques. D’une forte valeur symbolique pour le peuple Edo, ces objets ont transité par l’Angleterre avant d’être acquis par le musée de Leyden aux Pays-Bas.

Une dynamique mondiale de restitution

Le consul néerlandais à Lagos a expliqué que ces œuvres ont été achetées aux enchères après avoir été pillées. Le musée ethnographique de Leyden en a acquis plusieurs, qui seront bientôt restituées grâce à un accord signé avec la Commission nigériane des musées et monuments. En décembre 2024, la France a franchi une étape majeure en restituant près de 3 500 objets archéologiques à l’Éthiopie.

Ces artefacts, découverts sur le site de Melka Kunture, avaient été envoyés en France dans les années 1980 pour des études. Leur retour, officialisé par une cérémonie à Addis-Abeba, reflète une volonté de réparer les erreurs du passé colonial. Parallèlement, la France a lancé le programme « Patrimoine durable en Éthiopie », visant à soutenir la conservation des sites historiques, notamment les célèbres églises de Lalibela. Cette coopération culturelle renforce les liens bilatéraux dans d’autres domaines comme la santé, l’éducation et le développement.

Tournant dans les relations entre l’Afrique et l’Occident

De nombreux pays africains réclament aujourd’hui la restitution d’œuvres acquises de manière douteuse ou volées durant la colonisation. Le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas et la France ont déjà commencé à répondre positivement à ces demandes, amorçant une nouvelle ère dans les relations Nord-Sud fondée sur la reconnaissance, le respect et la réparation historique. Le cas emblématique des bronzes du Bénin a accéléré cette prise de conscience. En 2022, l’Allemagne a restitué plusieurs pièces à la République du Bénin, et le Royaume-Uni a également renvoyé une partie de sa collection.

Les restitutions récentes ont une portée hautement symbolique. Elles permettent non seulement aux pays d’origine de récupérer des éléments essentiels de leur identité culturelle et historique, mais elles contribuent également à une meilleure compréhension de l’histoire mondiale. Elles marquent aussi une transformation dans la manière dont les musées occidentaux conçoivent leur rôle. De plus en plus, ces institutions cherchent à établir des relations équilibrées avec les pays du Sud, favorisant la recherche conjointe, les expositions itinérantes, et la circulation équitable du savoir.

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