Abdelkarim Zebidi : « L’armée au service du peuple en toutes circonstances »


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M. Abdelkarim Zebidi, a été nommé ministre de la défense le 28 janvier 2011 sous le 2ème gouvernement Ghannouchi. Exalté quand il parle des soldats, ce professeur de médecine, qui avait déjà occupé des postes ministériels dans le domaine de la Santé et de la Recherche sans jamais avoir appartenu au RCD, a accepté ce Ministère avec beaucoup d’ambition et d’espoir alors que l’armée jouit d’un énorme capital sympathie auprès de la population qui la redécouvre après l’avoir longtemps associée à un service militaire obligé. Il a la carrure d’un homme d’état rompu à la communication et compte aujourd’hui exploiter les compétences militaires dans des domaines inattendus qui donneront selon lui de l’impulsion à l’infrastructure et à l’économie. Rencontré le 21 avril 2011 dans son ministère, nous lui avons soumis toutes les interrogations qui circulent en ce moment et il s’est prêté à l’exercice sans crispations.

Afrik.com : Il y aurait eu des affrontements aux frontières tuniso-libyennes. Pouvez nous dire exactement ce qui s’est passé ?

Abdelkarim Zebidi : Il y a eu des combats pas loin des frontières tunisiennes et nous avons eu quelques Libyens qui sont venus se réfugier du coté tunisien. Des roquettes sont également tombées à quelques centaines de mètres du territoire tunisien.

Afrik.com : Y a t-il eu des morts ?

Abdelkarim Zebidi : Non, il n’y a eu aucun dégât, ni humain ni matériel. Les roquettes sont tombée à peu près à 300 mètres des postes frontaliers. Ce n’était pas une attaque dirigée contre le sol tunisien mais des soldats libyens qui se poursuivaient à coté de nos frontières.

Afrik.com : Estimez-vous que le conflit libyen représente un danger pour la Tunisie aujourd’hui ?

Abdelkarim Zebidi : Cela ne représente pas un danger mais c’est un problème supplémentaire qui vient se greffer à ceux qu’affrontent déjà la Tunisie. Nous avons un problème de sécurité interne et nos soldats travaillent pour le maintien de l’ordre aux cotés de la police et de la gendarmerie. Ils doivent en plus gérer la situation aux frontières et les nombreux réfugiés, plus de 250 000 dont 90 000 sont des libyens. Il s’agissait au départ d’une zone de transit, mais on s’est rendu compte assez vite que de plus en plus de gens restaient sur place, soit parce qu’ils ne pouvaient pas être rapatriés dans leurs pays, soit parce qu’ils n’ont pas de gouvernement ou sont eux mêmes en guerre, comme les somaliens et érythréens. Je voulais à cette occasion saluer tous les acteurs présent sur place comme les organismes internationaux, les nombreux pays frères et amis qui ont aidé avec leurs contributions comme le Maroc, le Qatar, les Emirats Arabes Unis, hommage également aux citoyens tunisiens qui se sont mobilisés et donné le peu qu’ils avaient allant jusqu’à héberger des familles entières. Ce qui se passe en Libye nous préoccupe, car c’est un problème supplémentaire à gérer, il y aussi la question de l’immigration clandestine à partir des cotes tunisiennes que avons pratiquement maitrisé.

Afrik.Com : Est ce que vos effectifs sont suffisants pour toutes les actions que vous citez ?

Abdelkarim Zebidi : Si l’armée continue à remplir son rôle depuis au moins 3 mois, cela veut dire que c’est suffisant. Mais nous aurions eu plus de monde, la tache aurait été en effet plus facile.

Afrik.com : Vous avez réintégré des retraités dans l’armée ?

Abdelkarim Zebidi : Oui des retraités des dernières classes des dernières années, mais ce n’était pas du tout dans le cadre d’un appui pour les effectifs en place sur le terrain, mais surtout pour remplacer les élèves officiers.

Afrik.com : Votre ministère vient de publier un communiqué précisant qu’il n’y a pas eu de tirs de l’armée avant le 14 janvier 2011, pourquoi ce communiqué aujourd’hui ?

Abdelkarim Zebidi : L’armée tunisienne a contribué au maintien de l’ordre aux cotés de la gendarmerie et la police et elle n’a jamais été appelée à utiliser les armes avant le 14 janvier. Elle a été impliquée après cette date et progressivement puisqu’elle a été amenée à gérer seule le pays pendant quelques jours, puis elle a collaboré avec les forces de l’ordre pour maintenir la paix et, en particulier, elle a utilisé ses armes uniquement quand il s’agissait d’infraction au couvre feu et selon des procédures très strictes.

Afrik.com : A quoi réagissez vous en publiant ce communique aujourd’hui ?
_ Abdelkarim Zebidi :
C’est en réaction au communiqué de la commission nationale qui a été chargée de statuer sur les actes commis durant la révolution, et qui malheureusement ont été a l’origine du décès de plusieurs dizaines de tunisiens. Le président de la commission a mentionné au cours de son allocution qu’il y aurait eu quelques bavures commises par l’armée tunisienne au cours de la révolution.

Afrik.com : Vous a-t-on spécifié la nature de ces bavures ?

Abdelkarim Zebidi : Non c’était une déclaration générale mentionnant les parties qui auraient été impliquées dans ces délits, sans plus de précisions.

Afrik.com : Cette commission vous a –t-elle transmis des dossiers dans ce sens ?

Abdelkarim Zebidi : Non, c’était juste un communiqué transmis aux médias sur une chaine de télévision. Par conséquent nous avons réagi en assurant que l’armée tunisienne n’a tiré aucune balle sur les manifestants. Donc, je le répète, l’armée n’a jamais été impliquée dans les tirs contre les manifestants. A partir du 15 janvier nous étions chargés de maintenir le respect du couvre feu et s’il y a eu des balles tirées c’était uniquement contre ceux qui refusaient de ce soumettre aux ordres durant le couvre feu.

Afrik.com : Après le 14 janvier 2011, des bavures, des incidents, des imprudences ont été commis par des soldats ?

Abdelkarim Zebidi : On ne peut clairement pas parler de bavures. Si l’armée a intervenu c’était dans le cadre des missions qui lui ont été confiées. Mais si durant le couvre feu un véhicule ne se soumet pas à l’ordre de s’arrêter et fonce sur les voitures de l’armée, de la police ou sur les militaires, ceux ci sont amenés à réagir après plusieurs sommations.

Afrik.com : Avez vous été saisi de dossiers de personnes qui se plaignent de comportements ou d’incidents avec l’armée ?

Abdelkarim Zebidi : Il y a eu quelques dossiers et toute la lumière sera faite sur les circonstances exactes des faits avancés par ces gens, et de toute façon tous les dossiers ont été transmis a la justice militaire.

Afrik.com : Il y a donc des enquêtes en cours aujourd’hui ?

Abdelkarim Zebidi : Oui.

Afrik.com : Concernant la collaboration de l’armée avec la police ainsi que la gendarmerie, il y a une certaine concurrence qui se fait ressentir, notamment de la part de la police qui ne jouit pas de la même popularité que l’armée et qui a été désignée dans les événements de violence. Est ce que cela influe sur les patrouilles ?

Abdelkarim Zebidi : Non je ne crois pas qu’il y ait concurrence ou jalousie parmi ces entités. Au contraire, elles collaborent dans le cadre de patrouilles mixtes qui fonctionnent bien. Le maintien de l’ordre et le retour à une situation sécuritaire saine est la priorité de tous. Ce qui est certain, du moins pour l’armée, c’est qu’elle rejoindra ses casernes dès que la sécurité et la tranquillité des citoyens sera rétablie. Les patrouilles mixtes, très performantes, continuent tous les soirs à attraper des individus et des bandes qui tentent de sévir. Et ce, sans aucun incident entre les 3 corps police-gendarmerie-armée, dans une entente complémentaire. La sécurité se consolide de plus en plus et l’armée se retire petit à petit. Là ou il y a avait de gros engins, il y en a maintenant de plus petits et là ou il y avait des petits engins, il n’y en a plus du tout. Les militaires sont de moins en moins visibles dans la rue, par contre, le soir, on intensifie la lutte contre les bandes organisées.

Afrik.com : Mais l’armée a arrêté des policiers impliqués ? Cela a été relayé par les médias et les réseaux sociaux.

Abdelkarim Zebidi : Vous savez le, « infilet » ( inconstance) , n’était pas que sécuritaire, c’était aussi social, économique et médiatique, par conséquent tout a échappé au fonctionnement normal. Ce qui brouille un peu les pistes.

Afrik.com : Leur syndicat parle d’ « incidents » parfois mortels advenus après le 14 janvier durant le couvre feu, entre soldats et forces de l’ordre. Il ya aussi des allégations de brutalités durant certaines gardes à vue.

Abdelkarim Zebidi : Je ne peux pas y croire un seul instant, cela ne fait pas partie ni de la structure mentale ni des traditions de l’armée et il est hors de question que l’on puisse attribuer ce genre d’insinuations, depuis l’indépendance je n’ai jamais entendu pareilles choses.

Afrik.com : Jusque-là vous n’avez pas été saisi de dossier de ce genre ?

Abdelkarim Zebidi : Jamais

Afrik.com : Et si c’était le cas ?

Abdelkarim Zebidi : Si des dossiers existent, ils seront instruits par la justice militaire avec la plus grande attention, la justice civile peut être saisie aussi. Je vous appelle à la plus haute vigilance, il y a beaucoup d’intox et de désinformation. L’armée tunisienne est comme toutes les armées du monde, C’est un corps qui agit mais qui ne s’exprime pas, ou alors pour les mises au point. L’armée a pris en main la sécurité lorsque le Tunisie en avait le plus besoin, puis a continué avec la police et la gendarmerie avec lesquelles elle collabore, je dis bien collabore, car il n’y a pas de concurrence. Maintenant, en effet, le couvre feu a été instauré pour des raisons précises, et les soldats ont veillé à son respect. Les personnes prévenues et bien intentionnés n’avaient rien à faire dans la rue, c’est le principe du couvre feu. Pour le maintien de l’ordre dans les conditions que vous savez, il fallait être exigeant et respecter les consignes. Pendant la période de couvre feu, il y a eu énormément de mains occultes qui ont sévi et on ne pouvait se permettre aucun relâchement d’attention.

Afrik.com : Cette collaboration, si elle ne génère pas de la concurrence, pose cependant beaucoup de questions. Par exemple, le général Rachid Ammar aurait élu domicile au sein du ministère de l’intérieur. Ce ministère est si difficile à maitriser ?

Abdelkarim Zebidi : Il n’a pas élu domicile à ce ministère voyons ! Mais il a été chargé d’une mission de coordination entre le ministère de l’intérieur et celui de la défense.

Afrik.com : Sa proximité avec la police, la nomination de hauts gradés au ministère de l’intérieur et aux gouvernorats, en plus de sa très grande popularité, autant d’éléments qui ne permettent pas de le situer clairement sur l’échiquier…

Abdelkarim Zebidi : La Tunisie, lui doit bien cette popularité, et l’histoire démontrera que le général Ammar a joué un rôle déterminant pour éviter beaucoup de problèmes en Tunisie a l’instar de ce qu’on voit dans d’autres pays. Mais j’en arrive à déduire que vous vous demandez en fait si l’armée a été tentée de vouloir prendre le pouvoir.

Afrik.com : Effectivement.

Abdelkarim Zebidi : Je peux vous répondre d’une façon formelle et certaine que l’armée avait tous les arguments pour prendre le pouvoir, mais qu’elle ne l’a pas fait car l’armée tunisienne est une armée républicaine qui a toujours été garante du principe républicain.

Afrik.com : Sur le refus du général Ammar d’obéir à l’ordre de tirer, pouvez vous nous apporter plus de précisions sur la façon dont cela s’est déroulé ?

Abdelkarim Zebidi : D’après ce que j’ai compris, le général Ammar n’a pas voulu que l’armée soit impliquée dans la répression des manifestants. Nos soldats n’ont pas tiré une seule balle en direction des manifestants ou même de la population et sa décision a été déterminante pour la suite des événements. Par conséquent, le général Ammar s’est comporté comme un citoyen responsable, pour lui il était hors de question de réprimer les jeunes manifestants.

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Afrik.com : Que s’est il passé les 14, 15 et 16 janvier, avant et après la fuite de ben Ali ? Il y a eu les déclarations de monsieur Grira, est ce que vous les confirmez ?

Abdelkarim Zebidi : Non moi je ne confirme rien et je n’infirme rien. La première raison, c’est que moi je ne suis la que depuis le 28 janvier et que j’ai suivi ces événements comme citoyen ordinaire avec beaucoup de préoccupation. Deuxièmement, je ne peux rien dire tant que l’instruction est en cours.

Afrik.com : Justement instruction sur quoi ?

Abdelkarim Zebidi : Sur tout ce qui a entoure le départ précipité de ben Ali, sur l’implication de certaines personnes dans les événements suivant le 14 janvier.

Afrik.com : Une instruction sur les conditions du départ de ben Ali ordonnée par qui ?

Abdelkarim Zebidi : C’est une affaire déclenchée par le ministère de la justice.

Afrik.com: Mais vous devez être dans la confidence…

Abdelkarim Zebidi : Je ne suis pas dans la confidence et je ne crois pas à ce que disent les uns et les autres. Je ne crois qu’aux conclusions de la justice qui a interrogé toutes les personnes impliquées directement et indirectement dans la journée du 14 janvier, du 1er ministre jusqu’au personnel de l’aéroport.

Afrik.com : On ne peut cependant s’empêcher de s’interroger. Ben Ali a quand même quitté le pays malgré l’opposition de l’armée. On a en plus l’impression que l’arrestation des membres de la famille ben Ali–Trabelsi a été orchestrée puisque l’on voit clairement l’équipe de la télévision nationale dans les vidéos, signe que cela a été préparé et qu’on n’a pas été pris de cours comme on semble nous l’annoncer…

Abdelkarim Zebidi : Je vous ai répondu sur ce point précis que je ne pouvais strictement rien vous dire, attendons l’instruction.

Afrik.com : Quand pensez vous que cette instruction se terminera ?

Abdelkarim Zebidi : je ne suis pas juriste, mais à mon arrivée à ce ministère, j’ai demandé à savoir les délais maximum d’investigations, on m’a répondu que dans ce cadre là, ca pouvait aller jusqu’à plus d’une année.

Afrik.com : Vous n’avez pas ordonné d’enquête interne pour éclaircir les choses avec votre administration et vos cadres, notamment ceux qui étaient présents ce jour là ?

Abdelkarim Zebidi : Cela ne nous revient pas, parce que c’est passé dans un cadre civil, donc cela est du ressort du ministère de la justice.

Afrik.com : Vos archives ont elles été exploitées ? Vous pourriez revenir au 14 janvier et aux jours précédents pour reconstituer les événements, au moins, tels que vécus par l’armée..

Abdelkarim Zebidi : Je suis tenu par l’obligation de réserve sur ce point là. C’est un principe sacré chez moi, je ne veux en aucun cas intervenir dans une affaire en instruction.

Afrik.com : Durant les premiers jours du couvre feu, des suspects ont été remis à l’armée ou arrêtés, mais leurs proches sont restés plusieurs jours sans nouvelles. Que sont devenus tous ces détenus ?

Abdelkarim Zebidi : Il me semble que vous ignorez les procédures. Les missions habituelles de l’armée sont des missions connues ; intégrité du territoire, souveraineté du pays, il y a aussi le développement durable, la formation professionnelle etc. De temps en temps, l’armée intervient en circonstances extraordinaires, en contribuant et j’insiste sur ce point, au maintien de l’ordre aux coté des forces de l’ordre. C’est là ou réside l’importance du couvre feu pour différencier les pilleurs et les groupes mal intentionnés qui sortaient alors que la population se terrait chez elle. Quand ils sont arrêtés, ils sont confiés à la police judiciaire dans le cadre de la garde à vue, puis c’est à la justice d’intervenir.

Afrik.com : Il n’y a donc jamais eu de détenus en garde à vue dans les casernes ?

Abdelkarim Zebidi : Si, plus rarement on a eu des détentions provisoires mais c’était lié à des situations d’exception, comme par exemple les postes de police incendiés, ce qui a rendu impossible d’y maintenir des suspects. On a donc été obligés de les garder là ou on pouvait les garder, entre autres dans les casernes. Mais c’était toujours sous la responsabilité de la police judiciaire qui travaille en étroite collaboration avec la justice. Par conséquent, il n’appartient pas à l’armée de libérer des suspects ou de conduire l’instruction

Afrik.com : Qu’en est-il des snipers ? les versions divergent et on met aujourd’hui leur existence en doute.

Abdelkarim Zebidi : J’ai toujours posé la question et il m’a été répondu que personne n’a été arrêté dans ce cadre.

Afrik.com : Qui a tiré alors ? Qui pouvait être ainsi armé et entrainé ? Le peuple tunisien n’est pas armé et les 2 instances en possession d’armes sont l’intérieur et la défense.

Abdelkarim Zebidi : Je n’ai pas la réponse, il pourrait s’agir de fusils de chasse, ou encore d’armes provenant d’un trafic et si la réponse avait été évidente il n’y aurait pas 3 commissions pour enquêter en plus de la justice. Tout ce que je sais c’est que malheureusement, il y a eu plusieurs personnes tuées et c’est un fait. Autour de 300 dont 60 dans les prisons, et pour tous ceux là, toute la lumière doit être faite sur ces événements. En tant que médecin, je suis horrifié et désolé pour ce qui s’est passé surtout quand il s’agit d’un jeune de 18 ans. Je suis solidaire des victimes, j’ai perdu un fils avant la révolution et je connais la douleur qui s’en suit. Je souhaite profondément que les enquêtes aboutissent et vite.

Afrik.com : Dans certains incidents déplorés entre les manifestants et la police après le 14 janvier, notamment à la kasbah et devant le ministère de l’intérieur, on notait le retrait de l’armée juste avant l’intervention de la police..

Abdelkarim Zebidi : Les manifestants en effet étaient plus ou moins sécurisés en voyant l’armée. Comme il avait été décidé d’évacuer, les soldats on retiré leurs engins pour les attirer vers la place de la municipalité.

Afrik.com : Cela a amené les manifestants face aux forces de l’ordre et aux infiltrés !

Abdelkarim Zebidi : Non, l’armée n’a fait que déplacer les engins, mais les soldats n’avaient pas disparu.

Afrik.com : Et pour l’attaque du ministère de l’intérieur, comment cela a-t-il pu se faire alors qu’il était sécurisé par les soldats de tous cotés.

Abdelkarim Zebidi : Ce qui a le plus nuit aux manifestations pacifiques, ce sont ces infiltrations qui sont venues rendre les événements extrêmement violents. On ne peut pas dire que l’armée s’est retirée, mais que devait elle faire devant cette violence ? Les soldats ont essayé de limiter les dégâts en évitant le recours à la force, comment devait-on réagir sinon ? En leur tirant dessus par exemple ? Les consignes données à nos soldats sont très claires ; en cas extrême faire une sommation, tirer en l’air, mais ne pas prendre les manifestants pour cible.

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Afrik.com : L’armée jouit d’une très grande popularité aujourd’hui contrairement à une certaine incompréhension par le passé liée à l’obligation du service militaire. Qu’en sera t-il de ce service ?

Abdelkarim Zebidi : La démocratie voudrait que le service national soit un service sacré. Il n’était pas effectué par tout le monde à cause de dispositions exploitées à tort et à travers, et aussi disons le, à cause de passe droits, de dispenses et de petites combines. Cela est terminé, nous sommes en passe de rétablir la situation pour que tous les gens soient traités sur un pied d’égalité par rapport à ce service national sacré, et on l’a vu, nécessaire. Dorénavant, tous les tunisiens en âge et en condition devront l’accomplir.

Afrik.com : Ce sera rétroactif ? Pour ceux qui ne l’ont pas accompli ?

Abdelkarim Zebidi : A priori non.

Afrik.com : Et nos jeunes travaillant et établis à l’étranger, va-t-on les obliger à quitter leur situation dans leur pays d’accueil quand ils reviendront passer des vacances ?

Abdelkarim Zebidi : Ils sont tunisiens et c’est aussi leur devoir. Maintenant, on trouvera une formule car le but n’est pas de leur faire perdre leur travail. Mais en général, ce service devra être accompli sans passe droits.

Afrik.com : Que pouvez vous nous dire sur la police militaire. Est ce vraiment un organe qui contrôle les militaires et leur moralité, est ce que ca ressemble à la police politique au ministère de l’intérieur ?

Abdelkarim Zebidi : La police militaire a toujours existé dans toutes les instances militaires. Elle sert à encadrer et à prévenir, mais vous n’y trouverez jamais des rapports privés personnels, jamais d’intrusion dans la vie privée. Attentions aux amalgames et confusions à ce niveau là.

Afrik.com : Dans un tout autre registre, le ministère de la défense a-t-i été impliqué dans la fermeture momentanée de Hannibal TV ?

Abdelkarim Zebidi : Là je ne peux pas vous répondre puisque ce jour là j’étais encore un citoyen ordinaire qui suivait ces événements par les médias comme vous. J’ai constaté comme tout le monde que la chaine avait disparu pendant 2 heures.

Afrik.com : Et maintenant que vous n’êtes plus un citoyen ordinaire, qu’avez-vous comme informations ?

Abdelkarim Zebidi : Aucune information supplémentaire.

Afrik.com : L’armée jouit d’un grand capital sympathie, comment allez vous mettre a profit cette popularité ?

Abdelkarim Zebidi : Notre déploiement est limité dans le temps et dans l’espace, qui consiste a contribuer a la mise en place d’un système sécurisé avec les partenaires traditionnels a savoir la police et la gendarmerie, et après les militaires vont rejoindre leurs casernes puis se consacrer à d’autres missions.

Afrik.com : Donc après leur retrait total quelle sera leur mission.

Abdelkarim Zebidi : La sauvegarde de la souveraineté de l’état. Vous savez que nous avons 1200 km de cotes terrestres et autant de cotes maritimes, que nous devons protéger 24 h sur 24h, tous les jours. Et puis, des missions humanitaires dont la collaboration avec l’ONU dans le maintien de la paix dans certains pays, et la contribution à des secours lors des catastrophes naturelles. Il y a également cette mission de développement durable.

Afrik.com : Le développement durable ?

Abdelkarim Zebidi : L’armée a contribué a la mise en place d’une infrastructure de base dans plusieurs régions défavorisées, par exemple en construisant des écoles ou des routes.

Afrik.com : Pourquoi ne pas engager des professionnels et par la même endiguer le chômage ?

Abdelkarim Zebidi : Parce qu’il n’y a pas beaucoup de privés qui acceptent ce genre de travaux. Je vais vous donner un exemple. J’étais a l’époque président d’universités du centre, il fallait développer la région par la première faculté a Gafsa. Il y a eu un appel d’offres et le promoteur choisi n’a pas termine les travaux. Devant cette défaillance, c’est l’armée qui a terminé les travaux et a de ce fait sauvé l’année universitaire. Je vais citer aussi le projet de Borj Matoug au Sud, cela consiste en la valorisation de 2 500ha de désert en palmeraies, l’armée l’a pris en charge. Il a fallu puiser de l’eau souterraine très profonde, finalement au bout de 5 ans on a réussi le pari. Cela a permis a plusieurs familles de travailler et de vivre. Nous allons donc faire appel à l’armée pour impulser des projets de développement dans des régions telles que Siliana, Kasserine, Thala, Sidi Bouzid entre autres. Une autre priorité du ministère de la défense c’est la formation professionnelle.

Afrik.com ; C’est à dire ?

Abdelkarim Zebidi : Mettre des centres de formation professionnelle propres a l’armée au profit des jeunes avec au bout, des qualifications diplomantes (mécanique, électronique etc..). Cela présente de nombreux avantages ; 1/ces jeunes en formation auront accompli leur service militaire, 2/ l’indemnité de 200 dinars qu’ils percevront durant la formation pourra les aider pour s’insérer dans la vie.

Afrik.com : Quels sont les critères de sélection?

Abdelkarim Zebidi : Les critères ce sera l’aptitude au service militaire, puis en fonction de leur domaine de compétence. Par exemple, la gestion, les sciences économiques nous en auront grand besoin, d’une part afin de répondre aux besoins du ministère de la défense pour encadrer la direction des affaires administratives et financières DAF, et d’autre part pour les mettre au service des communes locales et régionales ; les délégations, les mairies dont les plus petites qui souffrent d’un manque chronique de personnel qualifié. Ces communes n’ont pas les moyens de s’offrir les services de gestionnaires de niveau bac +4 et plus. Il y va de même pour les architectes en ce qui concerne l’urbanisme.

Afrik.com : Donc c’est votre ministère qui paye ces renforts humains qualifiés dans les communes ?

Abdelkarim Zebidi : Oui, en effet, et je suis certain qu’au bout de la période de 10 mois, une bonne partie d’entre eux sera retenue sur place, le bonus c’est qu’ils auront déjà accompli leur devoir national.

Afrik.com : Quand ce programme va t-il commencer ?

Abdelkarim Zebidi : Normalement au début du mois de mai. Ce n’est pas encore annoncé parce que nous sommes tributaires du décret. Le ministère de la défense sera partie prenante au programme national AMAL

Afrik.com : Existe-t-il sur le sol tunisien des bases étrangères ?

Abdelkarim Zebidi : Aucune. Sur aucun centimètre carré du sol tunisien.

Afrik.com : Y a t il une réouverture d’enquête pour le décès tragique des 13 généraux qui ont péri dans l’accident d’hélicoptère ?

Abdelkarim Zebidi : Il s’agissait de 13 militaires hauts gradés dont un général, paix à leur âme. L’enquête a déjà été faite et il y a eu aussi une enquête des américains.

Afrik.com : Selon vous, cette enquête a-t-elle donné satisfaction ?

Abdelkarim Zebidi : Oui, après le 14 janvier, la fille d’un défunt m’a écrit et je lui ai pris rendez vous avec le service concerné. elle a pu consulter sans aucune réserve tout le dossier. Ici, je veille à la transparence le plus totale. C’est sur cette base que nous avons répondu favorablement aux attentes de certains militaires qui avaient été éclaboussés en 91 et que nous continuons à travailler en toute transparence sur leurs dossiers. Certains d’entre eux sont détenteurs de jugements du tribunal administratif condamnant le ministère de la défense à payer des indemnités et compensations. Jugements jamais appliqués. En ce qui me concerne, un état qui ne respecte pas sa propre justice, n’est pas un état, et donc, je leur ai promis que tous les jugements définitifs seront scrupuleusement respectés.

Afrik.com : En quoi consistent les principales demandes des militaires qui vous saisissent en ce moment ?

Abdelkarim Zebidi : Bénéficier à nouveau de la mutuelle de l’armée, se faire réhabiliter, retrouver le bénéfice de toutes les cotisations versées, bénéficier d’une aide sociale… Pour les militaires qui seront réhabilités, nous les inviterons aux commémorations, et nous sommes prêts a faire des gestes forts, je suis très sensible à ce genre de questions.

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