Mercenaires touaregs : la botte secrète de Kadhafi


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Alors que la coalition internationale bombarde la Libye, le colonel Mouammar kadhafi reste impassible et assure qu’il se « battra par tous les moyens ». Le guide de la révolution libyenne peut compter sur ses forces armées et sur ses mercenaires africains.

Depuis quelques semaines, un étrange défilé de 4X4 aurait lieu au Sahara. Selon des sources présentes sur place, quelques 800 jeunes touaregs nigériens et maliens auraient fait route vers la Libye pour combattre auprès du colonel Kadhafi. « Ils partiraient en petit groupe avec une arme, quatre chargeurs et 400 euros en poche, sans que personne ne vienne les contrôler », explique Ibrahim Diallo, un journaliste nigérien d’Afrik.tv, habitant dans la région d’Agadez, au Niger. Ces jeunes, attirés par l’argent, seraient des anciens combattants des rebellions de 2006 et 2008, recrutés par des touaregs nigériens installés en Libye et Aghaly Ag Alambo, ancien chef rebelle du Mouvement nigérien pour la justice (MNJ). « Il y a beaucoup de chômage dans le nord. La population est isolée, le tourisme est en berne. Pour survivre, les jeunes n’ont pas d’autres choix que de travailler pour l’Aqmi ou de s’engager comme mercenaires », observe Abdoulahi Attayoub, le président du site internet touarègue Temoust. En septembre dernier, les Touaregs avaient été accusés de complicité avec les membres d’Al-Qaïda. Ils étaient soupçonnés d’avoir enlevé puis livré des otages occidentaux contre d’importantes sommes d’argent.

Un trafic de mercenaires

Au Mali, même constat. D’après des sources locales, des convois auraient quitté les villes de Gao et de Kidal en direction de Sebbha en Libye. Le correspond de RFI au Mali, Serge Daniel, affirme avoir vu dans un hôtel cinq étoiles de Bamako « des jeunes Touaregs maliens, des jeunes chômeurs », proposer leurs services, « pour 1000 dollars par semaine ». « Ce ne sont pas des gens costauds ». Ces jeunes touaregs s’ajouteraient aux mercenaires venus en nombre intégrer l’armée régulière libyenne. Des hommes originaires du Tchad, de Somalie, du Zimbabwe, d’Ethiopie, du Burkina Faso et du Liberia. « Des vols assurent le transfert entre de mercenaires avec la complicité des président d’Afrique de l’Ouest. Mouammar Kadhafi a beaucoup d’influence sur les dirigeants en raison des aides politiques qui leur accorde. Je ne peux pas affirmer que tous les présidents sont au courant de ces recrutements mais quand on connait le nombre de partis financés par Kadhafi, on peut s’interroger », note Moussa Al Koni, ancien consul général du Mali en Libye. Pour cet homme politique qui a récemment démissionné, le recrutement de Touaregs au Mali ou au Niger serait un mensonge. « Ils ont assez de touaregs désœuvrés en Libye, ils n’ont pas besoin d’aller en chercher ailleurs », ajoute-t-il.

Kadhafi et les Touaregs

Dans les années 90, les Touaregs qui fuyaient la répression malienne se sont réfugiés en Libye. Lors des rebellions, Mouammar Kadhafi a longtemps servi de médiateur entre les autorités du Mali et du Niger, et les Touaregs. « Il a donné des sommes importantes aux leaders des mouvements rebelles. Il les a aidés afin de garantir sa position d’hégémonie sur le Sahara », commente Camille Lefebvre, historienne spécialiste du Niger. Résultat : de nombreux Touaregs venus en Libye auraient acquis la nationalité libyenne et intégré l’armée libyenne. Ils seraient aujourd’hui entre 3000 et 4000 et auraient été transférés vers la région du Nord de la Libye, d’après Moussa Al Koni. Et d’ajouter : «  Kadhafi a constitué une division du nom de « Maraouir » composée de combattants touaregs. Ces derniers ont été utilisés au Tchad et au Liban et beaucoup d’entre eux ont perdu la vie ».

Pourtant, certains Touaregs seraient reconnaissants envers Mouammar Kadhafi. « Pour eux, la Libye a servi de base arrière pour les Touaregs. Grâce à ce pays ils ont acquis des formations militaires. Ils pensent que le colonel libyen sera toujours là pour les accueillir dans les moments difficiles », explique Hama Ag Sid’Ahmed, le porte parole du Mouvement touareg/ Mali mené par Ibrahim Ag Bahanga qui assure qu’aucune de leurs troupes n’aurait rejoint la Libye pour le compte de Kadhafi ». Depuis début 2010, le mouvement souhaite une réorganisation militaire et politique pour faire face « au silence nuisible du pouvoir central de Bamako ». « L’insurrection en Libye ne détourne pas les Touaregs de leurs objectifs. Elle leur permet plutôt de se souder, de se parler et de tracer des perspectives nouvelles », ajoute-il.

Pour autant, de nombreux observateurs craignent que la situation dégénère dans la région nord du Mali et du Niger. «  On a peur de l’amalgame et de la stigmatisation de la communauté touarègue. Si Mouammar Kadhafi tombe, plus personne ne fera tampon entre les autorités et nous. Si les Etats ne discutent pas avec les Touaregs et ne prennent pas en considération leurs demandes alors il sera légitime de prendre les armes », conclut Abdoulahi Attayoub, le président du site Temoust.org.

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