Alain Joyandet : un tour en Afrique et puis s’en va


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Alai Joyandet
Alai Joyandet

Après Jean-Marie Bockel, c’est au tour d’Alain Joyandet de passer la main, deux ans après sa prise de fonction. Son poste de secrétaire d’Etat à la coopération et à la Francophonie a été repris par le ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, au lendemain de l’annonce de sa démission dimanche sur son blog. Une décision qui fait suite à une série d’affaires sur les passe-droits de certains ministres français.

« Après mûres réflexions, j’ai décidé de quitter le gouvernement. J’en ai bien évidemment informé le président de la République (Nicolas Sarkozy) qui peut compter sur ma fidélité et mon amitié », expliquait dimanche, Alain Joyandet, sur son blog. Véritable démission ou licenciement ? A en croire le communiqué de l’Elysée, le secrétaire d’Etat à la coopération et à la francophonie aurait gentiment été poussé vers la sortie, suite à une série d’affaires sur le train de vie dispendieux des ministres français. « Le président de la République et le Premier ministre (François Fillon) ont décidé de tirer les conséquences d’évènements survenus ces derniers jours, que les Français n’ont ni compris ni acceptés », affirme le porte-parole du gouvernement.

Les sacrifiés de l’Elysée

Pour redorer son image, l’Etat aurait fait tomber plusieurs têtes, celle de Christian Blanc, secrétaire d’Etat au Grand Paris et celle d’Alain Joyandet. Depuis plusieurs mois, le maire de Vesoul était sur la sellette. Il avait été épinglé à deux reprises. En mars d’abord, pour avoir loué, aux frais de l’Etat, un avion privé pour un montant 116 500 euros lors d’un déplacement en Martinique. Et plus récemment en juin, où il avait été soupçonné d’avoir bénéficié d’un permis de construire illégal pour agrandir sa maison secondaire située dans le Var, permis auquel il avait par la suite renoncé.

Selon certains observateurs, cette démission avérée ou non serait un exemple à suivre pour les politiques africains. A ce sujet, le quotidien d’opposition ivoirien, Le Patriote, ne mâche pas ses mots et tacle au passage son ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro, mis en cause dans une affaire de corruption. « Il est soupçonné, en effet, de pire que ces deux ministres français. Hélas! Il est toujours à son poste. La procédure judiciaire en cours ne le gêne pas. En tout état de cause, que cela gène ou pas, il aurait dû par principe, par honneur, pour son devenir politique, rendre le tablier », s’insurge le journaliste ivoirien Inza Kigbafory.

De Vesoul à l’Afrique

Avant sa démission, sur le blog du secrétaire d’Etat, la vie suivait son cours. Plusieurs rencontres étaient prévues pour le mois de juillet. Notamment un tour de France des régions où il était question d’entretiens avec des investisseurs locaux, désireux d’entreprendre et de contribuer au développement en Afrique. Un continent qu’Alain Joyandet a mis un peu de temps à connaitre. Le 18 mars 2008, au moment de sa prise de fonction, le secrétaire d’Etat à la coopération s’était fait discret. Peu familier des affaires africaines, il avait révisé son sujet avant de passer à l’aspect pratique et de se rendre dans plusieurs états, plus de 70 au total, dont Madagascar, son « pays de prédilection ».

Le ministre s’était rendu à plusieurs reprises à Antananarivo pour tenter de débloquer la situation politique entre le leader malgache, Andry Rajoelina et l’ancien président évincé, Marc Ravalomanana. Une médiation saluée par La Tribune de Madagascar qui s’inquiète dans sa rubrique « Coopération française » de l’évolution du dossier malgache. « Il ne sera pas dans l’immédiat remplacé ce qui ne devrait pas être sans impacts sur la gestion par Paris d’un dossier de la crise malgache où Joyandet s’était beaucoup impliqué », écrit le quotidien.

Sur un siège éjectable

Malgré ses voyages en tant que médiateur en Mauritanie, et en Guinée Conakry lors des périodes d’instabilité politique, aucun site d’informations de ces deux pays ne fait mention de la démission d’Alain Joyandet. Le secrétaire d’Etat à la coopération et à la francophonie aura peu marqué les esprits. Le quotidien sénégalais Wal Fadjiri souligne que « c’est le deuxième secrétaire d’Etat à ne pas être resté longtemps sous l’ère Sarkozy ». Jean-Marie Bockel n’aura tenu qu’une seule année. Son départ ayant été précipité par l’ancien président gabonais, Omar Bongo, qui avait peu apprécié ses propos sur « l’acte de décès » de la Françafrique.

« J’ai eu l’honneur d’œuvrer pour les pays en voie de développement, le renforcement de nos liens avec l’Afrique et la promotion de la francophonie dans le monde », poste sur son blog Alain Joyandet. Ce seront là ses derniers mots en tant que secrétaire d’Etat à la coopération et à la Francophonie. Bientôt, le ministre reprendra du service à Vesoul pendant que l’Afrique attendra qu’un nouvel homme politique vienne remplir ses fonctions de médiateur français.

La relation entre la France et l’Afrique était depuis deux ans la principale occupation d’Alain Joyandet. Le président Nicolas Sarkozy a pourtant choisi de ne pas le remplacer et de confier ses missions au ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Si officiellement, les responsables français démentent toute diminution de l’effort français en matière de coopération, la disparition du secrétariat d’Etat vient cependant achever une longue évolution institutionnelle. Pendant longtemps, la France a eu un ministère de la Coopération avant que ce domaine ne soit dévolu à un simple ministère délégué, puis à un secrétariat d’Etat rattaché au Quai d’Orsay. Pourtant, de son côté, l’Elysée n’en démord pas. «Sa disparition ne bouleversera pas la politique de la France», assure-t-on à Paris.

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