Mohammed Dib ou l’art des bonnes questions


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Dans son dernier livre,  » Comme un bruit d’abeilles « , l’écrivain algérien Mohamed Dib poursuit sa quête de l’autre et entraîne le lecteur dans un recueil de textes divers, nouvelles et contes mêlés.

de notre partenaire El Watan :

Depuis bientôt cinquante ans, Mohammed Dib pose un regard attentif et généreux sur le monde et ce qui l’entoure. Certes l’Algérie, sa terre natale, demeure au coeur de ses préoccupations mais il ne cesse d’emprunter des chemins de traverse afin de conduire sa réflexion sur la nature humaine en ce qu’elle a de plus universel.

Depuis la trilogie pionnière ( » La Grande maison « ,  » Le Métier à tisser « ,  » L’Incendie « ), jusqu’à  » L’Arbre à dires  » en 1998, en passant par les étapes scandinaves ( » Les Terrasses d’Orso « ,  » Le Sommeil d’Eve « ,  » Neige de marbre « ) et en ne cessant de ponctuer l’oeuvre de jalons poétiques, l’écrivain algérien a bâti une oeuvre majeure, tout à la fois exigeante et accessible. Il publie un nouveau livre,  » Comme un bruit d’abeilles  » (Albin Michel), recueil composite de textes divers, nouvelles et contes mêlés, tous liés les uns aux autres par un récit, lui-même scindé en quatre parties, intitulé  » Le Sourire de l’icône « .

Situations foisonnantes

Si le mot « roman » figure bien sur la couverture de ce dernier livre de Mohammed Dib, le contenu ne paraît pas en immédiate adéquation avec l’idée attendue que l’on se fait de ce genre littéraire. Avec  » Comme un bruit d’abeilles « , l’écrivain algérien nous emporte, en effet, en des lieux et des situations divers, dans un entrelacs complexe, foisonnant et multiple. Ainsi, lorsqu’il nous conte la disparition d’un journaliste, parti pour Prague et emporté dans une étrange histoire de clonage humain… on croirait lire une nouvelle de Kafka à l’heure des manipulations génétiques.

Ailleurs, Dib établit dans Tlemcen une confrontation des générations, entre deux craintes, entre les regrets et les remords, entre les doutes et les incertitudes. Cette fois, c’est à Diderot que l’on pense, entre fatalité et dialogue… Plus loin, il nous invite à l’étrange confrontation d’un avocat et d’une femme « nue sans un haïk qui la drape », dans la folie de l’attente de son fils tué dans un attentat. Ou bien encore, il nous conte la revanche meurtrière d’une jeune femme violentée qui se venge de son bourreau, assassin et tortionnaire. Ou l’étonnant dialogue d’une bande de gamins, « ninjas d’une banlieue merdique », auteurs d’une razzia dans un supermarché, avec un « prophète-béquillard », devenu pour l’occasion animateur-philosophe social…

Goût des mots rares

Autour de ces rencontres, ancrées dans le tumulte du quotidien, Dib entrelace la destinée de Rassek et Nina, deux êtres perdus dans les bouleversements d’une histoire qui confine au mythe, comme pour mieux prendre distance avec les contingences d’une actualité meurtrie.  » Comme un bruit d’abeilles « , ainsi constitué d’éléments épars, trouve son unité (romanesque ?) dans la même volonté de rétablir l’échange et le dialogue, seules armes pour vaincre l’absurde et la déraison des hommes.

Selon son habitude, Mohammed Dib cultive dans ce livre le goût des mots rares, de la phrase finement ciselée ou de l’abrupt décalage provoquant la surprise du lecteur. C’est ainsi que, plus de trente livres plus tard, le romancier et poète poursuit donc cette même quête de l’autre, entamée à l’aube des années cinquante par cette trilogie romanesque alors surtitrée avec une pertinente impertinence « Algérie ».  » Comme un bruit d’abeilles  » prend ainsi place dans une oeuvre qui a définitivement choisi d’interpeller, d’interroger, de poser les questions, plutôt que d’y répondre.

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