Nord-Kivu : un désastre humanitaire


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Drapeau de la République Démocratique du Congo
Drapeau de la République Démocratique du Congo

Le conflit dans le Nord-Kivu qui oppose depuis plusieurs semaines des militaires congolais aux déserteurs fidèles au général Bosco Ntaganda a conduit à un exode humain considérable. L’ONU juge la situation « préoccupante ». A côté de cette migration galopante, la région doit aussi faire face à une nouvelle épidémie de paludisme.

La situation est toujours tendue dans le Nord-Kivu. Le conflit qui oppose depuis plusieurs semaines l’armée congolaise aux ex-rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) a provoqué le déplacement de milliers de population dans la région. Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) a décidé ce mercredi d’apporter une assistance alimentaire aux six mille sept cents déplacés du camp de Mugunga, à l’extrême ouest de la ville de Goma (Nord-Kivu), suite notamment au regain de violence dimanche dernier.
Ceux-ci devraient notamment recevoir des céréales, de la farine, des haricots, de l’huile et du sel. Cette nouvelle action d’aide vient ainsi compléter les rations d’urgence distribuées le 16 mai dernier à plus de mille déplacés, qui avaient été jugés comme les plus vulnérables.

« On n’a pas forcement toutes les ressources en nature et en finances pour faire face à la situation »

L’émissaire onusienne du PAM, madame Fabienne Pompey, juge la situation humanitaire dans la région « préoccupante » et explique que cet exode humain est d’autant plus « inattendu » qu’il est difficile de répondre dans l’urgence aux attentes des personnes déplacées. « On n’a pas forcement toutes les ressources en nature et en finances pour faire face à la situation », a-t-elle indiqué hier lors d’une conférence de presse, gardant toutefois espoir que son organisation allait recevoir des contributions « très prochainement ».

En décrivant les mouvements de va-et-vient des réfugiés qui parfois « rentrent chez eux quand la situation se calme », Mme Pompey a également tenu à souligner la difficulté pour eux de travailler, en rappelant tout de même qu’ils(Ndlr) « essayent de répondre dans les meilleurs délais, dans les meilleures conditions, à toutes les demandes d’assistance humanitaire».

Selon le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), entre le 29 avril et le 2 mai, environ quinze mille nouvelles personnes se sont déplacées pour trouver refuge dans le camp de Mugunga. Ce qui ramène le bilan des déplacés internes à 514 000 répartis dans 31 camps dans le Nord-Kivu.

Retour sur une journée « sanglante »

Ce dimanche 20 mai 2012 de nouveaux combats violents ont encore opposé l’armée congolaise à des mutins, ex-rebelles, dans la zone de Jomba, une localité de la province instable du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, avait-on appris auprès des dissidents. « Nous sommes sur le terrain. Nous sommes en train d’affronter les FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) depuis le matin à 3km de Bunagana, dans la zone de Jomba, où nous étions hier (samedi) », avait ainsi déclaré dimanche matin à l’AFP le lieutenant-colonel Vianney Kazarana, porte-parole des mutins du Mouvement du 23 mars (M23). Cette nouvelle déclaration de guerre faisait ainsi suite à de multiples conflits et attaques qui se succèdent depuis fin avril dans la région.

Les dissidents du M23 sont issus de l’ex-rébellion tutsi-congolaise du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) intégrée dans les FARDC après un accord de paix signé avec le gouvernement congolais le 23 mars 2009. Ils affirment n’avoir aucun lien avec M. Bosco Ntaganda, mais selon certaines sources, il s’agirait tout simplement d’une tactique pour protéger ce dernier.

Surnommé « Terminator », Bosco Ntaganda est recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour enrôlement d’enfants soldats, et désormais par Kinshasa qui le tient pour « responsable » des combats qui sévissent dans cette région.

Les FARDC « contrôlent et sécurisent cette zone »

Un responsable provincial avait par la suite laissé entendre que plusieurs passages frontaliers, notamment la route qui part de Rutshuru vers Bunagana en direction de l’Ouganda, avaient été ouverts, pour faciliter le mouvement des populations. Ce dernier également, pour apporter des réponses à la situation sécuritaire des personnes en déplacement, avait par ailleurs affirmé que les FARDC « contrôlent et sécurisent cette zone ».

Du coup dans de pareilles conditions, empruntes à de vives tensions, il est parfois difficile de dresser un bilan certain. Certaines sources militaires des FARDC parlaient de 2 morts et quelques blessés dans leurs rangs, sans en préciser le chiffre, tout en indiquant avoir tués plusieurs mutins. La mission des Nations Unies sur place (Monusco) estimaient avoir enregistré 13 blessés des FARDC internés ce dimanche à l’hôpital général de Rutshuru-Centre, parmi lesquels quatre cas graves transmis par hélico dans la capitale provinciale Goma.

Un « échec cuisant » pour les mutins

Par ailleurs, une autre opération a été lancée conjointement avec les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR, rebelle), dans les villes de Uvira, Shabunda et Kalehe. Selon des sources gouvernementales, cet assaut se serait soldé par « un échec cuisant » pour les mutins, d’autant que 25 personnes d’entre eux auraient perdu leur vie.

Ce lundi 21 mai, le ministre congolais de la Défense et des anciens combattants, M. Alexandre Luba Ntambo, avait tenu à rassurer les populations, la presse et la communauté internationale de la maîtrise et du contrôle de la situation. « La situation sécuritaire de la République démocratique du Congo aujourd’hui est en voie de stabilisation avancée. (…) les FARDC contrôlent bien la situation dans le Nord-Kivu où elles sont engagées contre la bande des mutins coalisée à d’autres forces négatives qui oeuvrent à la déstabilisation de la province du nord Kivu », avait-il déclaré.

60.000 personnes en déplacement

Le ministre avait également indiqué que le gouvernement congolais restait activement attentif à la mise en place des mesures durables et solides qui permettront de mettre fin à l’insécurité récurrente dans l’est du pays, « en s’attaquant aux racines du mal ». Ainsi en avait-il profité par la même occasion pour lancer un appel national et solennel à toutes les personnes entretenant des rapports privés à caractère identitaire dans la région et au-delà pour que celles-ci stoppent leurs actions dangereuses pour le paix, la stabilité et l’intégrité nationale.

Selon le HCR, ces combats de dimanche ont provoqué le déplacement de 60.000 personnes, en majorité des enfants, des femmes et des personnes âgées vers le Rwanda et l’Ouganda.

L’épidémie de paludisme fait des ravages

Ce mardi, des sources congolaises laissaient entendre qu’une vague de paludisme avait de nouveau frappé la région. Dans le village de Munigi, situé à quelques 3 kilomètres de Goma, les populations se plaignent du manque ou de l’insuffisance d’accès aux soins nécessaires pour faire face à la maladie. Et donc par manque de moyens, certaines familles sont parfois contraintes à faire des choix difficiles et faire la part des choses. Une mère de famille désespérée, avait ainsi déclaré n’avoir recu qu’un moustiquaire : « Je vais l’installer dans ma chambre comme nous avons un bébé, mais les autres enfants seront sacrifiés. Nous avons des enfants, garçons et filles, on ne peut pas les placer tous sur un seul lit pour les mettre sous la moustiquaire. C’est impossible. Je n’y peux rien ».

Une campagne de distribution de moustiquaires avait été lancée le 25 avril dernier, pendant laquelle plusieurs familles n’avaient recu qu’un moustiquaire, même parfois des foyers de plus de dix personnes.

Mortalité infantile de plus de 45 %

Un rapport de l’OMS de lutte contre le paludisme publié en 2011, révèle que l’Afrique enregistre le taux le plus élevé de paludisme. 86 % des cas concernent les enfants de moins de 5 ans. La République démocratique du Congo fait partie des pays qui affichent le taux le plus élevé du paludisme avec un taux de mortalité infantile de plus de 45 %.

Le HCR estime que la présence massive de réfugiés congolais et la promiscuité dans ces camps sont en partie majoritaire la cause des épidémies telles que le choléra, la fièvre typhoïde, le paludisme.

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