Ces mercenaires africains qui sèment la terreur en Libye


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Ces mercenaires africains qui sèment la terreur en Libye

Venus pour beaucoup d’Afrique noire, des mercenaires à la solde de Mouammar Kadhafi sont payés pour mâter le soulèvement qui secoue le pays depuis plusieurs semaines. Ils participent à la sanglante répression organisée par le pouvoir libyen. Une situation qui se retourne contre les travailleurs immigrés vivant dans le pays, victimes de la vengeance des insurgés qui les confondent avec les tueurs.

Ils seraient des milliers en Libye dans le seul but de tuer. Appelés en renfort par le colonel Mouammar Kadhafi pour mettre un terme à la révolte contre son régime, ces mercenaires participent à la sanglante répression qui aurait fait à ce jour plus de 6000 morts, selon la Ligue libyenne des droits de l’homme. Originaires, entre autres, du Tchad, de Mauritanie, du Soudan, de Somalie, du Zimbabwe ou encore du Liberia, il s’agirait pour la plupart d’anciens combattants de rebellions africaines financées par le « Guide » dès son arrivée au pouvoir en 1969. Des Kényans, Ethiopiens et Burkinabès feraient également partie de leurs contingents. Leur nombre est estimé à 6000 par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), d’autres comme l’ONG Human Rights Solidarity l’évalue à 30000.

Des centaines de jeunes Touaregs venant du Mali et du Niger seraient aussi dans leurs rangs, selon des élus du nord du Mali. « Nous sommes à plus d’un titre très inquiets », a déclaré cette semaine Abdou Salam Ag Assalat, président de l’assemblée régionale de Kidal. « Ces jeunes sont en train de monter massivement en Libye. C’est très dangereux pour nous, car que Kadhafi résiste où qu’il tombe, il y aura un impact pour notre région », a-t-il ajouté.

La survie du régime à tout prix

Ces hommes constituent une « bouée de sauvetage » pour le colonel Kadhafi qui voit son régime se disloquer. Désormais, il sait qu’il ne peut plus totalement compter sur les tribus qui le soutenaient, ni sur l’armée qui a connu de multiples défections. Les mercenaires seraient, pour partie, issus de la « Légion islamique ». Une armée inspirée de la Légion étrangère française, et reflétant le rêve de Mouammar Kadhafi de créer des Etats-Unis d’Afrique et d’en devenir le leader. A sa création en 1972, cette armée s’entraînait dans le sud de la Libye, et a participé à la défense de nombreux régimes. Notamment ceux de l’ex-président centrafricain, Ange Félix Patassé, renversé en 2002, et du Tchadien, Idriss Deby, qui était confronté à une rébellion en 2008. Selon la Ligue des droits de l’homme libyenne, les mercenaires seraient « dirigés par deux généraux tchadiens aux ordres de l’ambassadeur du Tchad en Libye, Daoussa Déby, le frère d’Idriss Deby ». Mais le ministre des Affaires étrangères tchadien a démenti vendredi dernier que « des Tchadiens soient partis du Tchad ou recrutés quelque part pour servir de mercenaires en Libye ». Selon lui, « le Tchad n’a aucun intérêt à s’ingérer dans une crise interne à ce pays voisin et encore moins à attiser le feu et la violence », a-t-il affirmé.

Une prime pour chaque insurgé libyen tué

Les compagnies de mercenaires portent pour certains des casques jaunes et tirent à balles réelles sur la population. Depuis quelques jours des vidéos postées sur internet montrant leurs actes révèlent leur présence dans le pays. On y voit notamment des scènes de violence qui se déroulent à Benghazi, ville située à l’est, contrôlée par l’opposition libyenne. Plusieurs témoins ont également souligné qu’ils provoquaient des incendies, dans le but de faire régner une atmosphère de chaos dans le pays. De son côté, le pouvoir nie l’importance de leur implication. Le fils de Mouammar Kadhafi, Seïf al-Islam, a récemment qualifié de « mensonge », l’idée selon laquelle, le régime faisait appel à des mercenaires pour bombarder les civils.

Bête noire de la population libyenne révoltée, ces tueurs sont l’objet de multiples rumeurs. L’une d’entre elles, relayée par plusieurs médias anglo-saxons, affirme que Mouammar Kadhafi leur donnerait une prime de 1000 dollars pour chaque manifestant abattu. Certains évoquent la coquette somme de 10 000 à 12 000 dollars. Et des témoins de leurs enrôlement, au Mali, affirment qu’ils recevraient une solde de 1000 dollars par semaine.

YouTube video

La chasse aux Africains

De nombreux travailleurs immigrés noirs africains qui vivent en Libye sont persécutés par les insurgés qui les confondent avec les mercenaires. Insultés, menacés, frappés, chassés, volés, ils fuient massivement le pays de peur des représailles. « Les Libyens nous accusent d’être des miliciens de Kadhafi, des mercenaires africains », a confié à la presse Mohamed Ali, ingénieur soudanais de 40 ans, arrivé de Zawiyah. « Nous ne sommes que de simples manœuvres! », s’est indigné Saïd Moussa, Malien de 42 ans, employé d’une société chinoise à Tiji, située à l’ouest. « Quand les Chinois sont partis, la population du village nous est tombée dessus. Ils nous ont agressés, ils nous ont tout pris », a-t-il confié à l’AFP.

Cissé Ousmane, un Ivoirien de 31 ans, regardait la télévision chez lui, à Zouara, à l’ouest de la Libye, quand « les Libyens sont arrivés, ils ont frappé à la porte, plusieurs fois, il était 2h00 du matin. Ils voulaient rentrer de force. Ils disaient sortez, on va vous tuer, vous êtes des blacks, des étrangers, dégagez ». C’est la porte blindée et les barreaux aux fenêtres qui l’ont sauvé, lui et sa famille. Selon lui, des maisons de Nigériens ont déjà brûlé. Et il est persuadé qu’un « black qui sort, il va mourir ».

Certains d’entre eux, originaires du Mali, du Soudan, du Tchad ou du Ghana, étaient venus s’installer en Libye pour trouver un emploi bien rémunéré, et aider leurs proches restés au pays. « Je gagnais environ deux fois plus qu’au Soudan », explique Moussa, un ouvrier soudanais de 33 ans, qui a fui avec ses quatre enfants. Ces immigrés dont l’accès à la Libye à été en partie facilité par Mouammar Kadhafi, qui a longtemps prôné le panafricanisme, étaient régulièrement victimes d’actes de racismes. Désormais leur seul objectif est de rentrer dans leur pays d’origine. Et pour le «Guide», qui compte sur ses «escadrons de la mort » pour préserver son régime, la guerre ne fait que commencer…

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