Afrique du Sud : enquête ouverte après l’arrivée chaotique de 153 réfugiés palestiniens, une ONG soupçonnée de tromperie


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Cyril Ramaphosa, Président sud-africain
Le Président sud-africain, Cyril Ramaphosa

L’arrivée inattendue de 153 réfugiés palestiniens à Johannesburg a provoqué un imbroglio diplomatique et humanitaire en Afrique du Sud. Restées bloquées plus de douze heures dans un avion non signalé, les familles n’ont pu débarquer qu’après l’intervention du président Cyril Ramaphosa. Au cœur du scandale : l’association controversée Al Madj Europe, accusée de tromper les Palestiniens et de profiter de leur détresse. Pretoria a ouvert une enquête pour faire la lumière sur ces vols clandestins.

L’Afrique du Sud tente de démêler les zones d’ombre entourant l’arrivée, jeudi 13 novembre, de 153 réfugiés palestiniens à l’aéroport international de Johannesburg. Restés bloqués plus de 12 heures dans un avion non signalé aux autorités, ces Gazaouis ont finalement été autorisés à entrer sur le territoire après l’intervention du président Cyril Ramaphosa. Au cœur de l’affaire : l’association Al Madj Europe, accusée de pratiques opaques et d’arnaques envers les familles palestiniennes.

Un avion « mystérieux » arrivé sans préavis

Le vol, opérant sous les couleurs de la compagnie sud-africaine Global Airways et provenait de Nairobi, a plongé Pretoria dans l’embarras. Les passagers palestiniens, fuyant la guerre à Gaza, ne possédaient aucun tampon de sortie d’Israël, une condition pourtant essentielle pour qu’ils puissent être admis légalement en Afrique du Sud.

Faute de procédure valide, la police aux frontières a interdit le débarquement et maintenu les 153 réfugiés à bord de l’appareil, dans des conditions sanitaires très difficiles. Des ONG locales ont alerté l’opinion : chaleur étouffante, manque d’eau, absence de nourriture ou de vêtements propres pour les enfants, et surtout 24 heures de voyage sans bagages.

Ramaphosa ordonne le déblocage de la situation

Face à l’indignation croissante, le président Cyril Ramaphosa est intervenu personnellement. « Nous ne pouvons pas renvoyer des gens fuyant une zone ravagée par la guerre. Par compassion, par empathie, nous sommes obligés de les recevoir », a-t-il déclaré vendredi.

Le chef de l’État a également promis une enquête complète sur les circonstances de ce vol non signalé, rappelant que l’Afrique du Sud reste l’un des principaux soutiens diplomatiques de la Palestine, notamment via sa plainte pour génocide déposée contre Israël devant la CIJ.

Al Madj Europe, l’organisation au centre des soupçons

Selon l’ambassade de Palestine à Pretoria, le chaos de ce vol serait dû à une organisation “non enregistrée et trompeuse”, Al Madj Europe, qui aurait fait payer les familles pour organiser leur sortie de Gaza.

Les accusations à l’encontre de cette structure se multiplient :

  • pas d’adresse vérifiée,
  • pas de numéro de téléphone,
  • site créé seulement en 2025,
  • photos des membres générées par IA,
  • bureaux prétendus inexistants en Allemagne et à Jérusalem, selon des vérifications menées par des activistes et des médias.

Pour Naeem Jennah, militant pro-palestinien interrogé par RFI, l’affaire dépasse la simple arnaque : « Cela fait partie d’un projet de nettoyage ethnique. Rien ne prouve que cette organisation existe réellement ou travaille à protéger les Palestiniens. »

Deux associations sud-africaines accusent même Al Madj Europe d’être un “proxy” israélien visant à éloigner les Gazaouis de l’enclave.

Une “arnaque humanitaire” ?

RFI a tenté de contacter l’organisation. La seule réponse reçue est un message WhatsApp automatisé demandant :

  • une copie du passeport,
  • un paiement de 2 700 dollars, en échange d’une promesse de sortie rapide de Gaza.

Une offre jugée totalement suspecte, d’autant plus que la sortie de Gaza nécessite une coordination officielle avec l’armée israélienne.

L’ambassade de Palestine a formellement mis en garde contre Al Madj Europe et appelle tous les Palestiniens à la plus grande vigilance, dénonçant « une exploitation de la détresse humanitaire » et « des familles trompées par une organisation non enregistrée ».

Une deuxième arrivée “inattendue” en trois semaines

Ce vol n’est pas un cas isolé. Pretoria affirme qu’il s’agit du deuxième avion de réfugiés palestiniens arrivé sans autorisation en moins d’un mois.

L’enquête annoncée par le président Ramaphosa devra déterminer comment l’avion a pu franchir le contrôle aérien ; qui a financé ou organisé le vol ; quels liens exacts entretient Al Madj Europe avec des réseaux internationaux et si d’autres vols clandestins sont prévus.

Maceo Ouitona
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Maceo Ouitona est journaliste et chargé de communication, passionné des enjeux politiques, économiques et culturels en Afrique. Il propose sur Afrik des analyses pointues et des articles approfondis mêlant rigueur journalistique et expertise digitale
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