2019 : l’année qui a consacré l’essor de la mode en Afrique


Lecture 5 min.
mode africaine

2019 a été une année riche en couleur pour la mode africaine qui a connu une belle envolée. Entre les Africains de la diaspora affichés par les grands médias, les créateurs de mode primés, des marques approuvées par les critiques de mode et des Fashions Weeks auparavant périphériques, l’Afrique est passée de son statut de source d’inspiration pour entrer royalement dans l’industrie mondiale de la mode dans laquelle elle tend à devenir un acteur de taille.

L’annonce de l’inscription de la maison Imane Ayissi sur la liste des acteurs de mode invités à la Chambre Syndicale de la Haute Couture, fin décembre, avait été en quelque sorte, un moyen de couronner une année riche en couleur au cours de laquelle l’Afrique a été plus que jamais en vogue dans l’industrie de la mode. Amoureux des tissus d’origine africaine, le créateur de nationalité camerounaise Imane Ayissi a élu domicile en France depuis les années 1990. Le 23 janvier 2020, il aura l’occasion de présenter ses œuvres à côté des géants de l’univers de la mode comme Dior, Chanel, Margiela ou encore Givenchy.

Le numérique au profit du succès

Le créateur camerounais n’est pas le seul Africain qui porte haut le flambeau du continent à l’étranger. Pour preuve, Thebe Magugu, un jeune de nationalité sud-africaine qui s’est vu octroyer le prix LVMH. Il faut également citer la collaboration entre la marque sud-africaine Mantsho et le géant suédois de la mode H&M.

Petit à petit, ces acteurs africains de la mode réussissent à intégrer dans leur stratégie les codes des noms influents tout en restant fidèles à leurs origines et à leur identité. En parlant de changement de stratégie, ils ont aussi su tirer profit du numérique, notamment des réseaux sociaux, pour assurer une meilleure visibilité à leurs marques sans pour autant s’appuyer sur les circuits de communication traditionnels.

C’est dans cette vague de succès et de reconnaissance que la créatrice ivoirienne Rokus a vu ses boucles d’oreille fièrement arborées par la star américaine Beyoncé. Pichulik, une créatrice sud-africaine a exposé au Moma de New York. Pour couronner le tout, le prix du Fashion Awards 2019 est revenu à la Sud-Soudanaise Adut Akech.

Le continent africain : plus qu’une simple source d’inspiration

Les exemples cités plus haut sont la preuve qu’aujourd’hui, l’ère des collections « africaines » à l’instar de celle présentée en 1967 par le très célèbre Yves Saint-Laurent, où l’Afrique se voyait réduite au simple rôle d’égérie est vraiment révolue. Ramata Diallo, enseignante et consultante à l’Ecole supérieure des arts et techniques de la mode (ESMOD) explique à ce sujet : « Aujourd’hui, c’est un écosystème entier qui travaille. Des journalistes et photographes africains travaillent pour des magazines célèbres ».

Comme exemple, elle cite particulièrement le photographe nigérian, Stephen Tayo qui a séduit la presse internationale grâce à la vision esthétisante avec laquelle elle présente les rues de la capitale de son pays, Lagos. Pour elle, ces artistes africains tirent leur inspiration, non seulement des traditions séculaires, mais aussi du monde actuel. Et c’est justement ce mélange qui offre de nouvelles perspectives à la mode et justifie la renommée croissante dont jouissent les acteurs du continent.

C’est cette originalité qui suscite l’intérêt de plus en plus de consommateurs avisés et même des stars mondiales. En mai dernier, Alicia Keys et Naomi Campbell avaient partagé, sur les médias sociaux, des vidéos et photos sur lesquelles elles étaient revêtues des pièces du Tongoro, la marque de la jeune sénégalaise Sarah Diouf, qui s’inspire à la fois de la culture sénégalo-congolaise de son père et de la culture centrafricaine de sa mère.

La mode, agent du Soft Power africain

C’est une évidence, les pièces des créateurs et marques africaines s’exportent de plus en plus, mais les pays africains ont surtout compris que la mode n’est pas seulement synonyme de paillettes et de podium. C’est également un puissant vecteur de soft power et de développement économique considérable. Plusieurs facteurs favorisent cet état de choses.

Pour Mme Diallo, c’est une conjonction de choses. Elle évoque notamment la montée en puissance d’une diaspora africaine forte et fière de ses origines africaines et le boom économique de certains pays dont le Rwanda, le Sénégal et Nigeria.

Cela justifie tout l’engouement autour des événements comme les Semaines Africaines de la Mode. Si de façon classique, le monde de la mode s’intéressait exclusivement aux villes telles Londres, New York, Paris et Milan, Lagos entre aujourd’hui dans la danse. En comptant sur la clientèle locale, panafricaine mais aussi internationale, l’évènement de mode organisé par le Nigeria attire un nombre toujours grandissant d’acheteurs, de journalistes et d’acteurs de l’industrie à la quête de nouveaux talents.

A l’image des Belges et des Japonais dans les années 1980, les créateurs de mode du continent vivent aujourd’hui leur moment… en espérant vivement que cela ne soit pas juste éphémère.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News