« Un Homme qui crie » sa culpabilité


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Le Tchad est en compétition officielle pour la 63e édition du Festival de Cannes grâce au dernier long métrage de Mahamat-Saleh Haroun, Un Homme qui crie. Maîtrisé et magnifiquement interprété par Youssouf Djaoro, le cinéaste tchadien signe un quatrième film qui justifie amplement sa sélection cannoise.

De notre envoyée spéciale à Cannes

Un Homme qui crie. Un film sur la culpabilité d’Adam, qui a fait de son fils Abdel, son ennemi intime pour lui avoir, de façon involontaire, piqué sa place de maître-nageur dans l’hôtel où tous les deux travaillent. Dans ce N’Djamena, que les rebelles risquent bientôt d’envahir, le père, ancien champion de natation, est plein de rancœur pour son unique enfant, à l’origine de son désœuvrement. Au point de laisser planer sur son rejeton la menace d’un enrôlement. Car il n’a pas d’argent pour s’acquitter de l’effort de guerre réclamé par son chef de quartier.

Le père absent dans Abouna, le père que l’on veut venger dans Daratt, saison sèche et enfin le père qui faute dans Un Homme qui crie, et les conflits récurrents au Tchad en filigrane. Dans son dernier film, qui concourt en compétition officielle à Cannes et présenté ce dimanche, le réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun explore les multiples facettes du remord et des regrets. Au propre comme au figuré. Les gros plans sur le visage crispé de Youssouf Djaoro, alias Adam, ont plusieurs angles mais racontent toujours la même histoire, la fin d’une époque qui rimait avec bonheur et insouciance.

Le titre du quatrième film de Mahamat-Saleh Haroun est extrait d’un vers de l’un des chantres de la négritude, le Martiniquais Aimé Césaire, dans son œuvre Cahier d’un retour au pays natal : Un homme qui crie n’est pas un ours qui danse. Et Youssouf Djaoro, qui participe après Daratt, saison sèche au deuxième long métrage de son compatriote tchadien, se fond dans la peau d’ours de son personnage. Un brin bourru, mais surtout très malheureux. La sobriété dans l’interprétation fait écho à celle de l’univers épuré et ralenti de Mahamet-Saleh Haroun. Le cinéaste réussit à aller jusqu’au bout de son propos sans digression. Sa maîtrise du film vient de cette capacité à creuser jusqu’à épuisement son sujet et à mettre en images les incertitudes et l’évolution de son personnage principal. Une histoire se raconte. Et quand vient le magnifique plan final de ce père, presque sur l’eau, tout se fait évidence.

Le réalisateur et l’acteur sont sans aucun doute sur la même longueur d’ondes et c’est ce qui fait d’Un homme qui crie une œuvre intense. Daratt, saison sèche , la précédente œuvre de Mahamat-Saleh Haroun, était déjà une œuvre de belle facture. Avec Un Homme qui crie, le cinéaste tchadien démontre qu’il pouvait mieux faire, à la grande satisfaction des désespérés du Septième art en Afrique francophone. Ils n’attendent qu’une chose : que le cinéma s’y renouvelle et que soient produits des films que l’on regarde plus par plaisir et moins par simple devoir ou patriotisme discutable.

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