Affaire Lumbala : l’ex-chef rebelle congolais refuse d’être jugé à Paris


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Roger Lumbala
Roger Lumbala

Le procès de l’ex-chef rebelle congolais Roger Lumbala s’est ouvert à Paris dans un climat de défiance totale. Accusé de complicité de crimes contre l’humanité commis en RDC au début des années 2000, il refuse de comparaître et conteste la légitimité de la justice française. Ce procès historique, fondé sur la compétence universelle, ravive la quête de justice des victimes des atrocités commises en Ituri.

Le procès de l’ancien chef rebelle congolais Roger Lumbala devant la cour d’assises de Paris a démarré dans un climat de tension et de confrontation. Jugé pour complicité de crimes contre l’humanité commis en République démocratique du Congo (RDC) en 2002-2003, l’accusé de 67 ans a annoncé dès le premier jour, mercredi 12 novembre 2025, qu’il boycotterait les audiences, déniant toute légitimité à la justice française.

Un « braquage judiciaire » et un refus catégorique

Détenu depuis fin 2020, Roger Lumbala, qui dirigeait à l’époque des faits le RCD-N (Rassemblement congolais pour la Démocratie-National), a coupé court au début de son procès en déclarant : « La France n’est pas compétente pour me juger, vous allez me juger tout seuls », et « condamnez-moi comme vous le souhaitez. »

Soutenues par l’Ouganda, les troupes du RCD-N sont accusées de s’être livrées à de nombreuses atrocités en Ituri et dans le Haut-Uélé, des zones riches en ressources minières, cibles des factions armées. Roger Lumbala, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité, conteste toute responsabilité et, plus encore, le droit pour un tribunal français de statuer sur des crimes commis en Afrique.

La question explosive de la compétence universelle

Le procès de M. Lumbala est historique, car il est le premier à se pencher sur des crimes en RDC en vertu du principe de compétence universelle. Ce mécanisme permet à la justice française de juger des crimes graves (crimes contre l’humanité, génocide) commis à l’étranger, à condition notamment que l’auteur présumé réside en France, ce qui est le cas de Lumbala depuis son retour d’exil en 2012.

L’ex-rebelle, qui fut ministre et député congolais, a dénoncé un procès qu’il a qualifié de « braquage judiciaire », mettant en cause la composition de la cour, où tous les jurés et magistrats sont blancs, face à un « Africain dans le box ». Le président de la cour, Marc Sommerer, a beau l’avoir assuré de « l’indépendance » et de « l’impartialité » de la justice, l’accusé a maintenu son refus d’y assister.

Les victimes en quête de vérité

Comme annoncé, Roger Lumbala était absent du box des accusés dès le deuxième jour d’audience, jeudi 13 novembre. Ses avocats, récusés dès la première audience, n’étaient pas non plus présents, malgré la désignation d’un commis d’office. L’absence de l’accusé, qui est resté dans une cellule du palais de justice, a forcé le président de la cour à réorganiser le calendrier.

Pour les avocats des parties civiles, le boycott de M. Lumbala est un « acte de lâcheté » qui ne vise qu’à « fuir la justice ». Ils rappellent que ce procès représente le « seul espoir de justice » pour les victimes, notamment les femmes nande et pygmées bambuti, ciblées par des exécutions, des tortures et des viols « utilisés comme armes de guerre » lors de l’offensive baptisée « Effacer le tableau ».

Malgré la contestation de l’accusé, le procès se poursuit. La matinée du jeudi a été consacrée au témoignage d’une spécialiste des violences sexuelles, qui a décrit le lourd tribut payé par les civils, et en particulier les femmes, en Ituri au début des années 2000. Le verdict est attendu le 19 décembre.

Maceo Ouitona
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Maceo Ouitona est journaliste et chargé de communication, passionné des enjeux politiques, économiques et culturels en Afrique. Il propose sur Afrik des analyses pointues et des articles approfondis mêlant rigueur journalistique et expertise digitale
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