L’écrivaine Evelyne Mankou brise le tabou du viol


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L’écrivaine Eveline Mankou est originaire du Congo-Brazzaville. Arrivée en France en 1999, elle partage sa vie entre Nice et Londres. Mode, ressources humaines, elle travaille dans divers secteurs et écrit en parallèle. Son nouveau livre, Instinct de survie, paru chez les éditions Jets d’encre, s’intéresse au viol et à l’albinisme, deux sujets tabous en Afrique.

Afrik.com : Instinct de survie est une nouvelle de 114 pages, en un mot de quoi parle-t-elle ?

Evelyne Mankou : L’histoire se passe dans un village africain. Une jeune fille de 13 ans, très belle, va se faire violer par son cousin et va accoucher d’un enfant albinos. C’est de la fiction, mais l’idée était d’aborder deux thématiques particulières : le viol et l’albinisme.

Afrik.com : pourquoi avez-vous choisi ces thématiques ?

Evelyne Mankou : Elles sont taboues en Afrique. Les albinos sont craints là-bas, en raison de la dépigmentation de leur peau. Les gens en ont peur, on les diabolise. Pour ce qui est des viols, le statut des personnes violées est différent de celui qu’elles ont en France, par exemple, où elles sont considérées comme victimes. En Afrique, les filles qui ont été violées ont peur de parler, peur d’être jugées et peuvent se sentir coupables. Je voulais mettre en lumière ces aspects-là.

Afrik.com : Quelles ont été vos sources d’inspiration pour écrire cette nouvelle ?

Evelyne Mankou : Je me suis inspirée de mes souvenirs, du contexte dans lequel j’ai grandi. Par exemple, je me souviens, enfant, que lorsque les gens voyaient un albinos, ils procédaient à des rites – ils faisaient un geste, crachaient- pour se défendre d’un éventuel mauvais sort. Je l’ai moi-même fait. De la même façon, je parle dans ma nouvelle d’un personnage, une sorte de diable, un être surnaturel qui kidnappe les enfants. Ce personnage, on nous en parlait pendant notre enfance, pour nous dissuader de sortir seuls. Et pour ce qui est des viols, je me suis un peu documentée, j’ai lu des articles, des études sur Internet.

Afrik.com : Est-ce que ce quatrième ouvrage a un quelconque lien avec vos précédents écrits ?

Evelyne Mankou : Certaines thématiques se retrouvent, oui. Comme par exemple, l’idée que les pays africains sont mal gérés. Il y est aussi question de problèmes récurrents du continent africain, comme la misère et la pauvreté. Cela dit, les deux premiers ouvrages, Patience d’une femme et Misère humaine se ressemblent particulièrement : ils parlent tous deux de l’immigration en Europe, du choc des cultures. Il y a aussi un côté autobiographique. Les deux autres, Dialoque imaginaire et imagé entre la mère et le fœtus , et donc le dernier, Instinct de survie, sont différents.

Afrik.com : comment êtes-vous venue à l’écriture et pourquoi écrivez-vous ?

Evelyne Mankou : J’avais 14-15 ans et je tenais ce qu’on appelle en Afrique un « cahier d’amitié », un « journal intime » comme on dit en France. Je racontais des histoires, mais le déclic s’est vraiment fait en 2005, lorsque j’ai publié ma première nouvelle. Pour moi, l’écriture est une forme de thérapie, ce que je ne peux pas dire au quotidien, je l’écris. Cela me fait du bien. Et puis cela me permet aussi de mettre en lumière certaines choses. Mes écrits ne sont pas politiques mais par exemple, pour ce qui est de l’albinisme, de ce phénomène de dépigmentation de la peau, cela me permet d’en dire quelques mots à mes compatriotes africains.

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