Tous complices du génocide rwandais


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La France, l’Onu et les Etats-Unis pouvaient permettre d’éviter le génocide rwandais ou tout au moins, l’arrêter à ses débuts. Ils n’ont rien fait, préférant se détourner du massacre, laissant ainsi l’ethnie tutsie à un sort cruel. Ainsi, ils ont indirectement cautionné l’hécatombe.

L’actuel Secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan alors responsable des opérations de maintien de la paix des Nations unies, reconnaissait récemment, sa responsabilité dans le génocide rwandais (avril-juin 1994). Mais, la France et les Etats-Unis n’ont pas encore eu, officiellement, la même démarche. Et pourtant.

Le cas de la France

Entre 1991 et 1993, il y avait déjà eu des prémisses aux événements de 1994. Comme par exemple, des cases de Tutsis brûlées ou encore l’existence d’escadrons de la mort hutus. Georges Martres, ambassadeur de la France au Rwanda (1989-1993) qui était au courant, mais ne s’est pas réellement battu pour que l’Elysée prenne des sanctions contre le régime du Président Juvénal Habyarimana. Quelques années plus tard, le rapport d’Eric Gillet (coprésident de la commission sur le respect des droits de l’homme au Rwanda depuis 1990), dénonce, quant à lui, les dérives de ces actes barbares et rappelle que les autorités publiques françaises n’ont pas « prévenu ce génocide au moment où c’était encore possible ».

Ces actes dont sont victimes les Tutsis a conduit nombre des leurs à aller s’installer en Ouganda, depuis 1973, année de l’arrivée au pouvoir du Président hutu Juvénal Habyarimana. Les attaques du FPR (Front Patriotique rwandais), à majorité tutsie, contre le FAR (Forces Armées rwandaises), plutôt Hutu, du Président Habyarimana, plongent le pays dans une grande crise. Crise que les Accords de paix d’Arusha étaient censés régler en 1993, en instaurant une meilleure parité ethnique dans le gouvernement et l’armée.

Opération Amaryllis

Début avril 1993, Edouard Balladur, avec son gouvernement de cohabitation, profite de la situation pour sortir du « guêpier » rwandais. Pendant ce temps, Juvénal Habyarimana ne veut pas appliquer les clauses du traité signé tanzanien. Le retrait de Balladur se traduit sur le terrain par l’opération « Amaryllis » (9-14 avril 1994) : ou le départ des militaires français. Soit deux jours après le début du génocide, démarré le 7 avril, au lendemain de l’assassinat du Président. Pire, la France fait évacuer son ambassade et son personnel recruté sur place, mais uniquement les Hutus. Les Tutsis seront laissés à leur sort face aux génocidaires. Pourtant, le 11 avril, une note provenant de Paris demandait l’évacuation de tout le monde, sans exception.

Quelques jours plus tard, quand Jean-Hervé Bradol, responsable de Médecins Sans Frontières à Kigali raconte à Paris ce qui se passe, l’Elysée le convoque et lui demande de modérer ses propos qui condamnent la France. Quatre ans plus tard, en 1998, une enquête de parlementaires de neuf mois conduit à la responsabilité de la France. Sans que Paris ne se décide pour autant à faire son mea culpa.

Inertie de l’Onu

Les Nations unies n’ont rien fait, elles ont laissé les atrocités se dérouler au pays des mille collines. René Dégni Ségui, Professeur et ancien rapporteur spécial pour le Rwanda, le révèle. Dans son premier rapport qui date du 28 juin 1994, alors sur le terrain au moment des faits, il souligne l’inertie des Nations Unies qui pourtant, étaient « alertées et amplement informées de ce génocide », lors de sa préparation.

Le 15 avril, une semaine après le début du génocide, le Conseil de sécurité de l’Onu prend la décision de réduire son contingent à 500 hommes. Pendant les 100 jours sanglants qui ont causé la mort de 800 000 Tutsis et Hutus modérés, le Conseil de sécurité n’est même jamais intervenu pour renforcer la présence des Casques bleus dans le pays pour essayer de mettre un terme aux exactions. Pire encore, au plus fort des massacres, il a refusé d’autoriser l’envoi de nouvelles troupes pour arrêter ce crime de guerre.

Le porte-parole de l’Onu, Fred Eckhard, a fini récemment par admettre, qu’une boîte noire (celle de l’avion du Président Habyarimana abattu le 6 avril 1994) avait été retrouvée dans un bureau de l’ONU, après qu’un rapport de la division nationale antiterroriste française (DNAT) a révélé l’information.

Les Etats-Unis n’ont rien voulu voir.

Déjà, un rapport sur le génocide publié en 1999, mettait en cause les Etats-Unis pour leur inaction entre avril et juin 1994. Mais ce sont seize documents déclassifiés, deux ans plus tard, en 2001, provenant de la CIA et livrés sur Internet qui révèlent que Washington était au courant de tout ce qui se tramait.

Dans le premier, surnommé le « fax du génocide », le Général Dallaire (l’ancien commandant des Casques bleus à Kigali), signale à l’Onu, les camps d’entraînement hutus. Le commandant cite même un ancien chef de sécurité du Président Habyarimana qui vante le mérite de ses hommes pouvant tuer « 1 000 Tutsis en 20 minutes ». Dans ces documents classés « top secret » qui couvrent un mois et demi de ce massacre, et disponibles en ligne, on apprend aussi que Prudence Bushnell, une officielle américaine aux Affaires africaines a appelé le colonel rwandais Theoneste Bagosora, ordonnateur présumé du génocide, pour lui demander « d’arrêter le massacre ». Les Etats-Unis ne s’aventureront pas plus que ça dans le conflit.

Un autre document, apprend-t-on sur le site évoque la polémique qui agite les états-majors américains à cette époque : « Faut-il ou non utiliser le mot de ‘génocide’ pour qualifier ce qui se passe au Rwanda ? » Tout en sachant que l’utilisation de ce terme risquait d’engager juridiquement une intervention onusienne et américaine. Fallait-il ou non, lancer l’opération « Commando Solo », qui consistait à brouiller les ondes des radios qui appellaient au massacre. Finalement, les Etats-Unis décident de ne rien brouiller du tout. Ce qui a permis à la tristement célèbre radio Mille colline de poursuivre ses appels à la haine.

De part leur inaction, la France, l’Onu et les Etats-Unis sont tout aussi responsables de ces 800 000 morts que leurs propres bourreaux.

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