RDC : la bataille du Nord-Kivu reprendra-t-elle ?


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La trêve de cinq jours décrétée dimanche 6 mai par l’armée pour suspendre les combats l’opposant aux ex-rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) dans le Nord-Kivu a pris fin ce vendredi. Le lieutenant général Didier Etumba avait enjoint ses troupes de stopper les affrontements, exigeant en même temps des mutins qu’ils se rendent. Mais des tirs ont éclaté ce jeudi soir entre les deux parties dans l’est, près de la frontière du Rwanda et de l’Ouganda. Le Nord-Kivu pourrait bien être à nouveau en proie à des violences meurtrières. Retour sur un conflit à rebondissements.

Reprise des hostilités dans le Nord-Kivu. Des tirs ont éclaté jeudi soir entre l’armée et les ex-rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) dans l’est, près de la frontière du Rwanda et de l’Ouganda. Dimanche 6 mai, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) avaient décidé pourtant d’interrompre durant cinq jours les combats qui les opposent depuis le 29 avril aux ex-rebelles du (CNDP) dans le Nord-Kivu.

L’objectif des mutins est de reconquérir la région du Nord-Kivu, notamment les territoires du Masisi, qui furent longtemps sous leur contrôle. Ce sont ces mutins issus de l’ancienne rébellion qui ont été à l’initiative des premiers combats contre l’armée, il y a quelques semaines, provoquant la mort d’au moins cinq soldats.

M. Bosco Ntaganda est «responsable» des combats

Les mutins ont ainsi eu pendant cinq jours le temps de se manifester et de répondre à cette main inattendue qui se tend vers eux. Il convient de souligner que l’appel n’a pas été entendu par tous, car selon plusieurs sources locales une bonne partie des mutins se serait déjà repliés dans des vallées reculées du grand parc national des Virunga, exprimant ainsi leur volonté de continuer les combats, leur détermination à tenir tête aux forces militaires et par ricochet au gouvernement en place.

Ces démonstrations de force viennent donc semer le doute sur une réelle possibilité de capitulation des mutins, d’autant plus que ces derniers n’ont de cesse d’afficher leur attachement et leur fidélité à leur porte-drapeau, le général Bosco Ntaganda. Celui-ci est recherché depuis longtemps par la Cour pénale internationale (CPI), pour de multiples exactions et crimes. Il est l’ancien chef rebelle du CNDP et avait intégré en 2009 l’armée régulière du Congo. Il est aujourd’hui également poursuivi par la justice congolaise.

Le gouvernement congolais estime que M. Ntaganda est «responsable» des combats qui se déroulent dans l’est du pays depuis plusieurs jours. Le gouverneur du Nord-Kivu, M. Julien Paluku, avait d’ailleurs, dans une déclaration publique, évoqué la possibilité d’arrêter M. Ntaganda : « Tout ce qui se passe dans l’Est est sous la responsabilité du général Bosco Ntaganda et il doit être recherché pour cela » et « si nos unités mettent la main sur lui, il répondra devant les juridictions congolaises de tous ses actes ».

Au moins 20 000 civils en fuite vers Goma et le Rwanda voisin

Depuis le déclenchement de ce conflit, fin avril, pas moins de 20 000 civils ont fui leurs lieux d’habitation dans le Nord-Kivu. Ce sont parfois des familles entières qui sont contraintes de renoncer à leurs activités commerciales ou agricoles par crainte de perdre leur vie dans les combats. D’autres, dans la mesure du possible, partent avec leur bétail en direction des villes plus calmes, comme la capitale provinciale, Goma.

Les autorités provinciales auraient mis à disposition des terrains autour de Goma, selon RFI. Plusieurs milliers de personnes auraient passé les frontières des pays voisins, comme le Rwanda. En raison de l’instabilité de la RDC, le nombre de déplacés aurait franchi la barre des deux millions au premier trimestre de cette année, soit une augmentation d’environ 300 000 par rapport à l’année dernière. Les deux zones Nord et Sud de la province Kivu compteraient à elles seules environ 70% des effectifs des personnes en déplacement. Cet effectif a augmenté de 35% depuis la fin de l’année dernière.

Le Sud-Kivu également en proie aux tensions ethniques

Les affrontements entre l’armée et les ex-rebelles sont dus au fait que quelques anciens combattants du CNDP, réintroduits dans l’armée nationale en 2009, sont redevenus des rebelles après leur désertion. L’ancien mouvement, censé être enterré depuis longtemps, a ainsi donné l’impression de vouloir s’implanter à nouveau dans la région du Nord-Kivu, notamment dans les territoires du Masisi, qu’il revendique depuis longtemps. Les ex-rebelles entendaient marquer plus que jamais leur emprise sur cette zone.

Dans sa fuite le Général en rupture de ban Bosco Ntaganda a abandonné derrière lui, dans sa ferme de Kirolirwe à Masisi, une grande quantité d’armes et de munitions qui ont été présentées à la presse et au Gouverneur de la Province, Julien Paluku Kahongya, par le Général Major, Gabriel Amisi dit Tangofor.

La région du Sud Kivu est aussi très instable. L’assassinat d’un chef coutumier de quatre balles dans la tête le 25 avril dernier avait également fait renaître les tensions ethniques qui sont monnaie courante dans la zone depuis longtemps. Ce chef, appartenait à la communauté des Barundi qui se dispute depuis toujours le pouvoir traditionnel avec une autre communauté, qui dirige actuellement la zone et avait accepté de la céder. Ce dernier avait été suspendu de ses fonctions en tant que chef de collectivité en 1996 et il était prévu qu’il reprenne sa fonction traditionnelle la semaine même de son décès. Dans ce genre de situation les abus ne sont pas rares. Certains témoignages ont fait état de recrutement forcé de jeunes par les rebelles.

La main tendue provisoire de l’armée régulière congolaise aux anciens rebelles qui reprennent les armes n’est donc pas seulement tactique : elle vise à pacifier par d’autres moyens que la force des armes une région où s’entrecroisent de multiples lignes de fractures ethniques, politiques, identitaires, historiques, et où le pouvoir central doit compter avec les pouvoirs locaux, qu’ils soient ou non légitimes.

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