Alexander Isak transfert record à Liverpool : l’épilogue d’une odyssée familiale érythréenne


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Alexander Isak sous le maillot de Liverpool
Alexander Isak sous le maillot de Liverpool

Le transfert record d’Alexander Isak à Liverpool (125 millions de livres sterling, plus gros transfert de lhistoire du club anglais) couronne une trajectoire exceptionnelle. En effet, derrière cette consécration se cache l’histoire d’une famille érythréenne qui a tout quitté dans les années 1980 pour offrir un avenir à ses enfants en Suède. De l’exil de ses parents au sommet du football européen, retour sur son parcours.

L’annonce est tombée le 1er septembre 2025. Alexander Isak, 25 ans, devient officiellement joueur de Liverpool après un feuilleton estival. Le montant de 125 millions de livres sterling (145 millions d’euros), un record pour le club britannique, propulse l’attaquant suédois au firmament du football mondial. Mais au-delà des chiffres vertigineux, ce transfert raconte une histoire bien plus profonde : celle d’une histoire familiale écrite sur trois décennies.

Septembre 1999. Dans la banlieue paisible de Solna, au nord de Stockholm, naît Alexander Isak. Sa venue au monde marque l’aboutissement d’un pari fou entamé quinze ans plus tôt par ses parents, Teame et son épouse, originaires d’Érythrée. Ce petit pays de la Corne de l’Afrique traverse alors l’une des guerres civiles les plus meurtrières de son histoire.
Teame Isak est enseignant de formation, mais en cette fin des années 1980, exercer ce métier en Érythrée relève du défi quotidien. Les écoles ferment, les familles fuient, l’espoir s’amenuise. Teame prend alors la décision la plus difficile de sa vie : arracher sa famille à sa terre natale pour la transplanter vers l’inconnu suédois.

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« Ce n’est pas facile de recommencer une nouvelle vie« , confiera des années plus tard Alexander, devenu adulte. « Ce que mes parents ont traversé, c’est leur histoire, mais cela me donne de la perspective et de la discipline. »

L’intégration par l’école et le ballon

À Solna, Teame reprend du service dans l’Éducation nationale suédoise. Cet homme discret devient rapidement une figure respectée de la communauté érythréenne locale. Il enseigne même le tigrinya – la langue érythréenne – à de jeunes compatriotes, notamment au futur footballeur Henok Goitom.

Alexander grandit dans le quartier d’Ulriksdal, entre deux cultures qui ne s’opposent jamais mais s’enrichissent mutuellement. À six ans, le petit garçon pousse pour la première fois les portes de l’AIK Fotboll. Son entraîneur, Nahom Ghidey, partage lui aussi des origines érythréennes. Une providence qui tissera des liens indéfectibles. « Les Érythréens sont des gens fiers, forts et patriotes, et ce contexte a été influent« , témoigne un proche de la famille.

En 2018, Alexander effectue son pèlerinage personnel. Direction Asmara, capitale de l’Érythrée, sur invitation de l’ambassadeur Zemede Tekle. Le jeune homme de 19 ans découvre alors la terre que ses parents ont dû abandonner. Il visite des écoles de football, rencontre des enfants qui rêvent comme lui rêvait. L’émotion est palpable.

Ce voyage marquera à jamais sa vision du football et de la vie. Il comprend ce jour-là le poids des sacrifices parentaux et la chance inouïe d’être né en Suède. « Je suis allé en Érythrée pour voir où ils ont grandi, c’était humble, de voir comment les gens peuvent être heureux avec si peu« , confie-t-il.

Une ascension fulgurante nourrie par l’héritage familial

Alexander Isak
Alexander Isak

Les records tombent les uns après les autres. À 16 ans et 199 jours, Alexander devient le plus jeune buteur de l’histoire de l’AIK en championnat. À 17 ans et 113 jours, il pulvérise le record de précocité en sélection suédoise, effaçant des tablettes un certain Erik Dahlström qui avait marqué en 1912.

Borussia Dortmund, Willem II, Real Sociedad, Newcastle : chaque étape de son parcours européen est jalonnée par les valeurs érythréo-suédoises inculquées par ses parents. L’humilité face aux éloges, le travail acharné dans l’adversité, la reconnaissance envers ceux qui l’ont porté.

Alexander avait fait savoir dès juillet son désir de rejoindre Liverpool. Newcastle résistait. Les négociations s’enlisaient jusqu’à ce que les Reds trouvent la formule magique : 125 millions de livres sterling cash, sans bonus. « C’est un long voyage pour arriver ici. Mais je suis super heureux de faire partie de cette équipe, de ce club et de tout ce qu’il représente« , déclare Alexander lors de sa présentation officielle.

Derrière ces mots convenus se cache une réalité plus profonde. Liverpool, c’est l’aboutissement d’une quête familiale entamée il y a près de quarante ans. C’est la récompense ultime d’un pari sur l’intégration, l’éducation et le sport comme vecteurs d’émancipation sociale.

Pour la communauté érythréenne d’Europe – quelque 321 000 personnes -, il représente la preuve vivante que l’exil peut déboucher sur la réussite la plus éclatante. En Suède, son parcours nourrit le débat sur l’immigration et l’intégration. Alexander Isak est devenu, malgré lui, l’ambassadeur d’une vision optimiste du multiculturalisme. Un exemple vivant que le talent, nourri par des valeurs familiales solides et encadré par des institutions bienveillantes, peut transcender toutes les barrières.

À Anfield, il portera désormais le numéro 9, au coté du mythique Mohamed Salah. Quand il foulera la pelouse sous les chants de « You’ll Never Walk Alone », Alexander pensera sans doute à Teame, cet enseignant discret qui a tout sacrifié pour que son fils puisse un jour atteindre les sommets.

Masque Africamaat
Kofi Ndale, un nom qui évoque la richesse des traditions africaines. Spécialiste de l'histoire et l'économie de l'Afrique sub-saharienne
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