
Pretoria surprend en révoquant l’exemption de visa pour les Palestiniens, après la découverte d’un réseau suspect lié à des vols charters en provenance de Gaza. Une décision stratégique qui s’inscrit dans la lutte contre l’exploitation et le déplacement forcé.
L’Afrique du Sud, connue pour son soutien indéfectible à la cause palestinienne, vient de prendre une décision surprenante mais stratégique : la révocation de l’exemption de visa de 90 jours accordée aux détenteurs de passeport palestiniens. Cette mesure, annoncée dimanche par Pretoria, fait suite à une enquête retentissante qui a mis en lumière un possible détournement de cette facilité administrative à des fins inavouées.
Un vol mystérieux en cause
Le cœur du problème réside dans l’arrivée en novembre d’un vol charter au pays de Nelson Mandela, transportant 153 Palestiniens de Gaza, via le Kenya. Selon les autorités, nombre de ces passagers ne disposaient pas de documents en règle, ce qui a immédiatement soulevé de sérieux doutes.
L’affaire a pris une tout autre dimension lorsque l’enquête des services de sécurité a conclu à un « abus délibéré et continu » du régime d’exemption. Le ministre sud-africain de l’Intérieur, Leon Schreiber, a révélé que les vols n’étaient pas organisés par les voyageurs eux-mêmes, mais par des intermédiaires. Ces derniers seraient liés à des initiatives que Pretoria soupçonne d’être orchestrées par des acteurs israéliens en vue d’une « migration volontaire » des habitants de Gaza, une initiative à laquelle l’Afrique du Sud refuse catégoriquement de s’associer.
Un possible rôle d’acteurs extérieurs
L’atterrissage du vol charter à Johannesburg, où les passagers ont été retenus plusieurs heures avant d’être autorisés à entrer, a provoqué une vive polémique. Les investigations ont pointé du doigt l’organisation Al-Majd, en lien avec l’Israélo-estonien Tomer Yanar Lind, comme étant à l’origine du transfert. Les voyageurs auraient transité par Rafah, l’aéroport Ramon, pour ensuite prendre la compagnie Flyyo via le Kenya. Des sommes allant jusqu’à 2 000 dollars auraient été déboursées par de nombreux passagers.
Selon les enquêteurs, les organisateurs étaient prêts à « abandonner » les Palestiniens à leur arrivée à Johannesburg, ce qui confirme l’hypothèse d’une exploitation de la détresse des habitants de Gaza.
Prévenir l’exploitation et le déplacement forcé
Pour le gouvernement sud-africain, la révocation de l’exemption est « la manière la plus efficace d’empêcher la répétition de tels vols ». Le ministre Schreiber a été clair, affirmant que l’Afrique du Sud « ne sera complice d’aucun projet visant à exploiter ou déplacer des Palestiniens de Gaza ».
Cette décision intervient dans un contexte déjà tendu entre Pretoria et Tel-Aviv. L’Afrique du Sud a récemment qualifié l’opération militaire israélienne dans la bande de Gaza de « génocide » et a porté l’affaire devant la Cour internationale de justice (CIJ) de l’Organisation des Nations Unies. La révocation de visa, bien que ciblant une facilité pour les Palestiniens, s’inscrit donc dans une démarche plus large visant à contrer toute initiative perçue comme un déplacement forcé de la population de Gaza. La mesure permettra toutefois aux voyageurs légitimes d’obtenir des visas par les voies normales.




